Eternelle ville d’art

En dépit de la crise économique qui sévit, Rome continue de rénover ou d’enrichir son inestimable patrimoine. L’occasion d’effectuer une balade dans quelques lieux – anciens ou nouveaux – dévolus à la création et à la beauté.

L’emblème incontestable de Rome, le Colisée, le plus grand amphithéâtre de l’Antiquité et l’un des monuments les plus visités du monde, domine la ville de sa silhouette imposante sans cesser de susciter l’émerveillement. C’est dans ses parages que Paolo Sorrentino a choisi de loger le héros de La Grande Bellezza… Il était presque en ruine, quand le groupe Tod’s et son PDG, Diego Della Valle, ont décidé de voler à son secours, pour une réfection colossale qui a commencé en 2013.

Sait-on assez cependant que le passé antique de Rome n’est pas seulement visible dans son centre historique. A Ostie, bord de mer de la capitale, une cité dont personne n’imaginait l’existence a récemment émergé lors de fouilles. Une équipe d’archéologues dirigée par deux universités britanniques a découvert, à l’aide de techniques de relevés géophysiques, que la ville romaine antique était plus étendue, de plus de 40 %, que la partie jusque-là connue et visitable, et qu’elle allait même au-delà du Tibre. Ostia Antica pourrait être plus vaste que Pompéi… Cette découverte exceptionnelle, officiellement annoncée en avril, va contribuer à la compréhension de ce port crucial pour la Rome antique, qui en était totalement dépendante. Ces nouvelles fouilles attirent également l’attention sur un quartier par ailleurs en plein réveil (voir l’encadré page 49).

D’une découverte, il est tentant de passer à une redécouverte qui, comme souvent à Rome, révèle les infinies strates superposées de son histoire. Au coeur de la ville, sous la légendaire piazza Navona, la plus visitée de Rome, peut-être la plus belle, les restes du stade de Domitien, enfouis à 4 mètres de profondeur, ont été rouverts au public, en décembre 2013, après des années de restauration, et inaugurés officiellement en mars. Avec une première à la clé : la gestion du site archéologique a été confiée à une société privée. Le stade, dont la forme oblongue de la place actuelle épouse exactement les contours, est le premier exemple de stade d’athlétisme en pierre construit à Rome.

De la piazza Navona, il n’y a que quelques minutes de marche jusqu’à la fontaine de Trevi, ce symbole du baroque flamboyant romain, et le lieu le plus sensuel de Rome depuis qu’Anita Ekberg et Marcello Mastroianni ont hanté la nuit de La Dolce Vita… En 2012, la situation critique de la fontaine, construite au XVIIIe siècle et restaurée plusieurs fois depuis, a poussé la mairie de Rome à faire appel au mécénat privé. Fendi, maison historique de couture romaine fortement attachée à la Ville éternelle, dont le patrimoine culturel est une source d’inspiration inépuisable, a immédiatement décidé de répondre en assurant le financement de la restauration au titre de mécène unique : 2,12 millions d’euros pour des travaux qui devraient s’achever en 2015.

Un autre acteur historique du luxe romain, le joaillier Bulgari, entre lui aussi cette année dans le club des mécènes romains. Pour fêter les 130 ans de la maison, fondée en 1884 par Sotirios Bulgari, la marque a rénové entièrement sa boutique de la via Condotti, la rue la plus élégante de la capitale, qui, outre de nombreuses boutiques de luxe, héberge le mythique Caffè Greco (construit en 1762 et hôte de Stendhal, Keats, Wagner ou D’Annunzio…). Mais c’est à un autre joyau emblématique de la ville que Bulgari a choisi d’apporter son aide : la maison a annoncé en mars le don de 1,5 million d’euros pour la rénovation de l’escalier de la place d’Espagne à qui devrait être rendue sa splendeur originelle.

Comme pour établir une passerelle entre la Rome glorieuse d’autrefois et le monde contemporain, de grandes expositions revisitent cet été l’oeuvre d’artistes à la fois stars et rebelles. Les Scuderie del Quirinale, un lieu splendide du XVIIIe siècle, rouvertes en 1999 pour accueillir des expositions prestigieuses, montrent les oeuvres de Frida Kahlo (jusqu’au 31 août). Via del Corso, dans le palazzo Cipolla, a lieu la première monographie romaine du père du pop art, Andy Warhol (jusqu’au 28 septembre).

Cet héritage du XXe siècle, dans lequel s’inscrit aussi l’architecture mussolinienne, nous emmène vers le nord de Rome, dans une partie en pleine effervescence culturelle et contemporaine moins connue des touristes. D’un côté, on trouve le Foro italico, anciennement Foro Mussolini, qui, comme son premier nom l’indique, a été construit à l’époque fasciste pour abriter des équipements sportifs, dont le stade olympique. En face, sur l’autre rive du Tibre, le quartier Flaminio concentre une forte présence culturelle : le Teatro olimpico, une scène très active dans le domaine de la danse et de la musique, l’Auditorium Parco della musica, construit par Renzo Piano et ouvert en 2002… et le Musée national des arts du XXIe siècle (Maxxi), dont le bâtiment tout en mouvement conçu par Zaha Hadid a été inauguré en 2010 (voir ci-contre). Selon Hou Hanru, directeur artistique du Maxxi,  » Flaminio a toujours été un laboratoire pour une nouvelle forme d’urbanisme « . Pourquoi ?  » Une jeune génération d’habitants s’y est installée depuis l’ouverture du musée. L’Auditorium accueille aussi un public engagé au niveau culturel, des étudiants, des artistes. Le quartier continue à se développer malgré toutes les difficultés actuelles liées à la crise économique. Par exemple, il est maintenant question de créer un musée des sciences en face du Maxxi…  »

Malgré la crise économique, qui entraîne des coupes claires dans les budgets de la culture, la vitalité italienne est toujours à l’oeuvre. Hou Hanru résume l’optimisme romain :  » Je pense qu’on va toucher le fond de cette crise. Puis, il n’y a pas le choix, nous devrons rebondir…  »

Par Anne-Claire Meffre

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