Neuf astuces tout à fait légales pour alléger les droits de succession de vos héritiers.
1. Profitez de la vie !
Le meilleur moyen de prémunir vos héritiers contre les droits de succession, c’est encore de profiter pleinement de votre patrimoine de votre vivant, s’amuse Eric Spruyt, notaire et professeur à la Fiscale Hogeschool de Bruxelles. Les droits de succession sont en effet progressifs : plus vous laissez de biens, plus élevés seront les droits de succession. »
La donation offre un début de solution… Si vous souhaitez offrir en donation des biens mobiliers, c’est-à-dire de l’argent, des actions au porteur, des bons de caisse, des obligations, des toiles de maître ou encore une collection de timbres-poste, vous avez le choix entre une donation notariée et une donation manuelle. Si vous optez pour la deuxième solution, vous pourrez donner ce que vous voulez à qui vous voulez, sans l’intervention du notaire.
Veillez cependant à tout coucher sur le papier. Le bénéficiaire devra lui aussi rédiger un document dans lequel il déclarera accepter la donation. L’avantage de la donation manuelle réside dans le fait qu’elle est exempte de tout impôt : ni droits de donation ni droits de succession. A condition, cependant, que le donateur reste en vie au moins trois ans après la donation. Sinon, l’administration fiscale ne manquera pas de se rappeler au bon souvenir de l’heureux donataire…
L’inconvénient de la donation manuelle, en revanche, c’est que le donateur peut difficilement mettre des conditions à sa donation. Il perd dès lors tout contrôle sur ses biens.
Avec la donation notariée, ce problème ne se pose pas, puisque l’on peut prévoir une clause de réserve d’usufruit. Par exemple, celui qui donne des actions pourra continuer à en percevoir les dividendes. Cela dit, la donation notariée est moins intéressante fiscalement puisqu’elle implique le paiement de droits de donation.
2. Clause d’attribution
En Belgique, 80 % des couples sont mariés sous le régime de la communauté des biens. En d’autres termes, au décès de Monsieur, par exemple, la moitié du patrimoine commun revient à Madame sans qu’elle ait à acquitter de droits de succession, l’autre moitié constituant la succession de son mari. Madame dispose de l’usufruit sur cette deuxième tranche. Si le couple a des enfants, ceux-ci reçoivent la nue-propriété sur les biens – dont l’épouse a l’usufruit – et paient des droits de succession sur cet héritage.
La veuve et les enfants deviennent donc copropriétaires de la maison familiale, par exemple. Madame ne peut pas vendre cette habitation sans l’autorisation de ses enfants. Alain Verbeke, professeur à la KU Leuven et avocat spécialisé en planification successorale et en successions, constate que » cette situation est souvent source de conflits. C’est pour éviter ceux-ci que les couples – particulièrement les plus âgés – insèrent une clause d’attribution de communauté au survivant dans leur contrat de mariage. Ainsi, l’ensemble du patrimoine commun revient au conjoint survivant, qui est libre d’en faire ce que bon lui semble « . Le coût fiscal de cette formule est, cependant, assez élevé.
La situation idéale est une combinaison entre le régime légal et la clause d’attribution de communauté au survivant : c’est la clause d’attribution de communauté avec créance. Les enfants ont une créance sur la moitié de la succession, qu’ils ne peuvent faire valoir qu’au décès du conjoint survivant. Les enfants paient légèrement plus de droits de succession que dans le cas du règlement légal ordinaire mais sont sûrs de toucher leur part de l’héritage. L’avantage de cette formule pour le conjoint survivant ? Il conserve son mot à dire sur l’ensemble du patrimoine au moment de la succession.
Notons également l’existence de la clause d’attribution optionnelle à titre onéreux. Le conjoint survivant choisit autant de biens de la communauté qu’il le souhaite et peut décider de laisser, par exemple, l’appartement à la côte à l’un de ses enfants, de manière à réduire l’assiette des droits de succession.
Vingt pour cent des époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens. Ils expriment ainsi le souhait de disposer de manière autonome de leur propre patrimoine ou de se protéger des créanciers de leur conjoint. Si le partenaire le plus fortuné décède le premier, l’autre devra payer beaucoup de droits de succession.
L’insertion d’une clause de règlement final (communauté des biens réduite aux acquêts) dans le contrat de mariage est une solution fiscalement avantageuse. Les biens qui feront partie de la » société réduite aux acquêts » sont librement déterminés par les époux lors de l’élaboration du contrat de mariage. Elle permet, au moment de la succession, de faire » comme si » les conjoints s’étaient mariés sous le régime de la communauté des biens.
3. Considérations régionales
En Belgique, les droits de succession sont une compétence régionale. Les réglementations et les tarifs changent d’une Région à l’autre. Etant donné que le dernier domicile du défunt est celui qui est retenu lors du calcul des droits de succession, pourquoi ne pas envisager de déménager dans une autre Région du pays, histoire d’avantager ses héritiers ? Me Eric Spruyt appelle à la prudence : » Le droit successoral régional évolue rapidement. Par ailleurs, si le domicile fiscal de la personne décédée a changé au cours des cinq dernières années de sa vie, c’est le lieu où il a habité le plus longtemps qui sera pris en considération. Déménager deux mois avant votre décès n’a donc aucun sens. »
Autre cas de figure, plus radical : abandonner la nationalité belge et s’établir à l’étranger. Les eldorados en matière de droits de succession sont, entre autres, l’Argentine, la province canadienne de Québec et l’Italie. Dans certains cantons suisses (Wallis, par exemple), l’administration fiscale est également moins exigeante en matière de successions. En France, enfin, les personnes mariées sous le régime de la communauté des biens seront heureuses d’apprendre que la clause d’attribution de la communauté au survivant n’est pas imposée.
4. Donation ou testament ?
Quelle formule est la moins douloureuse fiscalement ? » Cela dépend de l’importance de votre patrimoine, précise Me Eric Spruyt. En général, on peut affirmer que les personnes dont le patrimoine est plus modeste préféreront opter pour un testament, de manière à pouvoir se servir pleinement de leurs biens et de leur argent pendant le reste de leur vie, et subvenir à leurs besoins sans l’intervention de quiconque. Une personne dont le patrimoine est limité et qui doit suivre un traitement médical coûteux, par exemple, choisira la voie du testament. »
La donation convient davantage aux personnes disposant d’un patrimoine plus important. Eric Spruyt ajoute : » La partie du patrimoine dont une personne n’a pas nécessairement besoin de son vivant peut être offerte en donation. Comptez 3 % (ligne directe), 5 % (ligne collatérale) ou 7 % (autres) de droits de donation, du moins s’il s’agit de biens mobiliers. Cependant, cet impôt est négligeable par rapport à la somme considérable que les héritiers devraient débourser à titre de droits de succession. »
La voie testamentaire comme celle de la donation présentent toutefois des inconvénients. Dans le premier cas, les problèmes surviennent lorsqu’une personne décide de rédiger un testament. Elle peut en effet oublier de le signer ou de le dater, voire décider de le dactylographier plutôt que de l’écrire à la main… Le moindre vice de forme entraînera la nullité du testament. Les héritiers lésés par un testament litigieux n’hésiteront pas à le contester devant les tribunaux. Faire établir un testament – en béton – par un notaire vous coûtera environ 200 euros et épargnera bien des soucis à ceux que vous avez désignés comme héritiers.
Dans le cas d’une donation, surtout écrite, la prudence est de mise. Il est par exemple absolument nécessaire que le bénéficiaire accepte la donation et qu’il y ait des preuves de cette acceptation, sans quoi les héritiers éventuellement lésés pourraient réclamer – et obtenir très facilement – leur part d’héritage.
5. Tontine pour cohabitants
Aucune des trois Régions ne prévoit une formule idéale en matière de droit successoral pour les cohabitants légaux. Autrement dit, ceux-ci n’héritent pas automatiquement l’un de l’autre et sont obligés de prendre des dispositions a priori. Si les cohabitants légaux ont acheté une maison ensemble, ils peuvent cependant décider d’insérer dans l’acte d’achat la clause dite de tontine. Celle-ci prévoit que la part de la maison appartenant au partenaire décédé est ajoutée à la part du survivant.
L’avantage de cette formule, c’est qu’elle contourne le droit successoral. Les héritiers du partenaire décédé ne peuvent pas réclamer leur part de l’habitation. La tontine (dans le jargon, clause d’accroissement) a un prix, mais elle permet de garder son toit après le décès du cohabitant.
En principe, les cohabitants légaux peuvent se protéger par un testament, mais les autres héritiers ont alors la possibilité de faire valoir, le cas échéant, leurs droits. Le testament offre néanmoins l’avantage de réduire les droits de succession.
6. Legs en duo pour isolés
Les personnes isolées n’ont souvent pas d’héritiers directs. Une part de leur patrimoine revient ainsi à de bons amis ou à une gentille dame de compagnie. Dans ce cas, le fisc se frotte les mains, car plus le lien entre les personnes est éloigné, plus les droits de succession sont élevés. En Wallonie, le tarif pour les » étrangers » est de 30 % sur la première tranche de 12 500 euros, de 35 % sur la tranche comprise entre 12 500 et 25 000 euros, de 60 % entre 25 000 et 75 000 euros, et de 80 % au-delà de 75 000 euros.
Le legs en duo offre une solution rêvée puisqu’il permet de léguer une partie du patrimoine à une association caritative qui, en contrepartie, devra payer à un tarif très avantageux les droits de succession du deuxième héritier. L’association paiera évidemment aussi les droits de succession sur sa partie de l’héritage.
7. Passage de frontières
Dans le cadre d’une donation notariée, le donateur peut décider de payer lui-même les droits de donation (3 % entre parents et enfants, 5 % entre frères et s£urs, et 7 % dans les autres cas). La donation manuelle est difficilement envisageable pour certains types de biens, comme les titres au porteur, par exemple. Dans ce cas, la solution serait de passer devant un notaire néerlandais.
En effet, les non-Néerlandais ne paient pas de droits de donation aux Pays-Bas. Par ailleurs, chez nos voisins bataves, les actes de donation de biens mobiliers ne doivent pas être enregistrés lorsqu’ils sont établis par un notaire non néerlandais. Donc : pas de droits d’enregistrement. Concrètement, le futur défunt belge fait établir l’acte par son notaire belge et se rend aux Pays-Bas pour les formalités.
Autre avantage, les Pays-Bas n’appliquent pas de barèmes fixes pour les notaires. Ceux-ci appliquent un système de règlement forfaitaire. Que vous fassiez une donation de 75 millions ou de 1 million d’euros, l’acte vous coûtera entre 750 et 1 000 euros.
» Ceci est parfaitement légal, rassure Jos Ruysseveldt, professeur à la Fiscale Hogeschool à Bruxelles. Cependant, il est impératif que le donateur reste en vie au moins trois ans après la donation pour que les donataires échappent au paiement des droits de succession. Du reste, n’allez pas croire que l’administration fiscale belge ne sera pas informée de vos escapades outre-Moerdijk. Une convention bilatérale a été signée par les deux pays concernant l’échange d’informations. »
8. Donation de residuo
La donation de residuo consiste à donner un bien à un donataire, à charge de transmettre à ce qui restera de ce bien donné à un autre bénéficiaire, au moment du décès du premier donataire. Seule condition : les deux bénéficiaires doivent accepter explicitement la donation pendant que le donateur est encore en vie. Cette formule convient particulièrement aux époux sans enfants, aux parents d’un enfant handicapé ou encore aux grands-parents vis-à-vis de leurs enfants et petits- enfants.
Dans le premier cas, la nue-propriété est transmise à l’époux(se) puis aux membres de la famille proche. Dans le deuxième, certains biens sont attribués à l’enfant handicapé et le reste à la personne qui en prend soin. Dans le dernier cas, les grands-parents incluent leurs enfants, mais aussi leurs petits- enfants, dans la donation. Fiscalement, cette solution est avantageuse.
9. L’acquisition scindée
Si vous souhaitez acquérir une résidence secondaire, pensez à la formule d’acquisition scindée. Celle-ci vous permet d’obtenir l’usufruit d’un bien (et, donc, de l’occuper ou de le louer), tandis que vos enfants en acquièrent la nue-propriété. Après votre décès, vos enfants deviennent pleinement propriétaires et ne doivent pas s’acquitter de droits de succession.
Me Eric Spruyt précise que si cette formule paraît idéale, » le fisc ne jouera le jeu qu’à trois conditions : les enfants doivent prouver qu’ils ont suffisamment d’argent pour acheter la nue-propriété, ils doivent démontrer qu’ils ont supporté tous les frais, y compris les frais de notaire, et enfin, la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété doit avoir été estimée de manière correcte. Maintenir le prix de la nue-propriété à un niveau très faible n’est donc pas conseillé. »
Si les enfants ne disposent pas de moyens suffisants, les parents peuvent procéder à une donation. Le fisc exigera cependant qu’elle soit réalisée avant la signature de l’acte d’achat de la seconde résidence, une condition dont le respect n’est pas toujours aisé.
par Celine De Coster