Etre chrétien et non croyant

Peut-on, à la fois, se dire chrétien et affirmer son incroyance ?

Sylvain Launoy par e-mailSe reconnaître û s’avouer û chrétien va plus loin qu’affirmer son attachement à une culture, comme la satisfaction intime devant un paysage urbain, des coutumes de vie, etc. Elle dit mon acquiescement à deux sortes de représentations : l’une proprement religieuse tel un credo. Il s’agit là de la seule qui vaille aux yeux de l’Eglise, qu’elle soit catholique, orthodoxe ou réformée. L’autre, existentielle, va au-delà de la croyance dans la mesure où elle englobe tous les éléments d’une philosophie de la vie. Etre chrétien peut se voir d’une façon large ou étroite. Dans ce dernier sens, seule la profession de foi et sa pratique (plus ou moins forte) sont prises en compte. De manière plus large, être chrétien, c’est vivre û hors de la foi religieuse û en se posant des questions essentielles, vécues selon une thématique religieuse précise. Ainsi, chez nous, l’incroyance s’installe dans le c£ur d’un individu quand il s’interroge sur son intime conviction à propos de l’existence du Christ Sauveur. Imagine-t-on qu’il se demande, de prime abord, s’il croit ou non à la transmigration, s’il accepte ou refuse les préceptes du Coran, s’il attend la venue du Messie, si parler de l’existence des esprits a un sens ou pas ? Même son examen sur la validité des injonctions morales se fera à partir des prescriptions de la morale chrétienne. S’il peut remettre en cause les obligations résultant de la monogamie, il ne commencera jamais par s’interroger sur la polygamie. Autrement dit, nous restons chrétiens par la manière de batailler avec le christianisme. Ce sont ses principes, son mode de vie, ses refus qui organisent ma façon d’être ou de penser lors même que c’est pour s’en écarter, voire s’y opposer de front. Remarquons que la culture laïque, dans laquelle nous baignons, n’est que sa fille révoltée. Encore maintenant, une part de nos querelles intellectuelles s’imprime en creux dans la problématique chrétienne.

Je puis donc me dire chrétien et non croyant sans que cela soit contradictoire. Toutefois, cette façon de dire n’est pas durable. L’esprit de la modernité se défait peu à peu de ses senteurs chrétiennes. Par un effet de retour, c’est le christianisme qui s’altère sous le poids de la modernité. Les Eglises, qui en ont parfaitement conscience, s’emploient à revitaliser leur message. C’est pour elles une question de survie. Cet échange plus ou moins batailleur et fécond risque, actuellement, de s’affaiblir parce que les deux parties font preuve d’une pauvreté d’esprit et d’une mollesse de conviction inquiétante.

Jean Nousse

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