Glen Baxter, maître du nonsense

Guy Gilsoul Journaliste

Le célèbre dessinateur britannique a l’art de nous étonner, nous faire sourire et provoquer le grincement des mécaniques trop bien huilées du monde raisonnable. Rendez-vous à Bruxelles.

Des enfants couchés sur une dune face à la mer observent la présence d’un nuage de pellicules tourbillonnant sur Bruxelles. Cela tombe bien. Parce que c’est dans la galerie  » Le Salon d’art et de coiffure  » de la capitale que le dessinateur très british Glen Baxter, 71 ans, dépose ses images aussi absurdes que drôles. Leur option nonsense propose, à ses yeux, une voie de salut pour tous ceux qui, comme lui, ne comprennent rien au monde.

L’univers de l’artiste est peuplé d’aventuriers dont l’enfance se nourrit : gendarmes, cow-boys, explorateurs, scouts ou écoliers. Ils se retrouvent dans des situations les plus énigmatiques. Comme ces policiers constatant l’apparition surréaliste d’un autre nuage planant à quelques centimètres du sol. Ou encore lorsque dans une salle de musée vide (cela pourrait être le Victoria & Albert Museum, à Londres, où Baxter fut professeur), des castors rongent le bois de la célébrissime et très inconfortable Chaise rouge et bleu imaginée, en 1923, par l’architecte Gerrit Rietveld qui venait d’intégrer le mouvement De Stijl :  » Je ne suis pas étrange, confiait Baxter, je suis anglais.  »

Mais cette réponse n’est pas satisfaisante… Car si, depuis 1846 et la publication du Book of Nonsense d’Edward Lear, ce type d’humour est associé au pays de Lewis Carroll et des Monty Python, ce n’est pas en Grande-Bretagne mais aux Pays-Bas que le talent de Baxter fut d’abord reconnu à l’aube des années 1970. Depuis, ses oeuvres ont été exposées à New York, San Francisco, Paris, Munich ou encore Tokyo, alors que les images sont régulièrement publiées dans The New Yorker, Vanity Fair et Le Monde.

La mécanique Baxter

Le tracé est clair, fait de contours précis. Les couleurs pâles évoquent le monde d’Epinal et celui des livres d’enfants sages. Ce ne sont que petits murmures dans lesquels les silhouettes davantage marquées par les comics que par l’observation de la réalité, suspendent leur geste. Le temps s’étire. Au bas de l’image, Baxter écrit quelques mots en lettres aussi anonymes que ses héros et ses décors. Entre le texte et la composition, on chercherait en vain une explication. Au contraire, l’étrangeté est renforcée. Or ce procédé vient moins de la tradition britannique que du surréalisme. Celui des collages de Max Ernst (La femme 100 têtes ou encore Une semaine de bonté) ou de certaines toiles de Magritte. La méthode emprunte aussi à celle dont usa Raymond Roussel dans les années 1930 lorsqu’il demandait à Henri-Achille Zo d’imaginer une image à partir d’une phrase des plus incongrues (Les nouvelles impressions d’Afrique). La mécanique est bien huilée et ses cibles renvoient finalement moins au quotidien qu’à l’ambition des arts et de la philosophie à délivrer des réponses. Oui, l’art de Baxter fait du bien aux méninges…

Glen Baxter, dessins & estampes, au Salon d’art, à Bruxelles. Jusqu’au 11 juillet. www.lesalondart.be

Guy Gilsoul

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