Cet été, le Musée juif de Belgique ouvre ses espaces à l’oeuvre prolifique d’une figure mythique de la photographie : Henri Cartier-Bresson. Quelque 130 clichés retracent l’histoire de sa perception visuelle. Une exposition exceptionnelle.
Photographe de légende, Henri Cartier-Bresson (1908-2004) n’a cessé d’interroger les grandes questions de société… Très tôt, il opère une scission dans sa production. D’une part, les images qu’il saisit pour la presse d’information (et qu’il qualifie lui-même d' » alimentaires « ). D’autre part, des photographies qu’il compose pour son plaisir personnel. Les premières oeuvres de » HCB » – comme il fut souvent désigné – témoignent de ses affinités avec le surréalisme (des clichés à l’ambiance étrange, peuplés d’objets ficelés et de mannequins décapités). Mais, rapidement, on sent poindre sa ferveur communiste et antifasciste. Il travaille alors pour un quotidien de gauche et ses sujets glissent vers le registre réaliste. Son appareil photographique se change en » arme » idéologique. Ainsi, il ne déambule plus au hasard mais recherche et choisit délibérément des sujets sociaux (les défavorisés, les marginaux…).
Capturer l’instant
On aimerait penser que toutes ces images ne sont que les fruits sincères d’une spontanéité capturée à la sauvette… Mais ce serait se tromper ! Réputé pour son génie de la composition, le photographe agit avec précision. Dans un premier temps, il repère son arrière-plan. Puis il attend. L’instant suivant, des éléments en mouvement s’agencent naturellement pour composer une » coalition » intense et riche de sens. Cofondateur de l’agence Magnum, Henri Cartier-Bresson a illustré l’Histoire avec un grand » H « . Des moments charnières (la Libération de Paris, les premiers pas de la République populaire de Chine, la construction du mur de Berlin…). Il a aussi immortalisé des milliers de scènes de vie chargées d’une profonde humanité. De simples anonymes profitant de leurs premiers congés payés, d’innombrables gamins » de la rue « , des prostituées, des manifestants, des familles d’ouvriers…
Développée sur les trois étages du musée, l’exposition – copieuse à souhait – fait la part belle à ses périples internationaux : voyages en Italie, en Espagne, en Grèce, en Irlande, en Sibérie… A mille lieues de l’attendue » carte postale « , le photographe livre le plus souvent des détails anecdotiques. Cette chronique du XXe siècle est complétée de quelques portraits d’éternité de ses illustres contemporains : Truman Capote, Saul Steinberg, Jean-Paul Sartre, François Mauriac… autant de visages qui dégagent une beauté dramatique.
Henri Cartier-Bresson – Photographe, au Musée juif de Belgique. Jusqu’au 24 août. www.new.mjb-jmb.org
Gwennaëlle Gribaumont