Humour blanc

Guy Gilsoul Journaliste

Les premiers dessins de Folon ont été découverts par hasard, voici peu, dans une pièce fermée à double tour. Mais pourquoi les avoir dissimulés ?

Ses oeuvres, de l’affiche aux décors, films d’animation ou encore aquarelles et sculptures sont parcourues par des rêveries paisibles, des silences qu’adoucissent les coloris et des propos aujourd’hui assez convenus. Venu du monde des dessins de presse, Folon (1934-2005) avait élargi son travail à toutes les techniques et l’avait imposé avec succès dans le commerce de l’art. Comédien à ses heures, il s’était construit un personnage mi-bohème, mi-dandy que sa seconde épouse, l’éditrice Paola Ghiringhelli, la fille d’un marchand d’art, va protéger au point d’effacer tout ce qui avait précédé leur relation. A la mort de l’artiste, en 2005, elle va encore davantage protéger le mythe Folon. Pas question de s’écarter du curriculum vitae officiel. Pas question d’aborder, par exemple, l’importance de la première compagne du peintre avec laquelle il partage ses premières années parisiennes et les débuts de la reconnaissance de son talent.

Le décès de Paola Ghiringhelli change la donne. En effet, la Fondation Folon, à La Hulpe, qui reçoit l’entièreté du contenu de l’atelier de Monaco où vivait le couple, va faire une découverte. Dans une réserve, fermée à double tour, elle tombe sur un empilement de dessins anciens, traits noirs sur fond blanc. Une révélation. On y découvre comment, par exemple, Folon fixe le personnage de l’anonyme au chapeau mais aussi les premiers essais d’images-clés qui seront déclinées tout au long de sa carrière. Pas de couleur encore (ou si peu), pas de lissage des messages ni de somptuosité dans les harmonies chromatiques mais, à leur place, un tracé lent et vibrant de ses irrégularités sur papier blanc. Un dessin d’une grande simplicité qui propose sur d’immenses plages de vide, des rencontres improbables entre un décor et un personnage.

On songe à Sempé (sans le côté parisien), à Siné (sans la violence), à Chaval (sans l’humour noir). Le propos vise l’humour en même temps que l’étonnement. On voit aussi comment Folon imagine ses  » cartoons  » à partir d’une histoire absurde (on est à l’heure d’Eugène Ionesco) qui lui offre les clés d’une image. Car il se passe toujours quelque chose d’étrange dans ces dessins assez tôt appréciés par l’éditeur Jean-Jacques Pauvert qui organise la première exposition Folon en 1964. L’artiste bruxellois y décline son époque, les sixties avec leur lot d’utopies, de paroles libérées et de combats, sourire aux lèvres.

Depuis 1955, à Bougival d’abord, à Mauregard ensuite, Folon n’a de cesse de dessiner, penché sur la table de travail. Personne ne lui prête attention. Colette Portal, sa première épouse, lui apprend les rudiments de l’aquarelle. En 1960, avec cette assurance dont on ne mesure pas bien le degré d’insouciance, il envoie l’une de ses feuilles à la presse américaine. The New Yorker la publie. La suite, on la connaît. L’exposition temporaire (1), réunissant 200 pièces, quelques objets et des photographies, est aussi l’occasion pour la Fondation Folon, qui fête ses 15 ans, d’une nouvelle présentation des collections permanentes ainsi que de la création d’une valise monumentale, boîte magique interactive, autour du thème des  » Voyages « .

(1) Folon. Agence de voyages imaginaires, à la Fondation Folon, à La Hulpe. Jusqu’au 1er novembre. www.fondationfolon.be

Guy Gilsoul

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