Intifada

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Entretenue par les réseaux sociaux, la campagne d’attaques kamikazes à l’arme blanche menace de faire basculer le conflit israélo-palestinien dans la guerre civile.

Qui sont-ils, ces jeunes Palestiniens qui tentent, depuis le 1er octobre, de tuer des Israéliens à coups de couteau ? Des  » loups solitaires  » fanatisés par les mouvements islamistes, comme l’affirme le Shin Beth, la sécurité intérieure israélienne ? Assurément des kamikazes, puisque les assaillants sont la plupart du temps abattus sur le champ. Ici, c’est une Palestinienne de 16 ans qui tente de poignarder deux Israéliennes à un carrefour de Naplouse. Là, c’est un Palestinien qui lance son taxi contre un groupe d’Israéliens, puis sort du véhicule un couteau à la main, avant d’être abattu par balles. D’autres attaques du même type se produisent presque chaque jour à Jérusalem-Ouest ou en Cisjordanie.

La première Intifada était celle des pierres, la deuxième celle des attentats-suicides. L’insurrection en cours est donc celle des couteaux. Elle n’est pas organisée par des branches armées comme le Hamas ou le Fatah, même si la toute première opération du genre a été revendiquée par le Jihad islamique, un mouvement palestinien pro-iranien. Imputable au contexte ambiant, la violence est entretenue par les réseaux sociaux. Les attaques sont, de l’avis des experts, des initiatives individuelles et spontanées dictées par l’exaspération et la désespérance. En cause : le manque de libertés et l’absence de perspectives, tandis que les négociations de paix restent dans l’impasse. La remise en question du statu quo sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, sous la pression de juifs extrémistes, a largement nourri le mécontentement palestinien. La dimension religieuse du conflit n’est pas à négliger : la cause qui mobilise les jeunes émeutiers et les familles d’auteurs d’attentats n’est pas, confient-ils, l’Etat palestinien, la colonisation ou le retour des réfugiés, mais la défense de la mosquée al-Aqsa, où la liberté de culte et l’accès sont limités. Le nationalisme arabe a cédé la place à l’islamisme palestinien.

Côté israélien, le bouclage de Jérusalem-Est et le renforcement du dispositif de sécurité n’ont pas rassuré une population envahie par la peur. Face à des attaques au couteau imprévisibles et presque imparables, les Israéliens ont cédé à la panique : ils se sont rués dans les armureries pour acheter des armes, des munitions, des bombes lacrymogènes… La police peine à éviter les scènes de lynchage d’assaillants ou de présumés complices. Elle reconnaît son incapacité à enrayer le mouvement. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a ordonné un renforcement des contrôles de véhicules palestiniens et la mise en place d’itinéraires pour les Palestiniens distincts de ceux des colons israéliens. Mais les attaques et l’exécution immédiate de leurs auteurs menacent de faire basculer les deux parties dans une vendetta aveugle, voire dans la guerre civile.

Olivier Rogeau

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