Ses comédies déjantées, reconnaissables au matou en couverture, sont autant de best-sellers réconfortants. Gilles Legardinier récidive avec Ça peut pas rater !
Il est moins connu, mais trône pourtant dans le top 10 du palmarès des ventes, après Ken Follet et Amélie Nothomb. Un chiffre : 1,9 million d’exemplaires écoulés, selon son éditeur – tous titres et éditions confondus. Et des traductions dans une vingtaine de pays. Son succès, Gilles Legardinier, auteur discret, voire secret, le doit uniquement au bouche-à-oreille et à ce drôle de chat qui surgit invariablement sur les couvertures de ses livres. L’animal a déboulé en 2011 avec Demain j’arrête !, comédie sur les péripéties d’une trentenaire amoureuse de son voisin de palier : plus de 500 000 exemplaires vendus depuis, dont les deux tiers en poche. Rebelote pour Complètement cramé !, puis Et soudain tout change. Sa martingale ? Des histoires limite loufoques, sans prétention littéraire, pétries de bons sentiments, avec » happy ending » de rigueur. Le nouveau, Ça peut pas rater !, tiré à 100 000 exemplaires, n’y déroge pas. Il met en scène une demoiselle abruptement larguée par son odieux petit ami, bien décidée à en faire baver aux hommes mais rattrapée par Cupidon. En toile de fond, le petit monde de l’entreprise menacée par des vilains financiers. Solidarité, amitié, tolérance, » déconne » souvent, amour toujours : autant de thèmes familiers au plus grand nombre, traités ici d’une plume plutôt plaisante, parfois débraillée. Il assume : » Je ne réfléchis pas mes livres, je les ressens. » Céline Thoulouze, qui fut longtemps son éditrice au Fleuve, renchérit : » Gilles ne s’inscrit nulle part, il a sa voix et tient à la garder. »
Derechef, dans Ça peut pas rater !, un matou fait des siennes. » J’ai trente ans de culture de l’image, je savais que cet animal fédérateur allait attirer l’attention. » Gilles Legardinier travaille de longue date pour le cinéma. Une passion de gosse concrétisée sans attendre d’avoir le bac : stagiaire, puis pyrotechnicien, il se spécialise dans les effets spéciaux et, à partir de 1996, rédige des dossiers de presse avec Pascale, son épouse et alter ego, pour toutes sortes de productions, blockbusters et films d’auteur, au sein de leur agence, Coming Soon. Résultat, des journées pied au plancher, ses romans l’accaparant de 4 à 7 heures. A force de travailler sur de » mauvais scénarios » en tant que » script doctor « , il s’est dit » qu’un de plus n’allait pas bouleverser l’ordre du monde ! « . Ce sera L’Exil des anges, thriller repéré par Céline Thoulouze avant de recevoir le prix SNCF du Polar en 2010. L’occasion pour l’auteur d’être » baladé » en train pendant un an vers tous les Salons du livre. Ça ne vaut pas la cérémonie des oscars, » beaucoup plus glamour « , estime Gilles Legardinier, plus d’une fois invité à Hollywood. Mais motus sur ses activités avec le 7e art, dont il côtoie certainement le gratin. » Je ne veux pas que ça phagocyte mes romans. » Tout semble très maîtrisé chez ce forçat de travail, qui a beaucoup appris du cinéma – au point de déposer les titres de ses ouvrages à l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle, en France). Il tient aussi à contrôler l’adaptation pour le grand écran de Complètement cramé !, sur laquelle il planche avec deux coscénaristes.
» Lire pour m’évader, je n’en ai pas besoin, revendique ce « serial writer » à l’imagination débridée. Je préfère cuisiner à manger. C’est la vie qui m’inspire. » La sienne, Gilles Legardinier s’en ouvre d’abord à ses lecteurs, » âgés de 12 à 94 ans « , en répondant quotidiennement à une trentaine de messages sur son blog. Et il s’adresse systématiquement à eux en fin de roman. Dans le précédent, Et soudain tout change, il révélait ainsi avoir été abandonné à 6 mois au pied d’une chapelle parisienne du VIe arrondissement et adopté par des parents extra. » Ce n’est pas la peine d’en faire toute une histoire, j’ai eu une enfance formidable. » Rompu à l’exercice de la dédicace, l’écrivain emballe les foules. » Gilles ne se repose pas sur ses lauriers, insiste sa femme, Pascale. Il ne perd jamais le contact avec le réel. » D’où son choix de conserver les deux casquettes : » Par fidélité pour nos clients de l’agence, mais aussi parce que je veux garder la tête froide. Dans l’édition, quand vous vendez 100 000 exemplaires, vous êtes une vedette. Au cinéma, quand votre film fait 100 000 entrées, vous n’en tournerez pas d’autre. » Une vraie sagesse de chat…
Ça peut pas rater !, par Gilles Legardinier. Fleuve, 432 p.
Delphine Peras