L’industrie du cinéma serait-elle en train de changer? Le féminisme tend en tout cas à y devenir une valeur tendance, divers films à l’appui…
Interrogée un jour sur sa prédilection pour le cinéma indépendant, l’excellente Jennifer Jason Leigh avait eu cette réponse bien sentie: » Dans les films grand public, le rôle des femmes se limite, pour l’essentiel, à prouver que le héros masculin est hétérosexuel. Je ne suis pas bonne dans cette posture, et cela ne m’intéresse tout simplement pas. » Pas sûr, à vrai dire, que les choses aient tellement évolué, et de Patricia Arquette à Emma Watson, elles sont plusieurs à s’être amèrement plaintes, ces derniers mois, du sexisme prévalant encore et toujours dans l’industrie du cinéma, et perceptible aussi bien au niveau des rôles – passés 40 ans, la carrière d’une actrice tient du parcours du combattant, Meryl Streep ou Julianne Moore ne constituant jamais que des exceptions – que des salaires. Et l’on ne rappellera que pour mémoire, dans un ordre d’idées voisin, le débat agitant chaque année le festival de Cannes autour de la représentation des femmes – elles n’étaient ainsi que deux, Maïwenn et Valérie Donzelli, à concourir, voici quelques mois, à la Palme d’or, dont Jane Campion reste la seule lauréate, en 68 éditions de la manifestation.
L’heure des suffragettes
Non, pour autant, que la cause soit totalement désespérée: indicateur de tendance, deux des franchises les plus populaires du moment, The Hunger Games et Divergent, se déclinent au féminin, et Jennifer Lawrence est sans doute, à 25 ans à peine, la star la plus puissante de Hollywood. Mieux même, le féminisme s’est mué, en 2015, en valeur cinématographique à la hausse. Un mouvement qu’avaient esquissé Journal d’une femme de chambre de Benoît Jacquot, et Far from the Madding Crowd de Thomas Vinterberg, portés par leurs héroïnes indépendantes, avant d’être relayé par le Mustang de Deniz Gamze Ergüven, explorant la condition féminine en Turquie. A quoi viendrait se greffer une dimension plus ouvertement politique, celle explorée par Catherine Corsini dans La Belle Saison fleurant bon le militantisme des années 1970, ou transparaissant du Testament of Youth de James Kent, portrait incandescent de l’écrivain Vera Brittain. Et trouvant une expression explicite dans le Suffragette de Sarah Gavron, un film retraçant le combat de militantes britanniques pour l’octroi du droit de vote aux femmes il y a tout juste un siècle, non sans nourrir un puissant dialogue avec le présent… » L’histoire des suffragettes et de ce qu’elles ont accompli est extraordinaire, nous confiait Carey Mulligan, premier rôle de ce drame historique. Mais bien que 100 ans se soient écoulés, elle n’avait jamais été portée à l’écran. Si l’on considère que Hollywood s’empare désormais du moindre sujet passant aux infos dans la semaine, c’est tout bonnement inouï. » Mais aussi symptomatique d’un état de fait qui est peut-être en train d’enfin changer…
Jean-François Pluijgers