Jeanine Lauwens :  » Ma vérité « 

La maman de Marc Dutroux n’a pas accepté les critiques récurrentes qui lui sont adressées quant à l’enfance de son fils. Elle confie son désarroi et sa colère au Vif/L’Express

S ‘il faut deux ou trois générations pour faire un Wolfgang Amadeus Mozart, il semble qu’il en faille également plusieurs pour faire un Marc Dutroux  » : c’est la formule par laquelle le Dr Michel Matagne, expert judiciaire, met en cause les antécédents familiaux de Marc Dutroux dans la genèse de sa personnalité de psychopathe. Matagne avait rencontré Dutroux une première fois, à la demande de la défense, pour venir témoigner en tant qu’expert judiciaire médical aux assises d’Arlon. Il s’était ensuite entretenu pendant de nombreuses heures avec le prisonnier le plus célèbre de Belgique. De cette expérience est né un livre, Comment devient-on Marc Dutroux (éd. Médialoh), à propos duquel Le Vif/L’Express a interviewé le Dr Matagne, dans son édition du 23 septembre dernier. L’auteur y décrivait l’environnement familial du polycriminel comme particulièrement  » hostile  » et pathogène, de nature à influencer lourdement son évolution ultérieure. Jeanine Lauwens, la maman de Marc Dutroux, n’a pas accepté cette nouvelle mise en cause, qu’elle juge partiale et empreinte de  » malhonnêteté intellectuelle  » « . Elle nous a adressé une longue lettre. Nous la publions ici dans sa quasi-intégralité, considérant qu’elle a, elle aussi, le droit à la parole.

En rentrant chez moi après un mois d’absence, j’ai eu la surprise de découvrir l’interview du  » médecin expert judiciaire  » Michel Matagne, qui fait de moi la plus abjecte des mères au lourd passé, issue d’un père dénaturé et cause directe des  » exploits  » innommables de son monstre de fils Marc Dutroux, tant par sa conduite que par les gènes qu’elle transmet de par son hérédité. Je ne puis l’accepter. M. Matagne vous a-t-il convaincus de la  » fiabilité  » des dires de son illustre patient M.D. – qualifié par ailleurs de manipulateur invétéré, mais grondé par lui-même :  » Si tu me mens, je ne te présenterai pas comme un enfant martyr, ce qui te vaudrait des améliorations de ta condition de détenu.  » Cela ne pouvait bien sûr qu’inciter son interlocuteur à  » craquer  » et à confier à ce providentiel allié tout ce qu’il avait sur le c£ur. Une telle naïveté ferait sourire n’importe quel citoyen ayant un peu de bon sens. Mais un  » expert judiciaire  » humilié devant la cour d’assises d’Arlon et renvoyé à ses études ne pouvait accepter un tel affront : un livre viendrait donc couronner ce travail si fouillé ! Votre article est illustré notamment par une photo de ce pauvre martyr contrarié devant une brouette renversée : Marc Durtoux à l’aube de sa vie, au Congo. Désolée, mais cette photo produite par Victor Dutroux pour illustrer son livre Marc Dutroux Mijn zoon, n’est autre que celle de Victor lui-même, dans son jardin à Tirlemont, prise avant février 1938. Je possède les autres clichés de même date avec brouette et décors à l’appui, ce que ne pouvait prévoir Victor. Je possède aussi de nombreuses photos du vrai Marc. Etonnant, de la part d’une mère  » encombrée  » par un fils venu trop tôt. Soit dit en passant, la jeune femme que j’étais aimait si peu la maternité qu’elle a eu trois bébés en vingt-sept mois, et deux autres par après. Maso, non ! C’est à ces autres enfants, marqués selon M. Matagne par une lourde hérédité, qu’il aurait dû penser. Et se renseigner sur leur vie impeccable, tant au point de vue professionnel que familial, et aux onze petitsenfants – dont ceux de Marc -, qui n’ont certes pas mérité une telle étiquette et souffrent sans comprendre pourquoi il s’acharne sur eux. Mais M. Matagne préfère la version, plus croustillante, de son client : on ne fait pas un livre sur une famille sans histoire, donc sans intérêt ! Pourquoi chercher midi à quatorze heures quand on a des  » révélations  » aussi percutantes à publier ?

Les morts, évidemment, ne peuvent plus témoigner. Ils sont donc les premiers à être mis en cause. Mon père, d’abord, homme droit et père responsable, qui voulait pour sa fille un bel avenir et doit se retourner dans sa tombe s’il entend M. Matagne. Jamais je n’ai été écartée de la maison familiale et, si j’ai été pensionnaire, c’était en raison de l’éloignement de l’école secondaire par rapport au petit village où nous habitions. Cette période m’a laissé d’excellents souvenirs ; c’est pourquoi je pensais procurer à mes enfants la même chance. Plusieurs s’en sont félicités et la tendance revient à la mode : les internats sont très demandés par nos jeunes d’aujourd’hui. La deuxième personne décédée est mon quatrième fils, atteint d’une maladie qui se termine mal pour un fort pourcentage de malades. M. Matagne prend pour argent comptant les turpitudes, inventées par la partie adverse, d’une conséquence de divorce mal acceptée : la pension alimentaire d’un fils de vingt ans mais malade. Il faut donc arriver à retirer la garde à la mère. L’argument est éculé : inceste ! Mais je ne vivais pas seule ; comment faire pour trouver des alliés ? Jouer au père qui va désormais être un père généreux envers ses enfants. Le plus vénal, déjà marié, tombe dans le panneau et confirme qu’ils n’ont rien vu ni entendu, mais que je leur ai dit moi-même ! Fiasco. Mais des médecins de l’âme, par ailleurs fort décriés par leurs confrères, ont trouvé là exemple pour étayer leur théorie : c’est la mère qui est à l’origine des comportements sexuels déviants ! Désolée, je n’ai jamais été violée et je n’ai jamais violé personne. Mes enfants – sauf l’aîné – ont tous une vie sans histoire et des enfants qui font leur fierté.

Il serait temps que cessent les comportements ignobles tels que celui de M. Matagne, car on en vient à se demander si, à force de se rouler dans la fange auprès de leur client, ils ne se sont pas contaminés, ou si le choix de leur occupation ne provient pas d’un refoulement de leurs pulsions personnelles. Comme il me faudrait un livre pour démontrer toutes ces contrevérités, je m’en tiendrai là. Je n’ai guère l’espoir d’être entendue, n’étant qu’une simple institutrice à la retraite après une carrière complète qui m’a permis d’élever mes enfants. Je ne puis me targuer de diplômes universitaires pour tout expliquer. En revanche, je connais ma vie, pour l’avoir vécue.  »

Jeanine Lauwens

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