Il Parmigianino, le virtuose du dessin

Divinement doué, Francesco Mazzola – dit Parmigianino – incarne l’une des plus belles mains du dessin italien. Un talent inné que ses contemporains n’ont pas manqué d’aduler… et que l’on célèbre aujourd’hui au musée du Louvre, à Paris.

Acteur emblématique du maniérisme, Parmigianino (1503 – 1540) a livré des oeuvres à l’esthétique élégante et raffinée. Privé de père à l’âge de 2 ans, l’orphelin est confié à la garde de ses oncles. Il en reçoit toute l’affection, doublée d’une excellente éducation : le petit – incroyablement habile – est mis entre les mains de différents maîtres locaux chargés de calmer sa nature fougueuse, dépourvue d’application… Tâche délicate que celle de réfréner sa personnalité sans manquer de stimuler ses facultés.

Guidé par la nécessité d’offrir à son tracé une absolue liberté, Parmigianino se distingue dans l’exercice du dessin. Certaines de ses feuilles apparaissent comme des étapes préparatoires, d’autres sont à considérer comme des pièces achevées. Indice de qualité, ses crayonnés étaient bien plus recherchés que ses tableaux. Et pour cause : ils portaient la même élégance que ceux de Raphaël, alliée à la monumentalité plastique d’un Michel-Ange. Autant de qualités qui s’accompagnaient d’une facilité qui pouvait agacer.

On compte aujourd’hui environ un millier de dessins de sa main, conservés dans différentes collections. Celle du Louvre est quantitativement la plus importante. Elle réunit 181 dessins originaux, 20 pièces attribuées au maître complétés de quelque 150 copies ou imitations de l’artiste. Un ensemble qui permet de suivre sa progression : une évolution fiévreuse entre Parme, Rome, Bologne et Casalmaggiore. Le musée présente les plus belles feuilles de ce fonds exceptionnel. Une soixantaine de dessins s’employant à révéler la diversité des techniques employées. Toujours à la recherche de nouveaux moyens expressifs, Parmigianino s’essaya à la sanguine, à la pierre noire, à la craie… jusqu’à des procédés humides, plus compliqués à maîtriser, comme l’encre et les lavis.

Arrêts sur images

Exécutés à la sanguine, ses dessins de jeunesse s’inspirent du Corrège (figure in-contournable de l’école de Parme). Y règnent en maîtres l’assurance, la grâce et la douceur. Observez ce sujet tiré des Métamorphoses d’Ovide : L’Enlèvement d’Europe. Frappé par la grande beauté d’Europe, le dieu Zeus se transforme pernicieusement en un magnifique taureau blanc afin d’attirer à lui la jeune fille. L’histoire – sujet mythologique classique – est traitée par Parmigianino de façon très naïve (ses protagonistes sont même enfantins). L’oeuvre dégage une candeur pastorale si idyllique qu’elle ne peut avoir été dessinée que tôt dans la carrière de l’artiste (sans doute avant août 1521). Autre témoignage de l’influence du Corrège, l’Etude de deux putti volant. L’Italien livre une composition présentant les chérubins sous des angles inattendus (un plan raccourci sur de petites fesses rebondies), dans des poses impossibles à tenir au naturel. Supposant qu’ils n’avaient pu être étudiés sur le vif, les spécialistes conclurent qu’ils avaient été dessinés suivant une méthode pratiquée par Le Corrège : d’après une seule et même figure (sans doute modelée en cire ou en plâtre) observée de différents points de vue.

Au fur et à mesure que sa main gagne en habileté, Parmigianino expérimente des techniques de plus en plus sophistiquées. On pense aux pointes de métal sur papier préparé qu’il aimait employer à Bologne. Au début des années 1530, son retour à Parme marque également son retour à la sanguine. L’artiste avait-il ressenti le besoin de revenir aux usages locaux ? Un court moment seulement : la technique sera bien vite abandonnée… Peut-être fut-elle trop liée à ses origines artistiques ? Parmigianino préfère s’orienter vers un usage quasi exclusif de la plume et de l’encre, parfois de la pierre noire, auxquelles il associe un lavis abondant lui permettant de jouer avec les différentes nuances de brun. En revanche, il semble que ses dernières années d’activités aient privilégié la plume.

De cette dernière période, l’Homme nu, debout, de face, brandissant une épée. Le modelé des volumes est ici rendu par un système de hachures – fines et croisées – à la plume rehaussée d’encre brune. D’une apparente banalité, cette oeuvre résume pourtant avec une imparable efficacité deux caractéristiques de l’artiste : on note dans ce dessin un manque de justesse des proportions (la silhouette semble trop allongée : typique du maniérisme). Autre constante, la recherche de mouvement. Tandis qu’il avance, sa draperie se gonfle derrière lui, dévoilant sa nudité. Une position dynamique avec une rotation vers la droite, élégante et fluide, que l’on retrouve dans la Sainte Cécile avec un putto.

Selon Vasari, biographe des meilleurs artistes de son temps, Parmigianino véhicule l’esprit de Raphaël. Tant de beauté, de virtuosité et d’élégance firent croire, quatre ans après le décès de Raphaël, que l’esprit du maître avait trouvé un moyen de se réincarner. Leur association provoqua quelques confusions. Lors de sa saisie à Modène en 1796, la Tête d’homme coiffée d’un bonnet à larges bords fut considérée comme de la main de Raphaël. Ce dessin a ensuite été inventorié au Louvre comme une oeuvre d’un auteur inconnu du XVIe siècle appartenant à l’école florentine (sans doute en raison de sa ressemblance troublante avec les portraits d’Andrea del Sarto) avant d’être définitivement attribué à Parmigianino. En réalité, il s’agit d’un dessin préparatoire à l’échelle 1 du Portrait d’un collectionneur aujourd’hui conservé à la National Gallery, à Londres. Le relevé des lignes principales a permis de vérifier, par superposition avec la peinture, leur coïncidence parfaite avec les contours du visage, du nez, de la bouche… On retient de cette erreur d’attribution qu’elle en dit long sur les qualités de celui qui mourut prématurément à 37 ans (au même âge que Raphaël) : ce Parmigianino – comprenez  » Petit natif de Parme  » – qui a définitivement tout d’un grand !

Parmigianino. 1503 – 1540. Les dessins d’un génie du maniérisme, au Musée du Louvre (salles Mollien), à Paris. Jusqu’au 15 février 2016. www.louvre.fr

Par Gwennaëlle Gribaumont

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