Sale temps d’automne pour la ministre de la Mobilité. Empêtrée dans une affaire de marché public attribué sans respect des règles, elle s’en est sortie. Mais par la petite porte.
Ce fut » la « saga politico-juridique de l’automne. Jacqueline Galant, ministre fédérale MR de la Mobilité, en est sortie cabossée, quoi qu’elle en dise, et fragilisée. Sans cynisme, on peut dire que les attentats de Paris, le vendredi 13 novembre, sont tombés à point nommé pour elle, précipitant dans les oubliettes le très embarrassant dossier Clifford Chance.
L’affaire, révélée par Le Vif/L’Express, porte en effet le nom d’un cabinet d’avocats auquel le cabinet Galant a fait appel, quelques jours à peine après son entrée en fonction, pour l’aider, au départ du moins, dans les négociations en cours avec la Commission européenne à propos des aides d’Etat aux compagnies aériennes. Mais la collaboration avec ce bureau d’avocats ne s’est pas arrêtée là. Au point que les honoraires budgétés par le SPF Mobilité pour l’année 2015 approchent les 500 000 euros. C’est qu’entre-temps, ces hommes de loi ont également été impliqués dans la rédaction de la nouvelle loi de procédures aériennes (dite Vliegwet), entre autres.
Le recours systématique et onéreux à ce bureau d’avocats a bien entendu déplu au SPF Mobilité, qui dispose en interne des compétences nécessaires pour prendre en charge ce type de dossier, sans aucun surcoût. Mais le cabinet Galant a délibérément choisi de contourner son administration afin d’obtenir d’un tiers un regard neuf et neutre sur la question du survol de Bruxelles. Quel qu’en soit le prix.
Le choix du bureau Clifford Chance n’en a pas moins suscité de multiples controverses sur le plan politique puisqu’aucune mise en concurrence avec d’autres cabinets d’avocats n’a été effectuée avant de lui confier la mission et que l’Inspection des finances n’a pas été saisie préalablement de cette demande de dépenses. Mis sur la sellette, le cabinet Galant s’est empêtré dans des tentatives de justifications juridiques qui ont aussitôt été démontées par l’opposition. Une mise en concurrence s’imposait bien et l’Inspection des finances devait être saisie.
Le Premier ministre, dont l’audition avait été réclamée par l’opposition, n’a pas tout de suite pris la mesure du scandale, qualifiant du bout des lèvres cette entorse à la législation d' » imprudence « , commise » de bonne foi « . Tandis que la grogne enflait à l’encontre de Jacqueline Galant et que des documents gênants fuitaient jour après jour, Charles Michel est remonté au créneau et a, cette fois, parlé d' » erreur administrative « . Il a aussi rappelé qu’un ministre était toujours responsable de ses dossiers. Une manière de clore l’infernal débat sur le rejet des responsabilités entre cabinet ministériel et administration. Au MR même, certains n’en étaient pas moins gênés aux entournures, se sentant obligés de défendre l’indéfendable. Il s’agissait d’éteindre au plus vite l’incendie, après trois semaines de feux de forêt.
L’affaire est de fait étouffée aujourd’hui. La ministre Galant n’est pas pour autant sortie d’affaire. Tous attendent sa nouvelle loi de procédures aériennes promise pour la fin de l’année. Echaudées par l’affaire Clifford Chance, l’opposition et les associations de riverains ne laisseront rien passer à Jacqueline Galant. Et il y a fort à parier que son parti ne lui accordera pas deux fois l’opportunité de faire autant de dégâts…
Laurence van Ruymbeke