Docteur Johan, Mister Vermeersch

Dérapage  » raciste  » du président du FC Brussels. Le plus Bruxellois des Flandriens, self-made-man actif dans la construction, est un personnage haut en couleur. Avec lui, c’est noir ou c’est blanc.

C’est l’homme de tous les excès, de toutes les provocations. Un personnage fantasque qui vient de commettre le dérapage de trop. Furieux après les mauvais résultats de son club, il a insulté le footballeur congolais Zola Matumona :  » Tu ferais mieux de monter dans un arbre pour cueillir des bananes !  » L’affaire fait grand bruit, même si ces deux protagonistes se sont, depuis lors, rabibochés devant les caméras.

Après sa respectable carrière de footballeur (300 matchs en D1), Johan Vermeersch a pourtant réussi une jolie reconversion. Self-made-man, l’entrepreneur de Ternat a commencé en marcel, sur les chantiers. Il a progressivement égayé le Pajottenland (Brabant flamand) de centaines de fermettes, avant de s’attaquer à la construction d’appartements. A Molenbeek, il s’est offert des centaines d’hectares de terrains. Il a bâti et encore bâti.

Mais l’homme veut aussi investir dans le football. Dès 1994, il s’implique, donc, assez logiquement, dans son ancien club, le RWDM, comme actionnaire minoritaire. Un club alors déjà très mal en point. Le groupe qui le contrôle (la Compagnie immobilière de Belgique) a construit une tribune pharaonique que le club est incapable de rembourser. La CIB propose à Vermeersch un maroquin au sein du conseil d’administration et une parcelle d’autorité forcément trop étroite pour lui. En échange, il doit rembourser la tribune avant d’investir le moindre franc dans les activités sportives. La collaboration ne fera pas long feu.

Ejecté dès 1997, Johan Vermeersch abandonnera dans l’aventure 60 millions de francs. Quelques fermettes à vendre pour renflouer, d’accord, mais tout de même… L’homme, pressé, orgueilleux et fonceur, ne l’oubliera jamais. Et il fera tout pour revenir en seigneur à Molenbeek, une fois consommée la faillite du RWDM, en 2002.

Après cette éclipse forcée, il revient donc au bercail,  » chez moi, au Daring « . Il sauve, en 2003, le club de Strombeek, à la dérive lui aussi, et met alors en route le rouleau compresseur pour créer le FC Brussels Molenbeek Strombeek,  » le seul vrai club des Bruxellois « …

Il se fixe des objectifs clairs. Des transferts à l’achat des rouleaux de papier-toilette (sic), rien n’échappe au nouveau président. Toujours armé d’un Bic bleu et d’un Bic rouge, il sabre dans les fax. Oui, non : ses lieutenants sont priés d’exécuter. Au FC Brussels, on le surnomme Dieu. Et quand il va au stade, en chemise Burberry ou avec son sévère cuir noir (qu’en guise de protestation il remit un jour à un arbitre, en plein match !), c’est comme s’il se rendait au  » temple « , au stade Machtens, du nom de cet ancien bourgmestre aux pratiques douteuses…

Raciste, Vermeersch ? A l’entendre, bien sûr que non ! Au lieu de sermonner Zola Matumona, il aurait pu s’adresser au Wallon Christ Bruno, et lui conseiller de  » retourner pointer à Charleroi « , précise- t-il. Ce côté  » zwanzeur  » a certes fait beaucoup pour le respect dont il jouit dans la capitale. Il provoque. Il harangue. Mais il déroute aussi.

Comme feu Raymond Goethals, Vermeersch massacre savoureusement la langue pour faire passer son message. Ou, plutôt, l’imposer. L’homme est un dictateur au grand c£ur, qui dit  » tu  » aux plus grands et sort discrètement quelques billets à un balayeur bénévole.  » Je suis exigeant avec moi-même et avec ceux qui travaillent avec moi. Si l’on n’est pas content, on n’a qu’à prendre la porte. Aucun problème…  » Adieu, donc, les serviteurs occasionnels ou amis. Son club est devenu un moulin pour ses collaborateurs, commerciaux et joueurs qui s’interchangent au fil des saisons. Il exige de ses collaborateurs de  » sortir de leur culotte ! « . Gino Gylain, le directeur commercial, fidèle parmi les fidèles, répond au profil. Que n’a-t-il pas dû supporter comme brimades, crisettes et sarcasmes pour mériter la fidélité inconditionnelle de son  » frère  » de Courtrai…

Avec Vermeersch, c’est noir ou c’est blanc. A son actif : il a réussi à maintenir une activité de football d’élite dans une commune défavorisée, grâce, notamment, à des subsides accordés – il est vrai – par la Région bruxelloise. Aujourd’hui, le club est financièrement sain. A son passif : le FC Brussels est un club fragile, qui ne repose que sur les épaules de Vermeersch. Un groupe sportif moyen, dont l’avenir suscite quelques inquiétudes.

Mais Vermeersch croit en sa bonne étoile. Volontiers bluffeur, il aime jouer avec les médias. C’est bon pour son business. Tous les journalistes ont accès à son numéro de GSM personnel. Le week-end, sa compagne Inès confisque l’objet surchauffé. Ses petites phrases font le régal de la presse écrite. Parmi ses tirades célèbres contre les joueurs :  » Je vais jeter ces crevettes dans la mer du Nord « ,  » J’ai vu 11 vaches sur le terrain  » ou encore  » Marre de cette bande de professionnels de merde ! « . Savoureux, mais lassant et déstabilisant quand il s’agit de construire un projet collectif. Vermeersch assume et accepte de  » prendre des coups « . De là à changer ? Un notaire réputé lui a dit un jour :  » Le problème de votre club, président ? C’est vous ! « 

Et pourtant… Si, un jour, vous êtes invité dans sa petite frituur, ne déclinez pas l’invitation. A Ternat,  » ‘t Fornuis  » respi- re la Flandre qui gagne : briques et chaises solides avec cuisine et cave recommandables. N’essayez pas de régler l’addition ; ce sera pour le  » boss « . Il a les moyens. De payer. De vous écraser. De vous charmer aussi. Si profondément humain avec ses forces et ses faiblesses, le bouillant président est un être complexe, loin de la scène médiatique. Docteur Johan, Mister Vermeersch…

l Alexandre Charlier

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire