Cette image a été prise au zoo de Pyongyang. Extrêmement rigide, l'homme est l'archétype de la fierté nationale nord-coréenne. J'aime la façon dont son attitude renvoie aux pingouins de plâtre. "

Disneyland Pyongyang

Reporter réputé pour ses portraits révélateurs, Stéphan Gladieu publie un ouvrage remarquable sur la Corée du Nord, un pays dans lequel l’individu n’existe pas. Quand la contrainte fait merveille…

Il y a dix ans, Stéphan Gladieu (51 ans) se met en tête d’aller en Corée du Nord. Il est fasciné par ce  » pays sans ressources naturelles dont on ne sait rien « , à part les extravagances de ses dirigeants. Après de multiples tentatives, il parvient à ses fins. Entre 2016 et 2019, le photojournaliste y fait cinq voyages, soit une opportunité inouïe d’observer une société dont nous ne comprenons pas les codes. A chaque déplacement, le programme de son emploi du temps est fixé à la minute près,  » jusqu’à la pause pipi « . Aucune improvisation, pas de place pour la spontanéité. Impossible de travailler dans ces conditions ? Au contraire, cette contrainte, le photographe français a vite fait de la retourner comme un gant. Pour ce faire, il fixe son appareil, le fige en prédéterminant le cadre avant d’attirer les sujets sur cette  » scène « .

 » On pourrait croire que quelqu’un s’est amusé à ranger les bouteilles de cette façon pour la photo. Pas du tout, ce goût de la mise en scène est permanent. « 

Qu’il opère en lieu clos ou dans l’espace public, le processus est semblable, faisant en cela écho à l’imagerie consacrée de la propagande. Cette attitude met les Nord-Coréens en confiance, qui se plaisent à jouer devant son objectif la pièce de théâtre à laquelle ressemble de toute façon leur existence. La trame ne varie pas : un portrait de plain-pied, symétrique et aux proportions similaires, pris à une distance respectueuse. On pense à August Sander, le portraitiste maniaque de l’Allemagne de la République de Weimar, mais aussi au Britannique Martin Parr pour l’usage impeccable de la couleur. Le tout signe des images en miroir devant le magnétisme desquelles le lecteur est en droit de se demander : qui regarde qui ?

 » Une piscine sur le toit d’une usine d’alimentation modèle. Les ouvrières ont accès à des installations de détente. Le vert pâle, le bleu délavé et le rose sont, avec l’orange adouci, les couleurs que l’on retrouve partout dans le pays. « 
 » J’avais choisi deux hommes pour ce cliché pris dans un centre de tir, une activité aussi populaire en Corée du Nord qu’aux Etats-Unis. On m’a imposé ces hôtesses, qui ont pris la pose. J’ai évoqué les James Bond girls mais personne ne voyait de quoi je voulais parler. « 
 » Ces étudiants appartiennent à l’université Kim Il-sung, celle qui forme l’élite. La société nord-coréenne est extrêmement catégorisée et hiérarchisée. « 
 » Ce parc d’attractions que l’on dirait sorti des années 1950 est un cadeau de Kim Jong-un à son peuple. Après des années de sacrifices pour cause de course au nucléaire. « 
 » Cette vendeuse de sous-vêtements esquisse un sourire. C’est rare en Corée du Nord, où l’on préfère être photographiée dans une attitude fière et déterminée. « 
 » Il s’agit ici d’un cabinet médical installé dans une usine textile où travaillent des femmes célibataires. J’ai demandé aux intéressées de prendre la pose pendant une consultation ordinaire. « 
 » Photographiée dans le parc aquatique de Pyongyang, cette fresque est un hommage au programme spatial nord-coréen. « 
 » Ce portrait a été pris dans une ferme collective de la région de Sariwon. La récolte du riz est cruciale pour ce pays qui a connu plusieurs famines. « 
Corée du Nord, par Stéphan Gladieu,  éditions bilingue français-anglais, Actes Sud, 160 p. En librairie le 7 octobre.
Corée du Nord, par Stéphan Gladieu, éditions bilingue français-anglais, Actes Sud, 160 p. En librairie le 7 octobre.

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