… et les Flamands deviendraient hollandais
Pour les Néerlandais, voilà une excellente manière de régler le problème belge. Cette fusion plaît beaucoup à la droite, mais pas trop à la gauche. Et moins encore aux Flamands.
L’union entre les Pays-Bas et la Flandre serait bonne pour l’économie des Pays-Bas « , lançait Geert Wilders, en mai dernier. Le chef de l’extrême droite vient de réitérer ses propos. » Les Pays-Bas y gagneraient le port d’Anvers, un aéroport. (…) Ce serait une bonne chose pour l’emploi, cela créerait de l’espace. (…) L’enseignement est bon ; les impôts, peu élevés. » Décidément, l’éclatante santé économique de la Flandre fait aussi des jaloux chez les Bataves.
Après avoir sondé ses propres électeurs sur le rattachement de la Flandre aux Pays-Bas, en novembre dernier, Wilders propose un référendum sur la question, des deux côtés de cette frontière qu’il aimerait gommer. Car il ne s’agit pas de » forcer une réunion « . » Nous n’allons pas envoyer des corps d’armée « , rassure-t-il. Mais, soutient-il, » les troubles politiques en Belgique prouvent que ce pays ferait mieux d’arrêter d’exister « . Pour l’instant, ne reculant pas devant les solutions expéditives, il a encouragé le Premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende et le ministre-président flamand Kris Peeters à se concerter sur l’opportunité d’une telle fusion.
Si l’on en croit les sondages les plus favorables menés en Flandre – un tiers des Flamands seraient » rattachistes « , selon un sondage de Gazet van Antwerpen -, l’appel de Wilders est à ranger au rayon des idées loufoques. Mais il trahit néanmoins un sentiment assez répandu chez nos voisins du nord : la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique (du moins, la Flandre) est une aberration de l’histoire.
Pareil sondage, réalisé aux Pays-Bas en août 2007, a révélé que près de deux tiers des Néerlandais approuveraient une fusion entre leur pays et la Flandre. Car le Batave chérit la Belgique. Il envie le » style de vie bourguignon « , la courtoisie de ses habitants, le relief ardennais, Bruxelles, » seule vraie métropole néerlandophone « , le soin porté par les Flamands à la langue de Vondel… Il ne déclinerait pas l’invitation des Belges, éventuellement des Flamands sans les Wallons.
» Cette fusion serait en fait une OPA «
Le » grootnederlandisme « , le rattachement de la Flandre aux Pays-Bas, n’est pas une idée neuve. Des politiques plus modérés que Wilders y adhèrent ou l’ont adoptée dans le passé. L’ex-ministre Jan Terlouw, l’ancien commissaire européen Frits Bolkestein aux Pays-Bas. En Flandre, l’hypothèse a séduit, entre autres, Louis Tobback, Bart De Wever et Bert Anciaux. Pourtant, même les adeptes du » grootnederlandisme » n’y croient qu’à moitié. Le nationalisme flamand vise en effet l’émancipation, voire l’indépendance du nord du pays. Il n’est donc pas question de confier la Flandre aux Pays-Bas, où elle serait réduite à l’état de région des Grands-Pays-Bas (Groot-Nederland). Plusieurs siècles d’histoire, la religion, une vision de l’Etat séparent les deux peuples. Sans oublier les différences de mentalité et de langue : les chaînes de télévision flamandes et néerlandaises s’obstinent à sous-titrer leurs productions mutuelles.
Mais le plus grand obstacle à une union reste peut-être le Néerlandais lui-même. » Vous êtes nos Bo-ches « , leur lançait, impertinent, l’auteur anversois Tom Lannoye, qui compare la méfiance innée des Néerlandais pour leurs voisins allemands à celle de nombreux Belges vis-à-vis des Hollandais.
Après les déclarations de Geert Wilders, De Volkskrant ne s’y est pas trompé. Le quotidien progressiste redoutait que les diatribes du populiste ne nuisent aux relations entre la Flandre et son grand voisin du nord : » Wilders laisse entrevoir que cette fusion serait en fait une OPA. Les Pays-Bas « obtiendraient » le port d’Anvers et un aéroport. C’est exactement le langage qui fait que les Flamands nous trouvent si arrogants, nous les Néerlandais. «
Gérald de Hemptinne
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