Impassible manège

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Quel remue-ménage ! Quel pataquès ! Les rumeurs et spéculations à peine lancées, c’est le chaos dans le sérail. L’imagination et l’émotion au pouvoir. Nul doute que Herman Van Rompuy allait être propulsé au firmament européen,  » un honneur qu’on ne peut pas refuser « , et notre pays se retrouver, une nouvelle fois, les quatre fers en l’air, incapable ou presque de se relever après l’hypothétique désertion  » du meilleur d’entre nous « . Tous d’accord pour tresser des couronnes de louanges à celui devenu, du jour au lendemain,  » l’irremplaçable « . Le troisième Premier ministre en deux ans (qui dit mieux ?), le seul, paraît-il, susceptible de dénouer les problèmes communautaires explosifs à venir et à tenir jusqu’en 2011. Tous d’accord, sauf quelques voix discordantes, comme celle d’Olivier Maingain, dans les colonnes de notre magazine cette semaine.  » Je ne suis pas sûr que Van Rompuy soit le pacificateur de la Belgique. Chaque fois qu’on l’a vu à la table des négociations et qu’on parlait de Bruxelles-Hal-Vilvorde, il m’a semblé très dur (…). Van Rompuy, c’est le vieux CVP, où on considère qu’il faut occuper tous les postes de pouvoir au sein de l’Etat belge pour faire avancer la cause flamande.  » Le FDF n’est pas tendre pour un loup qui, au fil du temps, a réussi à se faire agneau, avec en prime le charme d’une certaine sérénité.

De fait, quand on prend un peu de recul, loin de la tourmente, l’embêtante question vient titiller les esprits. Et si Herman n’était pas nécessairement l’homme de la situation ? Et si, tant pour BHV que pour tous les autres dossiers épineux qui en découlent, il n’avait pas vraiment de solution ? Juste la hardiesse tranquille du stratège. Bien entendu, s’il avait réponse à tout, il serait bien difficile, au cas où, de trouver un autre Premier à pousser dans l’arène. Tous recalés ou presque. Vraiment ?

Car, comme le rappelait avec pertinence Louis Michel sur les antennes de la RTBF mardi matin, c’est souvent la fonction qui révèle l’homme. En d’autres termes, l’habit fait aussi le moine. Leterme, si décrié par certains, n’avait-il pas réussi, alors qu’il était chef du gouvernement, à mettre une sourdine à ses provocations à l’égard des francophones, à ravaler son orgueil ? Chassez le naturel, il revient au galop ? Pas sûr. Qui dit que, bien encadré, avec un chemin balisé par les cadres du CD&V, la bride sur le cou, il ne se montre meilleur que prévu ? Et puis, il n’est pas le seul à prétendre à la fonction. On murmure aussi le nom de Marianne Thyssen, une femme intelligente, bonne négociatrice, une image positive pour la Belgique sur la scène internationale. Et certains de rêver : Thyssen au 16, rue de la Loi, Leterme aux Finances (on le dit intéressé), Reynders aux Affaires étrangères (une fameuse épine hors du pied pour le MR) ? Et hop, le manège de redémarrer avec de nouvelles supputations.

Van Rompuy, Leterme, Reynders… Faut-il un talent diaboliquement subtil pour se glisser dans la peau du Premier ministre ? Telle est finalement la vraie question. Nul doute que le spectre de 2007 hante encore une population en émoi, secouée, de plus, par une crise économique qui fait des dégâts. Ce qu’elle attend de ses représentants ? Qu’ils assument courageusement leurs responsabilités, qu’ils fassent le bon choix dans l’intérêt de tous, avec assez de sang-froid, d’humilité pour traverser et désamorcer toutes les crisettes nourries par les extrémistes de tous bords. Du simple bon sens. Mais quand on voit certains saisir à la volée la première provocation venue pour mieux ferrailler encore, c’est vrai, on doute, on doute. Et on a peur de se réveiller tout dégrisés.

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christine laurent

C’est le chaos dans le sérail

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