La star de la natation mondiale, Laure Manaudou, s’exile à Turin à quinze mois des Jeux de Pékin. En se séparant de son mentor, Philippe Lucas.
Elle en a eu assez, Laure Manaudou. Marre de ses 17 kilomètres d’entraînement quotidien, de son emploi du temps de poisson rouge dans un bocal. Plein le dos de l’omniprésence de Lucas, l’entraîneur, le deuxième père, aimé et détesté, qui la renvoyait encore et toujours à l’absence de Luca, l’amoureux italien qui embrase son c£ur depuis août 2006.
Alors la nageuse française, cette femme de 20 ans à la plastique de sirène et au tempérament de teigne, a pris une décision comme on n’en prend pas deux dans une carrière : seule contre tous, elle a choisi l’exil. En Italie, bien sûr, à Turin. Et là, c’est un peu comme si elle avait plongé dans un baquet d’eau glacée.
D’abord Luca Marin, l’Adonis des bassins, a fait la moue en apprenant sa venue, son désir d’une » vraie vie à deux « , et d’un bébé, » le plus tôt possible « . Après avoir envisagé de le rejoindre à Vérone, où il s’entraîne toute l’année, Laure a dû se replier sur la capitale du Piémont, à 300 kilomètres de là, où les dirigeants du club de natation de LaPresse, un puissant groupe de communication proche de Fiat, l’ont accueillie à bras ouverts.
Les parents de la championne se sont émus, eux aussi, de sa décision. Jean-Luc et Olga Manaudou lui ont expliqué que son installation dans un pays qu’elle ne connaît pas et dont elle ne parle pas la langue leur causait plus de souci que son départ, six ans plus tôt, du domicile familial. Pour toute réponse, Laure a plissé son front de gamine indocile. Cet air de fillette butée qu’elle oppose aux journalistes en quête d’explications : » Ce n’est pas un coup de tête. J’aurais voulu partir après Pékin, il se trouve que ça s’est passé maintenant. J’avais envie de modifier des choses dans mon entraînementà »
Résumons : Laure Manaudou s’en va vivre en Italie contre l’avis de ses parents et sans l’assentiment de son fiancé. Et l’argent n’a rien à y voir puisqu’elle restera licenciée au club de Canet-en-Roussillon, sans qu’aucune clause particulière vienne s’ajouter à ses contrats existants (environ 2 millions d’euros par an). Pourquoi part-elle, alors ? Parce que le magistère musclé de Philippe Lucas avait fini par lui donner de l’urticaire.
Aux yeux de ce dernier, l’affront est impardonnable. Laure, qu’il a hébergée chez lui, au début de sa carrière, n’est pas une nageuse comme les autres. Il en a fait la marraine de son fils. Elle lui a apporté un titre olympique, deux records du monde, des dizaines de breloques nationales et internationales, bref, une reconnaissance qui lui a permis de bâtir une structure professionnelle et d’engranger un joli pécule. Le problème, aujourd’hui, c’est qu’on ne sait plus si c’est Lucas qui a fait Manaudou ou l’inverse.
Il jure de la torpiller d’ici aux Jeux de Pékin
Ce que l’on sait, en revanche, dans ce divorce, c’est qu’il va falloir compter jusqu’aux cuillères à café. » Elle s’en va pour travailler moins, a grommelé le mentor trahi, en réponse aux ruades de son ancienne nageuse. Les ritals vont tout maîtriser. [à] J’étais tout seul, ils sont quatre pour l’entraîner, dont un médecin, roi de la fléchette [subtile allusion au dopage]à » Déjà, il jure de la torpiller en mettant à l’eau une rivale d’ici aux Jeux de Pékin. De son côté, Laure, qui a oublié de nager pendant un mois, se dit convaincue de rattraper le temps perdu avant l’été. Les dirigeants de la natation française, qui n’ont jamais eu leur place dans l’histoire de ce couple hors normes, assistent, impuissants, à cette bataille. Quant à la fédération italienne, elle préfère, a-t-elle fait savoir le 14 mai, que Manaudou n’aille pas s’entraîner en Italie… » Ça va faire des bulles « , a coutume de dire Lucas. On veut bien le croire.
Henri Haget