Plaisir et frustra-tions alternent dans A Good Woman, inégale adaptation d’un texte brillant d’Oscar Wilde
Le problème dans l’adultère, c’est qu’il y a une femme de trop. Il en va de même pour le mariage… » Des aphorismes comme celui-ci se multiplient dans les dialogues de A Good Woman, la nouvelle adaptation cinématographique de L’Eventail de Lady Windermere, la pièce fameuse (datant de 1892) et piquante du délectable Oscar Wilde. Le réalisateur Mike Barker et son scénariste Howard Himelstein ont déplacé l’action dans l’Italie des années 1930, plus précisément dans le petit bourg côtier d’Amalfi, où aimaient venir en villégiature les membres de la haute société britannique, rejoints parfois par leurs cousins d’Amérique.
Meg et Robert Windermere sont de ces derniers. Le jeune couple donne toutes les apparences du bonheur sans nuage, mais le mari n’en succombera pas moins, et très vite, aux avances intéressées d’une compatriote plus âgée, aussi séduisante qu’apparemment dénuée de scrupules. En fait, une aventurière, dont le lourd passé nous a été en partie dévoilé par un prologue new-yorkais. Comment la liaison passionnée, de moins en moins discrète, du jeune époux avec la maîtresse fatale va menacer son mariage et faire courir le cancan. Comment aussi un noble veuf anglais, lord Augustus Lorton, offrira une sortie dans l’honneur et l’amour à la vamp américaine. Comment, enfin, un secret de famille viendra éclairer d’une lumière nouvelle les agissements des uns et des autres. Tout cela, A Good Woman nous le narre de manière assez plaisante, même si quelques fois fort appuyée.
Comédie mâtinée de mélodrame flamboyant façon Le Roman de Mildred Pierce, le film de Mike Barker cherche sa vérité dans le mélange des genres et une sentimentalité ouverte, insistante même par endroits, qui déforce et trahit le trait wildien. Si le génial Oscar ne saurait en effet se résumer à ses mots d’esprit brillants et cyniques, l’auteur du Portrait de Dorian Gray et de L’Importance d’être constant savait mieux que quiconque résister aux tentations de l’émotion facile. A Good Woman n’a pas cette rigueur, et le cocktail d’humour et de mélo qu’il propose assez habilement dénature le matériau d’origine. Reste que la verve inimitable de Wilde, son art à croquer des portraits mémorables et à explorer au scalpel (comique) les travers et hypocrisies de la » bonne » société émergent suffisamment pour pimenter le spectacle de savoureuse façon. Dans le rôle de Madame Erlynne, la femme de » mauvaise vie « , Helen Hunt s’impose efficacement. Ses jeunes partenaires, même Scarlett Johansson (Madame Windermere), ne peuvent en dire autant. Et c’est même le vétéran Tom Wilkinson qui tire le mieux son épingle du jeu dans le personnage haut en couleur et tout en nuances de lord Augustus Lorton, celui qui veut marier sa solitude à celle de la proscrite dont tout le monde médit…
Louis Danvers