Les politiques aussi se disent » oui » pour la vie… Les festivités ont été nombreuses cette année, rassemblant chaque fois des invités qui, sur la scène publique, s’envoient plus souvent des piques que des confettis. Carnet de noces.
« La montée des marches, les photographes, les applaudissements du public massé derrière les barrières… Le Festival de Cannes à Alfortville (au sud-est de Paris) ! Ce mariage, c’était the place to be « , se souvient l’un des invités, amusé. Il faut dire que l’annonce des noces du sénateur maire socialiste Luc Carvounas fait carrément l’objet d’une dépêche AFP, le 30 juin : » Premier mariage gay d’un parlementaire français « , signale l’agence de presse, qui y voit » une nouvelle étape dans la banalisation de l’homosexualité, longtemps taboue, dans le monde politique « . Quelques jours plus tôt, le 26 juin, Carvounas s’exprime pour la première fois dans un média communautaire, Yagg ; il explique qu’il faut, » pour que la société avance, des hommes et des femmes politiques « out » « . Autrement dit, qui s’assument.
Le 11 juillet, ce mariage de deux hommes amoureux, tout de bleu vêtus, a donc aussi un sens politique, alors que certains candidats à l’élection présidentielle de 2017 en France assurent qu’ils reviendront sur le mariage pour tous en cas de victoire. » Un parlementaire qui épouse son compagnon, c’est un signal pour l’opposition, confirme le marié au Vif/L’Express : on a franchi le Rubicon. C’est acquis, définitif ; personne ne pourra défaire ce qui a été fait. » Dans la semaine qui suit la fête, Carvounas déjeune avec le maire de Neuilly, le député Jean-Christophe Fromantin (UDI). Le centriste, résolument hostile au mariage pour tous au moment des débats à l’Assemblée, félicite le socialiste, qui s’en étonne un peu : » Pas du tout, rétorque Fromantin. J’étais contre le texte, je le reste, mais à partir du moment où la loi est votée, ce n’est plus un sujet. » » Je regarde tout ça comme une évolution naturelle de la société, conclut Luc Carvounas. L’homosexualité punie par la loi, ça me paraissait la préhistoire quand j’étais adolescent, alors que ça a duré jusqu’en 1982. Les enfants d’aujourd’hui vont grandir avec le mariage pour tous. Dans dix ans, l’idée que les homosexuels ne pouvaient pas se marier, ça semblera le Moyen Age. »
Carvounas et son compagnon n’ont pas tout fait » comme on fait d’habitude » : ils ont sorti les alliances de leur poche et les ont passées sans façon, ils ont évité la marche nuptiale à l’arrivée et la pluie de riz en quittant la mairie. Ils ne partiront pas en voyage de noces, juste quinze jours en Grèce pour les vacances, exactement comme chaque année. Pour le reste, eux aussi, ils se sont sentis » cul-cul la praline » d’être si émus au moment de se dire » oui » ; chacun des deux époux porte désormais le nom de l’autre accolé au sien sur les papiers officiels ; et le soir de la noce, aux Pavillons des étangs, en plein coeur du bois de Boulogne, la bringue a duré toute la nuit entre amis et personnalités publiques – le gratin du gratin, du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, à l’ancienne ministre Cécile Duflot, » une vraie copine « , en passant par le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, le sénateur écolo Jean-Vincent Placé, des membres du gouvernement… Seuls manquaient le chef de l’Etat, qui a envoyé un mot manuscrit signé » François « , et Manuel Valls, présent à la mairie le matin, mais absent de la soirée.
Absent et excusé : le soir du 11 juillet, Valls est invité dans l’Yonne (au sud-est de Paris) à la fiesta des 30 ans de mariage de Stéphane Fouks, l’un de ses plus vieux copains, vice-président d’Havas et grand » gourou de la com « . » Au moins 200 personnes, un orchestre catalan génial, une ambiance de folie, des rôtisseries hallucinantes et des desserts à tomber par terre « , résume l’un des participants.
Il semblerait que la crise grecque ait empêché le chef du gouvernement de profiter pleinement de la soirée, l’obligeant à la passer presque entièrement au téléphone avant de quitter les lieux pour regagner Paris dans la nuit.
Une mariée en robe longue blanche
Certains comptent en années, d’autres en semaines. Le 13 juillet, Pierre Moscovici fête, lui, le premier mois de son mariage. » Ça m’est apparu comme une évidence « , dit-il aujourd’hui. » Pierre, je ne m’attendais pas à te marier ! » lance la maire de Paris, Anne Hidalgo, au commissaire européen presque sexagénaire avant de recueillir son consentement, le 13 juin, à la mairie du VIe arrondissement de Paris. Pas de quoi désarçonner le marié, toujours aussi flegmatique malgré le caractère a priori irréversible de l’événement. La photo improbable des époux s’embrassant à pleine bouche à la sortie de la mairie fait aussitôt le tour des réseaux sociaux – » Non mais SANS DÉCONNER « , lance un abonné sur Twitter pour commenter le cliché…
Une mariée en robe longue blanche, un apéro à la Pizza Chic – » cuisine exigeante, produits sélectionnés, cadre atypique : Fare il bene col buono » -, à deux pas de la place Saint-Sulpice, une soirée sans chichis au domicile du couple, plutôt cocktail à la main que dance floor jusqu’au bout de la nuit : les invités – ministres, anciens ministres, ancien Premier ministre – ont jugé la noce » très réussie « . Lionel Jospin n’a assisté qu’au déjeuner, François Hollande a débarqué après la finale du Top 14 de rugby au Stade de France. Ce matin du 13 juin, raconte Le Monde dans un article intitulé » Le marathon de la reconquête « , le président est déjà passé au mariage de la belle-fille de Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée, avec le fils de Dominique Bussereau, ex-ministre de Nicolas Sarkozy.
L’amour fait fi de la politique – parfois même du mariage : » On devrait toujours être amoureux. C’est la raison pour laquelle on ne devrait jamais se marier « , disait Oscar Wilde. Interrogée par le quotidien La Provence, le 18 juillet, à propos de ce subtil aphorisme, Julie Gayet avoue au journaliste apprécier la phrase : » Je rejoins ce que dit Oscar Wilde sur les apparences et la façade du mariage. En tant que comédienne, je joue dans mon métier, pas dans la vie ! » Présente au Festival d’Avignon pour une lecture musicale, Madame Wilde, la compagne du président de la République s’est sans doute souvenue des mots de François Hollande le soir du mariage de Moscovici, rapportés dans la presse : » Me marier, moi ? J’ai passé l’âge. Et un mariage, ça coûte cher ! »
Par Elise Karlin