Guy Bedos Petit Corps en Pleine Forme !

La rencontre a lieu avant la désignation de Ségolène Royal, en pleine  » sensation  » Michel Daerden. Guy Bedos, vert septuagénaire, ne connaît pas le bateleur wallon. Mis au parfum, il exprime un regret : il n’est pas du genre à ne pas tirer sur une ambulance, fût-elle imbibée et socialiste…

Le Vif/L’Express : Le spectacle que vous présentez à Bruxelles et à Liège est composé de deux parties : un best of de vos sketchs et puis le commentaire de l’actualité politique. A ce propos, vous êtes un peu gauche caviar, non ?

E Guy Bedos : Non, gauche couscous, je viens d’Algérie, moi. Mais je me méfie de ces expressions qui ont été inventées comme des contre-feux : on voudrait empêcher ceux qui ne subissent pas les pires coups du sort de parler ! Victor Hugo a écrit Les Misérables, mais il ne vivait pas dans les quartiers les plus populaires, et Zola a pu écrire Germinal sans aller à la mine.

Vous avez de la compassion pour François Hollande ? Imaginez-vous que votre femme devienne une plus grande vedette que vous ?

E On va pouvoir les engager en couple, même si on le fait en général pour les domestiques ( sourire). Oui, il doit en baver, ce garçon, mais attention, quand Fabius se demande qui va garder les enfants, c’est dégueulasse ! Ségolène a ma sympathie parce que tout le monde lui tape dessus à l’intérieur de sa famille politique, y compris Martine Aubry qui est une vraie salope ( sic). Aubry m’avait invité à monter une troupe dans une cité et elle s’est servie de cette image pour avoir des photos et des JT. Quand elle est redevenue ministre, elle a tout laissé tomber. Bien que venant d’un milieu protégé, favorisé, le fait d’être né en Algérie ( NDLR : le 15 juin 1934) explique que je suis sensible à toutes ces affaires de racisme, d’antisémitisme…

Vous venez d’une famille catholique ?

E Oui mais, vu mon passé andalou, peut-être avec des racines juives et arabes. J’étais très malheureux de devoir partir de mon pays, même si l’Algérie ne ressemblait pas à celle des films d’Arcady. Je n’ai pas fait comme Enrico Macias – la nostalgie ne lui appartient pas -, mais j’ai eu le sentiment d’être perdu. En arrivant à Marseille, à 16 ans, je me suis dit :  » Tiens, voilà Alger sans les Arabes !  » J’ai fait la grève de la faim pour ne pas faire mon service militaire et aller tirer sur les Algériens, ils m’ont réformé pour maladie mentale, j’avais 23 ans et j’étais déjà père de famille. Quand je voyais un petit sergent qui beuglait des ordres, j’avais envie de lui mettre un coup de boule à la Zidane. Je ne suis pas un vrai intellectuel, vous savez !

Je me demandais ce qui se serait passé si vous aviez joué dans A bout de souffle à la place de votre copain Jean-Paul Belmondo ?

E Je lui ai fait répéter son texte, on était deux  » voyous  » des beaux quartiers qui allaient foutre le bordel dans des soirées pour emmerder les mecs ! Jean-Paul ne s’attendait absolument pas au succès du film de Godard. On avait l’innocence de cette génération-là ! Loin de la barbarie du monde, du fameux tandem comique Bush/Ben Laden ! Faut que je me contienne, sinon, j’ai tendance à me prendre pour Victor Hugo et Pierre Bourdieu ( rires).

Vous êtes l’inventeur du stand-up en France, le parrain des Debbouze et compagnie. Vous appréciez cette reconnaissance ?

E Jamel et Gad Elmaleh le disent, comme si j’étais déjà mort ! D’une certaine manière, je me retrouve également dans le travail de gens actuels comme Grand Corps Malade, sauf que moi, c’est plutôt Petit Corps en Pleine Forme ( rires) ! C’est pour cela que je préfère me rendre hommage à moi-même, de mon vivant. Je commence par le sketch d’un sexagénaire qui est furieux d’avoir son âge. D’ailleurs, mon propre âge ne me va pas, je fais du sport et je suis toujours amoureux de ma femme et ce, depuis vingt-huit ans ! Quand on s’est rencontrés, j’étais au bord de la pédophilie ( rires). Dans le spectacle, je dis que j’étais attiré par Mitterrand, mais qu’il préférait ma femme ( rires). Dans cet hôtel ( NDLR : l’Amigo, à Bruxelles), j’ai l’impression que le fantôme de Sophie Daumier va réapparaître d’un instant à l’autre !

On a l’impression que Sophie Daumier, longtemps votre partenaire  » à la scène et à la ville « , était la grande histoire d’amour de votre vie.

E Ma grande histoire d’amour publique ! Nous étions un couple de scène formidable et nous nous sommes beaucoup aimés ! Ma femme actuelle me tenait la main à son enterrement ( NDLR : Sophie Daumier est décédée le 31 décembre 2003) et je vis cela comme un deuil véritable. Dans la vie, Sophie était une anar totale, alors que moi, je suis un anarchiste qui traverse dans les clous.

Vous avez douté de vous ?

E Et comment ! Et puis, on s’y est employé, à commencer par ma pauvre mère, 93 ans, que j’aide aujourd’hui à mourir le plus doucement possible… Je suis devenu athée mais certaines vertus chrétiennes sont encore en moi. Le pardon fait partie de mon métabolisme. Quand j’entends ma mère me dire :  » Je t’ai toujours aimé, je t’ai toujours adoré « , je me dis en moi-même :  » Quelle pudeur !  » Que ne me l’a-t-elle dit plus tôt ? Ce sont les 70 premières années qui sont les plus longues !

Le Cirque royal, qui vous accueille à Bruxelles, vous correspond mieux que des salles comme Forest-National où vous vous êtes produit. Par mégalomanie ?

E Je vous donne raison, c’est presque un abus de pouvoir : ce genre de salle va mieux à Johnny Hallyday qui s’y installera quand il sera réfugié fiscal chez vous ( rires). J’aime bien Johnny, d’ailleurs, on est nés le même jour, ce qui est la preuve que l’astrologie n’est pas une science exacte !

Vous avez pensé à demander la nationalité belge pour aller ensuite à Monaco ?

Ce n’est pas mon genre. Je suis assez civique, moi !

Et très orgueilleux, non ?

E Oui, très. On peut me blesser sur des choses qui touchent aux sentiments. A part les gens que j’ai envie de flinguer – par des mots -, je n’attaque jamais sur le physique ou la vie privée, à moins que les gens n’exagèrent. Il est difficile de ne pas parler de la vie privée de Nicolas Sarko-zy : ce n’est plus un jardin secret, c’est un parc d’attractions !

Vous vivez une époque formidable, avec toute cette politique qui se met en spectacle !

E Je suis sidéré non seulement par la politique franco-française mais également américaine : dans mon spectacle, je demande la possibilité de voter aux élections américaines vu que tout se passe là-bas. J’ai renoncé au manichéisme gauche/droite : on m’a fait avaler trop de boas. La gauche officielle n’est pas propriétaire de la gauche.

Guy Bedos en piste, au Cirque royal, à Bruxelles, le 8 décembre, www.cirque-royal.org ; et le 9 décembre, au Forum de Liège, www.leforum.be

Entretien : Philippe Cornet

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