» Je ne voudrais pas être éternel… mais je suis vivant »

Un acteur, un physique, un rire, une gueule. Des mots, aussi. Surtout des mots, finalement. Dans Innocent, livre de confession et de réflexions, il se réfugie dans l’intimité, loin de ses coups d’éclats. Le Vif/L’Express l’a rencontré pour un entretien exclusif. La voix est douce, le ton libre, l’humeur colorée.

A la fin de l’entretien, il est parti dans un grand éclat de rire. Celui entendu mille fois. Qui monte dans les aigus et galope en écho saccadé. Un rire qui s’amuse de sa raison d’être et ponctue une formule bien balancée, une connerie tonitruante, un avis de tempête. Gérard Depardieu se lève, salue les uns, remercie les autres. Il sourit et semble content. Il pourrait s’adresser à la porte et interpeller les nuages, personne n’en serait surpris. L’homme est ainsi fait qu’il faut s’attendre à tout avec lui. Aujourd’hui, il enfonce les mains dans les poches de son blouson. S’en va. Disparaît. S’évapore.

Et tout à coup, le vide. Comme s’il n’y avait rien après lui. Ni avant, d’ailleurs. Quand Gérard Depardieu débarque, il trimballe avec lui sa carrière, ses éclats de voix, ses casseroles, ses mots. C’est un homme véritablement impressionnant. Peu d’acteurs ont à ce point agité les souvenirs de chacun et habité l’imaginaire collectif. Peu d’acteurs ont avalé autant de personnages, traversé autant de films, nourri autant d’histoires. Peu d’acteurs possèdent cette liberté d’esprit et de parole.

L’humeur du moment, c’est l’humeur de ce livre, Innocent. Un livre de réflexion et de confession. Un livre dans lequel Gérard Depardieu parle d’une voix douce. L’amitié, la mort, le cinéma, la littérature, le temps qui passe, le regard des femmes, les mains des hommes. Gérard Depardieu, intime.

L’entretien fut de cette couleur. Calme, ouvert, retenu. Mais passionnant en ce qu’il dévoile un homme qui marche dans l’élan du monde. Gourmand des mots et des rencontres. Il achève le tournage de la série Marseille, pour laquelle il s’est installé dans la cité phocéenne depuis trois mois. Installé est un bien grand mot, lui qui aime traverser les murs. Il était là. Il est déjà ailleurs.

Mercredi 18 novembre. Cinq jours après les attentats. Le Vif/L’Express téléphone à Gérard Depardieu. Il est en Italie. Et réagit.  » C’est tragique. Daech est un mouvement d’analphabètes qui n’ont sûrement jamais lu le Coran. Pas un musulman digne de ce nom n’agit de cette manière. La seule réponse, c’est la frappe contre Daech. Le problème aujourd’hui, c’est que les religions sont devenues politiques. Le sacré et la foi ont disparu. « 

Le Vif/L’Express : Dans ce livre, vous dites aimer être dans le présent. Comment allez-vous, aujourd’hui, vendredi 6 novembre ?

Gérard Depardieu : Bien. Je reste curieux, attentif au monde, mais j’ai parfois l’impression qu’il y a trop de bruits, trop de mots. Je voudrais parfois ne pas comprendre tout ce que j’entends… Ne pas me laisser endormir par les médias, les infos, tout ce qu’il faut mettre dans les tuyaux. Hier, on n’en a eu que pour Benzema et cette histoire de cul. Mais, franchement, qu’est-ce qu’on en a à foutre ? Est-ce si important ? Non, évidemment.

Cette frénésie est le reflet de l’époque. Cela vous ennuie-t-il à ce point ?

Non, je tourne le bouton de la télé et basta. Mais trop de gens donnent leur avis, et on ne sait plus où on en est. Quand je suis arrivé à Paris dans les années 1960, j’ai été suivi par le professeur Tomatis car j’entendais trop de sons et je ne pouvais plus parler. Je souffrais de troubles d’émission. Ce qui m’a sauvé, c’est la lecture à haute voix. J’ai apprivoisé l’émotion à travers le langage et les mots. Les mots sont importants pour moi, mais ils sont de moins en moins harmonieux. Ils n’expriment que l’attaque ou la défense. Il n’y a plus de juste milieu ; uniquement des extrêmes.

Ce livre est-il une réaction au bouillonnement que vous mentionnez ou une volonté de faire le point ?

Faire le point ? Mais pourquoi ? Non, je m’en fous complètement. J’avais le souci de raconter ce que je vois, ce que je vis et ce que je ressens lorsque je voyage. De parler des gens que je rencontre. Je ne me considère pas comme quelqu’un d’important, mais je veux faire écho à ce que j’entends. La vie m’intéresse vraiment. Et depuis toujours. Elle m’intéresse d’ailleurs de plus en plus. C’est sans doute l’expérience. Mais aussi parce que l’âge rend désintéressé. Tout à coup, je tombe sur quelqu’un ou sur un paysage devant lesquels j’aurais pu passer sans m’arrêter, et là, aujourd’hui, je me laisse prendre. Je suis fasciné par la trace de l’Histoire.

Et la trace de l’homme ?

Egalement. J’aime savoir que des gens sont passés là et y ont laissé leur culture. J’aime la trace de l’homme débarrassée des rumeurs et des idées. Les idées sont encombrantes. J’aime la respiration, le cosmos et l’énergie qui s’en dégage.

Les idées, il en faut tout de même. Ce sont elles qui font avancer le monde…

Je préfère les artistes aux porteurs d’idées. Il y en a de moins en moins. Les artistes sont ceux qui soufflent sur le monde. C’est pour ça que j’aime la littérature fantastique. Les Plus qu’humains, de Sturgeon, par exemple, est un livre fascinant. Mais il y a aussi Lovecraft, Poe, Baudelaire, le Joseph Balsamo de Dumas… Et Houellebecq, aujourd’hui. Ce que je reproche à notre époque, c’est qu’il n’y a plus cette imagination capable de nous emporter. Ce qu’on trouve également dans les films d’Hitchcock…

Lequel disait :  » Plus que la logique, l’imagination « …

Voilà. C’est ça. L’époque est pauvre. Il faut remplir des tuyaux. La masse devient bête, parfois, alors que les individus sont passionnants. On perd la singularité : les individus sont noyés dans ce torrent d’infos et d’images. Puisque la guerre se regarde en direct, tu veux raconter quoi au cinéma ?

Ce livre est-il aussi une façon de remettre des pendules à l’heure ? De corriger l’image qu’on a de vous ?

Je me fous de l’heure et de mon image. Le temps, c’est ce qu’on vit. Ce n’est pas l’heure qu’il est. Ce qui m’intéresse, ce sont les gens.

Vous faites penser à Boudu, ce type qui vit au gré du vent et s’installe chez les gens…

Oui, pourquoi pas. Boudu, il peut être une révolte, pourtant il s’installe chez les gens, et là, il finit par utiliser les réseaux sociaux. Moi, ce que j’aime, c’est la contemplation.

D’accord, mais cette révolte, vous l’avez tout de même connue, vous y avez participé, notamment lorsque vous avez tourné Les Valseuses…

Jamais. Absolument jamais. Avec Les Valseuses, j’ai traversé l’époque. Point. Je n’ai pas l’impression d’avoir connu la révolte.

J’ai du mal à croire que vous n’ayez jamais eu envie de secouer le cocotier…

Non, jamais. En mai 68, j’étais au théâtre de l’Odéon et je regardais tous ces types, le poing levé, avec leur jolie montre au poignet, faire soi-disant la révolution. J’allais les voir et je les débarrassais de leurs bijoux bourgeois, que je donnais aux pauvres. J’étais le Mandrin de 68, le Robin des Bois de l’Odéon !

On apprend dans ce livre que vous avez été au monastère de Shaolin ! Qu’avez-vous été chercher là-bas ? L’apaisement, votre propre vérité ?

Je ne sais pas, je ne peux pas l’expliquer. Comme je ne peux expliquer ce que j’ai ressenti. C’est la liberté du cheminement. Il n’y a pas besoin d’un but pour survivre. La révolte, elle est déjà prise. Partout. Surtout en ce moment. La paix, elle, n’est jamais considérée.

Il faut donc noter que vous n’aimez pas provoquer…

Bon, quand je suis bourré, ça m’arrive. Mais ce n’est pas de la provocation, finalement. Quand Sarkozy, sur RTL, s’offusque qu’on puisse dire qu’il n’a pas fait tout ce qu’il avait promis pendant sa campagne électorale, il fait de la provocation, puisqu’il y a une liste longue comme le bras de promesses non tenues. Moi, je me trouve dans des situations qui font parler ces gens qui ont besoin de parler pour remplir des tuyaux.

L’image qu’on a de vous n’a donc aucune importance à vos yeux ?

Elle ne me concerne pas. Et de moins en moins. Je n’ai jamais éprouvé le besoin de me justifier. Après trente ans d’analyse freudienne, j’ai appris à civiliser mes émotions. Je n’ai pas le sentiment de bousculer ni de provoquer. En revanche, je rencontre trop de gens qui ne voyagent pas assez et qui finissent par dire des conneries.

Apprendre à civiliser ses émotions, est-ce aussi ne pas être dupe des moments où l’on vous trouve génial ?

Prendre la grosse tête est inhérent à la nature humaine. Duras me demandait :  » On dit que je suis géniale, qu’est-ce tu en penses ?  » Je lui répondais que c’était vrai…

Et vous ? Etes-vous génial ?

Je n’aime pas trop entendre ce genre de choses. Je suis mal à l’aise avec les compliments, comme je suis mal à l’aise avec mon physique. J’ai très peu de miroirs chez moi. Ce qu’on peut dire de ma personne ne m’intéresse pas. Je préfère rencontrer quelqu’un dont je ne parle pas la langue et que je comprends.

Vous avez un côté fataliste : prendre les choses si elles arrivent…

Oui, et surtout ne pas s’emmerder à les chercher.

En lisant ce que vous dites de Poutine, on réalise que, finalement, vous l’aimez bien parce que c’est un  » ancien voyou  » et qu’il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit.

Cette nature fait partie de l’âme russe. Avec ses qualités et ses défauts – défauts qui sont terribles. En Russie, ce que j’aime, ce sont les paysages. Au Kazakhstan aussi. Dans les villages kazakhs, je rencontre des gens qui connaissent la paix parce que leur maison est construite au bon endroit.

Avez-vous la nostalgie de ces genres de lieux et de vie ?

Je n’éprouve pas de nostalgie, puisque je vis cet instant. Je n’ai pas de chez moi. Je vis dans une maison ou dans un hôtel, mon corps ne s’arrête pas aux quatre murs d’une chambre.

Blaise Cendrars disait, s’adressant au lecteur :  » Qu’est-ce que ça peut faire si je n’ai pas pris le Transsibérien, du moment que je vous l’ai fait prendre, à vous ?  » Ce pourrait être la définition du métier d’acteur, non ?

C’est en tout cas ce que devrait être un acteur. Un passager des mots. Si on cherche trop à expliquer ce qu’on dit, on est foutu.

Vous sentez-vous toujours acteur ?

Je ne me suis jamais senti acteur. Ça m’est tombé dessus. Ce qui m’a fasciné, c’est la vie des gens qui faisaient ce métier. Ils avaient un rire qui me plaisait. Un rire franc.

Pourquoi les mots vous fascinent-ils à ce point ?

Parce que je les ai perdus. Pour les retrouver, il faut savoir ce que l’on ressent, ce que l’on vit.

Avez-vous l’impression que le grand cinéma – Blier, Pialat, Ferreri… – est derrière vous, et que vous ne le retrouverez jamais ?

Regarder derrière ne sert à rien. Vivre ces moments-là était formidable. Et puis ils passent. Cette nuit, je me suis réveillé à 4 heures du matin. Je lis Vassili Grossman, et j’ai besoin d’un peu d’air de temps en temps ; j’allume donc la télé. Je suis tombé sur le concert de Christine and the Queens. C’est très moderne. Très énergique. Très beau. Ce n’est ni Blier ni Pialat, mais c’est très bien. C’est aujourd’hui.

Finalement, si vous aviez 30 ans, peut-être seriez-vous accro aux réseaux sociaux ?

Je ne crois pas. Enfant, je ne m’intéressais pas à l’école. Ma famille était analphabète. A 7 ans, j’accouchai ma mère et donnai naissance à Catherine, ma soeur. Ce qui est étrange. En tout cas très singulier. Tout ça pour dire que je n’ai pas été formaté par l’école. J’ai mis longtemps à comprendre que c’était une chance, car ça m’a beaucoup désorienté. J’ai été sauvé par la lecture. Je ne comprenais pas forcément, mais déjà les titres me parlaient. Le Chant du monde, de Giono, c’est pas beau, ça ?

Trouvez-vous la vie toujours aussi fascinante ?

L’homme est fascinant. J’ai subi cinq pontages ; le corps se répare toujours. La vie, je l’ai tenue entre mes mains lorsque ma soeur est née. J’ai donné la vie. N’étant pas un enfant désiré, je me suis mis au monde à ce moment-là.

Qu’est-ce qui vous énerve ?

La bienveillance. En fait, non. Mais elle fait perdre du temps, parce que je n’y crois pas. Peu de choses m’énervent. Je peux paraître énervé sur le plateau, je gueule et j’en ris moi-même. Mais si ça choque quelqu’un, j’arrête.

Dans votre livre, pourquoi avez-vous des mots si durs contre les politiques ?

Je ne supporte pas qu’on dise vouloir faire le bien. C’est l’hypocrisie absolue. L’acte politique est perverti dès le départ. Ceux qui m’intéressent, ce sont les maçons, les bâtisseurs, la piétaille. La corruption, il y en a tout le temps. C’est inhérent à la vie moderne. Le gars qui est dans sa campagne, dans la steppe, qu’est-ce que tu veux qu’il corrompe ? L’oiseau qui lui chie dessus ?

Dans Le dernier métro, François Truffaut vous fait dire :  » L’amour, c’est une joie et une souffrance.  » La vie aussi ?

Non, la vie, c’est une surprise.

Etes-vous heureux ?

Oui, très. Je ne m’encombre pas de ce qui peut m’emmerder. J’ai connu des deuils, des chagrins d’amour… Comme tout le monde, évidemment. Mais je suis privilégié : la liberté fait mon bonheur, pas l’argent. La liberté, c’est avoir plusieurs passeports. Cela dit, maintenant, je passe partout sans même avoir besoin de montrer mes papiers.

On vous reconnaît, alors ? Mais comment se fait-il ?

Peut-être parce que j’ai pissé dans un avion… Mon talent, c’est celui-là ! Fallait bien que ça serve…

[EXTRAITS] Ce qui me tient en vie

Poutine, c’est un ancien voyou, je l’ai entendu parler aux oligarques qui essaient de saigner le pays, il n’a pas sa langue dans sa poche. C’est eux qui ont peur de lui et pas l’inverse, comme dans tellement d’autres pays.

Et je vois bien quand je parle aux gens là-bas combien ils lui sont reconnaissants d’avoir retrouvé face aux autres pays une certaine dignité, qu’ils avaient perdue avec cet Elstine qui adorait la boisson et qui s’effondrait en public devant des chefs d’Etat, comme moi avec mon scooter devant les pompiers de Paris.

Il faut voir comment dès l’origine (NDLR : des Etats-Unis), ces colons, souvent extrémistes, toujours terrifiants, ces soi-disant  » puritains  » qui venaient de Hollande, d’Allemagne, d’Angleterre où ils étaient pour la plupart indésirables, ont, la main sur la bible, éradiqué les Indiens, en commençant par tuer les bisons, leur nourriture.

Il suffit de lire le roman magnifique de Jim Fergus, Mille femmes blanches. Tout y est.

Puis, toujours la bible en main, ces prétendus puritains ont organisé l’esclavage.

Il faut voir aussi le magnifique There Will Be Blood, de Paul Thomas Anderson, d’après Upton Sinclair, pour saisir toute la folie de ce pays, de ses hommes d’affaires sans scrupules et de ses prêcheurs fous.

Toute l’histoire de ce pays est du même tonneau, tout est toujours scandaleux en Amérique.

Aujourd’hui les Américains ont deux cents ans, ils continuent de tuer et ils ne sont pas près d’abandonner les armes.

On me reproche de fréquenter Poutine, mais j’aurais trouvé beaucoup plus malsain de fréquenter les Kennedy et leur entourage.

Tous les Kennedy ont d’ailleurs été tués comme de vulgaires mafieux.

Bush invente des armes de destruction massive, fabrique de fausses preuves, met le monde à feu et à sang au mépris du droit international, et personne ou presque ne trouve rien à redire. Par contre, Clinton se fait faire une pipe, et lui passe devant le grand jury !

Je doute des civilisations

En arrivant à Paris, j’ai d’abord pratiqué le hatha yoga, le souffle là encore, la respiration.

Puis je me suis converti à l’islam après avoir assisté à un concert d’Oum Kalsoum. C’est la sensualité, le ressenti, les sourates du Coran chantées par Oum Kalsoum qui m’ont transporté vers cette spiritualité. Oui, cette sensualité, je l’ai trouvée dans l’islam. Une religion à laquelle les plus pauvres pouvaient adhérer.

J’ai fréquenté la mosquée pendant deux ans. Je faisais les cinq prières par jour. Plus que la prière, c’est la préparation à la prière que j’aimais, cette façon que l’on a de rentrer en soi, de se rendre disponible à son être, à sa respiration, à des choses supérieures.

Plus tard, quand j’ai lu saint Augustin sur les conseils de Jean-Paul II, ce qui m’a séduit chez lui, c’est encore la sensualité, son savoir sur la nature, son vécu. Et j’aimais sa façon de s’adresser à Dieu, avec colère souvent, avec la colère de la question sans réponse. […]

Quand tu vas dans une église catholique ici, tu as des gens qui ont dans le visage de la douleur, ils sont déjà crucifiés. Les orthodoxes, non. Il y a là-bas une sorte d’allégresse d’être ensemble, c’est une véritable communion au rythme des chants grégoriens, de leur harmonie, des choeurs qui t’emmènent vraiment vers le spirituel. Ce sont de belles choses religieuses.

Il y a une vraie foi, mais pas cette ferveur que l’on peut rencontrer chez certains juifs ou certains musulmans, cette foi trop grande, qui peut presque avoir l’air possédée et faire peur.

Le vrai danger, ce n’est pas la foi, ça n’a jamais été la foi, le vrai danger c’est quand l’homme avec toute son arrogance, sa perversité et son ignorance, se met à interpréter les textes sacrés dans le seul but, pas forcément conscient, de se mettre à la place de Dieu.

Là commence la manipulation.

La porte ouverte

Quand l’ennui me prend, moi, je bois énormément ou je mange énormément. Même si un plat n’est pas bon, je le bouffe quand même, pour savoir pourquoi c’est de la merde ou pour voir si par hasard il n’y a pas une bouchée de bonne dans le fond. Mais dans ces situations-là, quand c’est l’ennui qui te mène, quand tu es dans tes failles, un plat n’est jamais bon, tu bouffes pour te remplir, tu bois, tu ne sais même pas pourquoi, tu ne sais même pas combien. Pareil pour la drogue, j’en ai pris beaucoup avant, parce que j’avais la santé.

Mais quand je suis dans cet ennui, dans ce mal-être, ni la drogue, ni l’alcool, ni la bouffe ne m’ont jamais rien apporté de bon.

Il faut être très con finalement pour vouloir rester en permanence dans ses propres failles.

Ou très narcissique.

La vie est vraiment ailleurs.

Il faut savoir mourir, c’est essentiel.

Et c’est d’autant plus facile que la mort n’a rien d’encombrant pour soi, c’est les autres qui morflent, ceux qui restent.

Innocent, par Gérard Depardieu, Le Cherche Midi, 188 p.

Entretien : Eric Libiot – Photo : Marcel Hartmann pour Le Vif/L’Express

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