Les écoles bruxelloises sont au bord de l’asphyxie. La création de 34 000 places est prévue d’ici à 2020. De quoi combler quelque peu la hausse démographique. Les premiers chantiers s’accélèrent enfin.
Bruxelles manque d’écoles. Dans le fondamental, surtout. Dans le secondaire, un peu. Ce n’est pas nouveau. Et cela va encore durer pendant au moins six ans. Des besoins qui sont disparates selon les communes mais qui se concentrent essentiellement au nord-ouest de la capitale.
La prise de conscience date de 2010. S’il y a eu quelques ratés à l’allumage, ces derniers mois, les annonces relatives à la création de nouvelles places dans les écoles maternelles et primaires se multiplient. De quoi donner le tournis au plus zwanzeur des Bruxellois.
» Nous sommes noyés par les chiffres, regrette Etienne Michel, directeur du Segec, le secrétariat général de l’enseignement catholique. Il manque un outil qui permettrait de centraliser l’information et de donner exactement le nombre de places disponibles, dans quelle école et à partir de quelle date. » Une avancée toutefois : depuis la dernière rentrée scolaire, tous les directeurs du fondamental doivent déclarer par le biais d’un logiciel le nombre de places vacantes dans leur établissement. Un système de recensement du taux d’occupation qui pourra enfin être confronté à la population scolaire, seul indice actuel.
Seules 10 000 places ont vu le jour
Selon l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse (IBSA), l’augmentation de la population scolaire d’ici à 2020 exigera la création de 42 500 nouvelles places dans les écoles bruxelloises (30 000 dans le fondamental et 12 500 dans le secondaire). Un chiffre impressionnant, qui n’a étonnamment pas été anticipé par les pouvoirs politiques. » On ne parle de boom démographique que depuis 2009, poursuit Etienne Michel. Ce constat n’a pu être anticipé faute de moyens. »
Pour répondre à la demande, différents plans ont été conçus depuis 2010 pour, au total, planifier la création de 34 000 places dans les dix ans. Seules 10 000 environ ont vu le jour aujourd’hui. Il va donc falloir appuyer sérieusement sur l’accélérateur. » Je suis optimiste, affirme Julie Lumen, de l’Agence de développement territorial (ADT), chargée de coordonner les procédures visant à la création de nouvelles places dans les écoles bruxelloises. Les délais seront tenus. Nous sommes sur la bonne voie. De plus en plus de dossiers avancent. » Précisons qu’il faut en moyenne entre trois et cinq ans pour faire aboutir un dossier de création d’école.
Du long terme et du transitoire
Quels sont donc ces différents plans qui ont été mis sur la table pour tenter de résorber le désinvestissement en matière de bâtiments scolaires ? Le premier a été lancé en 2010 par la Région de Bruxelles-Capitale. Il a permis la création de 3 836 places dans le fondamental via le placement d’écoles modulaires et des rénovations légères. La Fédération Wallonie-Bruxelles a embrayé la même année et a programmé la création de 15 216 places (fondamental et secondaire). Les localisations sont déjà déterminées. 1,2 milliard d’euros a été débloqué pour le financement. Les premiers chantiers sont en cours à Anderlecht, Saint-Gilles, Berchem ou encore Molenbeek. Il s’agit de bâtiments » en dur « .
Les retards se sont toutefois accumulés. Un plan d’urgence a donc dû être actionné en novembre 2013 par Jean-Marc Nollet (Ecolo), en charge des bâtiments scolaires lors de la précédente législature (55 millions). Il se divise en trois phases. La première a vu la création de 950 places lors de cette rentrée. Il s’agissait de pavillons modulaires mobiles. Une solution temporaire. La seconde est prévue pour septembre 2015 et concerne la création de 2 625 places dans des pavillons modulaires fixes. Enfin, la dernière phase attendue à l’horizon 2017 entraînera la création de 5 577 places par le biais de rénovations. Sortez les calculettes et vous obtiendrez un total de 9 152 unités (7 607 dans le fondamental et 1 545 en secondaire). Le solde des 34 000 places est à trouver dans l’enseignement néerlandophone.
Vers un second plan d’urgence
Tout n’est pas rose pour autant : les besoins de certaines communes ne seront pas rencontrés malgré ces efforts. » Une série de zones resteront sous tension au nord-ouest de Bruxelles, explique Julie Lumen. Les investissements n’y sont pas suffisants notamment au regard des grands projets de réaménagement, comme par exemple à Josaphat ou à Tour & Taxis. Il faudra également pérenniser les projets de création de places dans des structures temporaires. Des investissements dans l’enseignement secondaire sont également à prévoir. »
Du côté des associations de parents, la satisfaction semble de mise avec une pointe de prudence toutefois. » Les efforts vont dans le bon sens, estime Véronique De Thier, coresponsable de la régionale bruxelloise de la Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (Fapeo). Mais le plan Nollet ne répond qu’à la moitié des besoins. Un second plan d’urgence sera nécessaire. Le gouvernement bruxellois a annoncé son intention de poursuivre l’effort. Une enveloppe de 36 millions serait prévue à partir de 2017. Bruxelles en a besoin. »
Et Etienne Michel, directeur du Segec, d’ajouter : » Il reste des inquiétudes. Comme le fait de savoir comment seront financés l’engagement des nouveaux enseignants et les différents équipements liés à cette hausse de la population scolaire. Rien n’est budgétisé sur ces points. Il faut sortir de la réflexion quantitative pour mette l’accent sur le qualitatif. » » Le financement est bouclé « , nous assure toutefois le cabinet de Joëlle Milquet (CDH), la ministre de l’Education.
Quid de l’avenir ? Selon les premières statistiques qui circulent sur le sujet, l’essor démographique devrait se stabiliser à partir de 2020. Pas de souci au niveau foncier : l’ADT a identifié une centaine de sites, ce qui devrait permettre d’encore pouvoir répondre aux besoins. Si les moyens suivent.
Par Xavier Attout