Wim Wenders poursuit sa recherche émue dans Don’t Come Knocking, un film aux très belles images, mais qui confirme, hélas, le fléchissement créatif du cinéaste allemand
Parmi les films de Wim, ce n’est certes pas celui que je préfère… » Jim Jarmusch ne masque pas sa déception devant le nouveau film de son ami Wenders, celui-là même qui lui mit le pied à l’étrier en lui offrant les restes de pellicule de L’Etat des choses, pour qu’il puisse tourner Stranger Than Paradise, son premier long-métrage professionnel. De manière curieuse, les deux hommes abordent, chacun dans leur dernier opus en date, le thème de la paternité révélée sur le tard, et du bilan de vie d’un solitaire parvenu à l’âge mûr. Mais, là où le Broken Flowers de Jarmusch choisit subtilité, nuance, humour et suggestion, Don’t Come Knocking donne dans les intentions soulignées, le sérieux le plus pesant, et cet aspect démonstratif que les films de Wenders ont malheureusement privilégié depuis quelques années déjà, faisant de son £uvre récente le pâle et raide fantôme de merveilleux débuts ( Au fil du temps, Alice dans les villes restent de petits bijoux de cinéma personnel et touchant).
Don’t Come Knocking (littéralement » Ne viens pas frapper à ma porte « ) chronique l’échappée belle d’un acteur de westerns, joué par Sam Shepard, qui s’évade en plein milieu d’un tournage pour revenir vers sa région d’enfance, où sa mère lui apprend qu’il a peut-être un enfant quelque part. Poursuivi par un limier de l’assurance (Tim Roth) chargé de le ramener sur le plateau, Howard Spence va chercher à retrouver sa progéniture. Il reverra celle qui pourrait en être la mère (Jessica Lange), et aura la surprise de se découvrir plus d’un rejeton… » Le sujet de la paternité s’impose aujourd’hui, explique Wim Wenders. Les jeunes gens grandissent sans connaître vraiment leurs parents, et lesdits parents ne connaissent pas non plus vraiment leur progéniture. Rares sont aujourd’hui les enfants qui ont une mère et, surtout, un père qui sont réellement présents, comme le furent heureusement les miens… J’ai fait ce film pour comprendre la perte, la peine que représente un éloignement qui me fut, à moi, épargné… »
Patrie imaginaire
Déjà tout jeune cinéaste en Allemagne, Wenders aimait chercher dans son propre pays les paysages d’une Amérique rêvée, ceux notamment des westerns adorés de John Ford. Cette » quête d’une patrie imaginaire » l’a ensuite amené à traverser l’Atlantique et à tourner dans les paysages en question, du bouleversant Paris, Texas à Don’t Come Knocking, où sa caméra enregistre de façon superbe (avec la complicité du chef-opérateur Franz Lustig) » l’érosion de ces paysages, désormais surexposés par le tourisme, l’industrie, la photographie, au point de ressembler à des décors de parc d’attractions d’où toute poésie et toute beauté ont disparu. Il faudrait les entourer d’une grande clôture et les laisser reposer une bonne centaine d’années avant de les regarder à nouveau… »
Le ton du cinéaste, comme celui de son film, est aux regrets, à la nostalgie, qui s’exprime aussi dans les cadrages de scènes urbaines évoquant les tableaux d’Edward Hopper, une référence esthétique dont le film fait un usage remarquable. Mais, si la texture visuelle de Don’t Come Knocking est aussi riche que belle, si ses acteurs se livrent avec une générosité palpable, les limites du film viennent de cette propension qu’a le Wenders de l’âge mûr à tout vouloir souligner avec une solennité pesante qui débouche, par endroits, sur l’ennui. » Mon film porte la tristesse qui m’habite devant tout le temps perdu par ses personnages, tout cet amour qui n’a pas pu s’exprimer « , commente le réalisateur qui ajoute en conclusion : » La quête d’amour comme la recherche d’identité sont des thèmes auxquels je reviens souvent, parce qu’ils me hantent au plus profond de moi-même. Le cinéma est pour moi, avant toute chose, affaire d’émotion. Comment s’étonner dès lors que mes questionnements intimes viennent habiter mes films ? »
Louis Danvers
« Rares sont aujourd’hui les enfants qui ont un père réellement présent »