Le roi déchu des Pays-Bas disparaît des radars en territoire wallon et bruxellois. L’idée même d’honorer ses prétendus bienfaits n’effleure même pas les élus. Ou les indispose.
Rien à signaler en bord de Meuse. Feu Guillaume des Pays-Bas n’y fait aucun tabac. Ni mobilisation parlementaire, ni geste symbolique du ministre- président wallon Paul Magnette (PS), ni fleurs ni couronnes. Aucun lobby orangiste pour raviver la flamme. Guillaume n’est pas près d’avoir sa statue sur une place publique de Wallonie ou de Bruxelles. Le souverain batave se contentera d’une empreinte laissée dans la belle salle académique de l’Université de Liège. Ingrate terre wallonne, royalement indifférente à la parenthèse néerlandaise de son histoire qui a pourtant fait la prospérité de ses grands capitalistes (lire page 40).
Encore faudrait-il que les élus francophones soient mis dans la confidence. La Flandre politique s’entiche de Guillaume d’Orange ? Première nouvelle ! » Pas au courant « , réagit Christophe Collignon, député-échevin de Huy et chef de groupe PS au parlement wallon. Impressions à chaud : » Je ne suis pas sûr qu’une initiative parlementaire à ce propos franchirait le cap du parlement wallon. Les Hollandais sous Guillaume Ier passent plutôt pour des occupants que pour des libérateurs. C’est en tout cas ce que je ressens quand je regarde le fort de ma bonne ville de Huy, construit sous le régime néerlandais. »
Alain Destexhe (MR), député-sénateur bruxellois, ne se sent pas plus d’attaque. » Cette démarche n’est ni utile ni nécessaire. Sans nier les choses positives accomplies sous Guillaume Ier, quel intérêt y a-t-il à célébrer le souvenir de personnages antérieurs à la révolution de 1830 ? Coller nos schémas de 2015 sur des faits du XIXe siècle, c’est sombrer dans un désastreux anachronisme et ouvrir la boîte de Pandore. »
Balle au nord du pays. Député régional CD&V et cosignataire de la résolution parlementaire flamande, Ward Kennes balaie toute intention malveillante ou agenda caché. » On n’y trouve aucun argument qui plaide en faveur d’un retour à la période précédant la révolution de 1830, même si, à titre personnel, je la regrette. » L’élu avait même suggéré que le sud du pays soit associé à la démarche flamande. Mais cette main trop mollement tendue n’est jamais venue. » Et c’est dommage. Il n’y a pas que Napoléon à s’être « promené » au sud du pays. Guillaume Ier y a aussi laissé des traces. Chacun peut avoir sa vision de l’Histoire mais il faut aussi pouvoir évoquer un passé commun antérieur à 1830. »
Sauf que, pour le coup, la Wallonie ne voit rien de positif à communiquer. Elle se remet à peine du bicentenaire, autrement plus » sexy « , de Waterloo qui eut raison de l’illustre Napoléon. Son successeur batave dans nos régions la laisse franchement en panne d’inspiration. Marie-Martine Schyns, cheffe de groupe CDH à la Fédération Wallonie-Bruxelles, n’est guère plus enthousiaste à exhumer cette page d’histoire. » Nous ne voyons pas de raison objective de commémorer la création d’un Etat-tampon tourné contre la France, et d’un régime dont la philosophie politique conservatrice ne reflétait pas les fondements des Lumières, telles que nous voulons les inscrire dans le nouveau cours de citoyenneté « , souligne l’ex-ministre de l’enseignement francophone. Guillaume d’Orange et la Wallonie, tout sauf une histoire d’amour.
P. Hx