Au terme d’une année qui n’a pas spécialement brillé au firmament de la convivialité et de la félicité, on aurait souhaité mettre en exergue quelques événements réconfortants. En premier lieu, une prise de conscience, enfin irréversible, des dangers du réchauffement climatique et de la nécessité d’en réduire les effets. Puis, un accord international sur le contrôle de l’industrie nucléaire iranienne qui a évité, peut-être, une confrontation dévastatrice. L’élan de solidarité de nombre de citoyens à l’égard des migrants. La sobriété heureuse du pape François qui bouscule les prébendes et redore l’image de l’Eglise catholique…
Mais, outre que ces messages réclament des confirmations pour les consacrer définitivement, le destin d’un petit pays, proche et lointain, oblige à nouveau à envisager le pire en cette fin 2015. Les photos de cadavres, visage contre terre au bord des routes et des parcelles, que le Burundi nous renvoie depuis quelques semaines rappellent inévitablement le macabre enchaînement vers le génocide rwandais en 1994. Il n’y a pourtant pas de dimension ethnique aux sources du conflit qui ravage notre deuxième partenaire de développement en Afrique centrale. Le président Pierre Nkurunziza, au mépris des prescrits constitutionnels qu’il a interprétés à son bénéfice personnel, a été réélu en juillet et a ouvert la voie à un cycle de contestation-rébellion-répression. Des populations sont poussées à l’exode ; des opposants et des militants de la société civile sont soumis à l’arbitraire du pouvoir ; des forces obscures ajoutent du chaos au chaos et la communauté internationale reste impuissante ou indifférente quand elle ne donne pas des arguments aux despotes. La crise du Burundi est en effet un test crucial pour l’avenir de la région. D’ici à 2018, les présidents de la RDC, du Congo-Brazzaville, du Rwanda et du Cameroun seront tentés de briguer » le mandat de trop » en regard de la Constitution qu’ils ont souvent eux-mêmes édictée. Le » deux poids, deux mesures » (complaisance à l’égard d’une reconduction des mandats du Congolais Kabila ou du Rwandais Kagame, fermeté envers le Burundais Nkurunziza) ou le défaut de pédagogie (une éventuelle » exception » rwandaise en regard des séquelles du génocide) fragilisent la capacité d’action des puissances qui comptent. Car le diptyque » Moi ou le chaos « , qui nie la possibilité même d’alternative, caractérise la plupart de ces Etats que l’éducation à la démocratie n’a pas atteints. Et pour cause…
L’alternative politique, dont ces Africains sont privés, a été une grande quête des Européens en 2015. Beaucoup ne se satisfont plus de l’alternance entre la gauche et la droite parce que l’une et l’autre apparaissent avoir échoué à résoudre les problèmes du chômage, des inégalités, de l’intégration, de la sécurité… Ils lui préfèrent » l’alternative » (dans son acception tirée de l’anglais, » une solution unique de remplacement « ), présumée salvatrice, qui prend souvent la forme des extrêmes, Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, Front national en France, Ukip en Grande-Bretagne… Cette alternative-là enrichit le débat si elle ne porte pas en elle, une fois au pouvoir, les germes d’un recul démocratique. Face à l’électrochoc de la victoire du parti de Marine Le Pen au premier tour des élections régionales, les dirigeants des formations traditionnelles ont fait assaut de promesses de pratiques et de politiques nouvelles pour rétablir le lien avec le citoyen. Paroles, paroles. Pour réussir à l’heure du triomphe des jeunes patrons-mécènes à la Mark Zuckerberg, l’homme politique nouveau a une impérieuse obligation de réformes et de résultats. Sans esbroufe et sans esclandre, un homme réussit en Europe le pari de » l’alternative dans l’alternance « . Il annonce le grand retour de l’Italie. Il s’appelle Matteo Renzi.
de Gérald Papy
» Le « Moi ou le chaos » qui caractérise la plupart des dirigeants des pays d’Afrique centrale nie l’idée même d’alternative »