Des noeuds plein la tête

Il n’ont pas, seulement, mal à la tête : ils sont migrai-neux. De 3 à 10 % des moins de 12 ans seraient concernés. Des traitements adaptés existent… pour autant que le diagnostic ait été bien posé

Les enfants migraineux sont comme les grands, mais cela ne les consolera sans doute pas : leurs neurones  » dysfonctionnent « . L’origine de leurs crises provient, en effet, d’une excitabilité neuronale anormale. Or ce phénomène électrique intracérébral entraîne des modifications vasculaires, avec des réactions qui, elles, provoquent leurs perturbants maux de tête.

Comme les adultes, donc, une petite minorité de jeunes souffre d’une forme de migraine hémiplégique familiale, transmise héréditairement, et dont les deux gènes responsables ont été bien identifiés. Mais, pour toutes les autres personnes concernées, les causes de cette maladie complexe sont encore largement méconnues et sans doute loin d’être uniques. On estime, en tout cas, qu’il faut un mélange de causes génétiques et de facteurs environnementaux pour déclencher les crises. Chez les enfants, le stress, la fatigue mais, aussi, l’effort physique participeraient à faire apparaître les épisodes douloureux.

Selon différentes études, ils seraient de 3 à 10 % à être concernés.  » Ce qui est certain, remarque le Pr Patrick Van Bogaert, chef de la clinique de neuropédiatrie à l’hôpital Erasme (Bruxelles), c’est que parmi les céphalées de l’enfant, c’est-à-dire ses plaintes de mal à la tête, la migraine figure parmi les causes majeures.  » Les moins de 6 ans ne savent pas toujours l’exprimer par des mots et ils présentent parfois, conjointement à leurs crises, des symptômes digestifs et/ou des vertiges. Les moins jeunes ne sont pas forcément indemnes de ces signes-là, mais ils sont, eux, généralement capables de décrire leurs douleurs à la tête.

Si les manifestations de la migraine pédiatrique ne sont pas exactement celles de l’adulte, elles partagent cependant avec elle des caractéristiques communes : il s’agit d’une crise aiguë (mais généralement moins longue que pour les  » grands « ), paroxystique… et sans aucun symptôme entre les épisodes douloureux. Dès lors, si l’enfant se plaint d’avoir mal au crâne tous les jours, il ne fait probablement pas partie de la tribu des migraineux.  » La tenue d’un agenda dans lequel le jeune (ou ses parents) note la survenue de toutes les crises et ses manifestations peut aider à faire la part des choses entre céphalées de tension et migraines « , remarque le neuropédiatre.

Un examen neurologique  » classique  » et un bon interrogatoire médical suffisent donc, a priori, pour poser le diagnostic… pour autant que le médecin y pense, ce qui n’est pas forcément le cas. En cas de doute, ou pour renforcer sa conviction, des examens complémentaires permettent d’exclure d’autres pathologies éventuelles : tumeur, épilepsie, hypertension, anémie, problèmes rénaux, ORL ou ophtalmologiques.

Une fois le problème identifié, reste à tenter de le résoudre.  » Nausées et vomissements doivent être immédiatement traités ou prévenus, souligne le Pr Van Bogaert. Parallèlement, des antalgiques (antidouleur) classiques, comme le paracétamol ou l’ibuprofen (avec souvent une légère préférence pour ce dernier) donnent, en général, de bons résultats. Mais, chez l’enfant, ce qui est fondamental lors d’une crise, c’est le repos.  »

Lorsque ce traitement d’attaque ne suffit pas, des médicaments d’une autre gamme d’action (les triptans), initialement réservés aux adultes, peuvent être prescrits : une molécule, commercialisée sous forme de spray nasal, est reconnue pour les plus de 12 ans. Non remboursée, elle est assez onéreuse. Comme si la migraine de l’enfant n’était pas une  » vraie  » maladie aux yeux de l’Inami ?

Au cas où ces différentes thérapies conjuguées ne donneraient pas de résultats satisfaisants, il arrive que l’on opte pour un traitement préventif quotidien, également usité chez les adultes : des médicaments antiépileptiques (l’épilepsie a des causes neurologiques assez proches de celles de la migraine).

Enfin, il se peut également (tout comme pour les céphalées chroniques, en particulier celles dites de tension), que les crises de migraine soient liées à des causes psychologiques, s’ajoutant alors aux raisons organiques.  » Pour l’enfant, la céphalée est alors un moyen d’exprimer une sensation de malaise ou l’existence d’un problème. L’intervention d’un psychologue ou d’un pédopsychiatre est généralement efficace. Elle aide à réduire ou à supprimer l’apparition des crises « , souligne le Pr Van Bogaert.

Nul enfant n’est à l’abri des attaques de migraine, filles et garçons à égalité, ce qui n’est plus le cas à l’âge adulte (on compte alors de 2 à 3 fois plus de femmes concernées), remarque enfin le neuropédiatre. Mais tous les jeunes migraineux ne le restent pas forcément : un jour, pour les plus chanceux, ces n£uds dans la tête ne seront plus qu’un souvenir de jeunesse. Dont ils se seraient sans doute bien passés.

Pascale Gruber

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