Des lieux pour renaître

Plus de la moitié de la population mondiale pratique l’une des trois religions du Livre. Deux expositions, l’une sur les lieux sacrés, l’autre sur les Livres, éclairent d’un jour neuf les similitudes et différences entre le christianisme, le judaïsme et l’islam.

Ils sont chrétiens, juifs et musulmans, ont la foi en un Dieu unique et, par-delà les prières et les rituels séculaires, suivent les préceptes moraux transmis dans la Bible, le Tanakh et le Coran. Et si, pour chacune de ces trois religions, Adam fut le premier homme, et Noé, le sauveteur de l’humanité, c’est bien le prophète Abraham qui, renonçant au polythéisme et au culte des idoles, est l’initiateur de leur croyance et de leur soumission aveugle à une seule entité. Pourtant, ils s’évitent, s’ignorent ou se combattent. D’où l’importance de cette initiative anversoise organisée conjointement par le Mas et la bibliothèque patrimoniale Henri Conscience. On y découvre, outre des pièces rarissimes (manuscrits, peintures, sculptures, objets de culte), des maquettes et des documents anciens qui permettent de mieux appréhender la question. En fin de parcours, photos et souvenirs illustrent l’actualité de ces pratiques.

Au Mas, les lieux sacrés

Au troisième étage de ce colossal musée, les visiteurs sont accueillis par une grande maquette de Jérusalem qui est tout à la fois la ville de la crucifixion et de la résurrection du Christ, du premier temple de Salomon (dont il ne subsiste que le mur des Lamentations) et enfin, de la montée de Mahomet au ciel.

Tout autour, une scénographie soignée ménage surprises et rapprochements. L’idée ? Suivre à travers les divers enjeux et rituels de ces trois pratiques religieuses un seul thème : le pèlerinage. Au fil de la visite, on suit ainsi l’expérience singulière de ces hommes et de ces femmes partis, seuls ou en groupe, à un moment précis de l’année ou non, vers ces lieux sacrés du christianisme, du judaïsme et de l’islam dont ils reviendront  » purifiés « . Dans une première partie, il est question des préparatifs. Le chemin sera long, parfois éprouvant, dangereux aussi. Très vite, apparaissent cartes et guides vendus par des professionnels. Les Anciens qui ont vécu l’expérience expliquent, conseillent, suggèrent. Vient ensuite le jour du départ, les adieux puis la route et enfin, l’arrivée, l’extase et aussitôt, les rituels.

A Rome, on baisera le pied droit d’une statue de saint Pierre conservée dans la Basilique. A La Mecque, on boira l’eau de la source Zamzam et c’est sur la tombe d’un rabbin que le Juif déposera un message. D’autres lieux sont aussi cités : Kerbala (Irak), Konya (Turquie) ou Toula (Sénégal) pour les musulmans ; les tombes des héros bibliques ou des rabbins célèbres pour les Juifs ; Saint-Jacques de Compostelle ou divers lieux de miracles (Lourdes, Lorette..) pour les chrétiens. Dans leur sac, au retour, ils auront soigneusement protégé le certificat qui atteste de leur pèlerinage ainsi que divers souvenirs. Beaucoup ramèneront à leurs proches un peu d’eau sacrée et de beaux projets. A chaque étape du parcours dont le fondement relève d’abord de l’anthropologie, l’une ou l’autre pièce d’art attire davantage l’attention. De Rome, Anvers a reçu un tableau du Caravage (lire l’encadré). Du musée juif d’Amsterdam, un rideau dont les motifs évoquent le tabernacle considéré comme le temple mobile utilisé pendant l’exode hors d’Egypte, alors que la famille de Marc Chagall a prêté un tableau du peintre russe réalisé après son voyage en Palestine, en 1931. Enfin, le musée de Topkapi à Istanbul dépose au Mas une des clés en or de la Kaaba.

Dans la bibliothèque patrimoniale Henri Conscience, les textes sacrés

On ne pouvait rêver meilleur lieu que la salle de lecture, sa lumière tamisée par les boiseries anciennes et ses rangées d’ouvrages anciens, pour exposer les feuilles et manuscrits sacrés. Ils ont été créés, dessinés parfois aux confins des déserts ou de l’Europe pour des princes ou des sultans. Lus et relus, étudiés et commentés, ils expliquent l’origine et l’histoire du monde, soulignent la puissance du dieu et dictent la morale. L’exposition est subdivisée en quatre sections évoquant les contenus, la présentation et le soin apporté à l’objet-livre, la façon dont il intervient dans les rituels et enfin, le sens qu’il peut aujourd’hui revendiquer face aux pensées philosophiques et aux découvertes scientifiques. Certaines pièces sont d’une grande beauté. Et de citer, écrit sur parchemin, la Bible d’Anjou (338 folios) datée du XIVe siècle, ou encore celle dite de Gutenberg imprimée à Mayence en 1454, une première mondiale. Quelle beauté encore que ces pages d’une bible réalisée à partir de 1493 par un Juif d’Espagne réfugié au Portugal dès l’année suivante. D’autres pièces ont le parfum de l’émotion comme ce fragment dit du  » Manuscrit des psaumes  » daté du Ier siècle et découvert avec d’autres écrits en hébreu, en grec et en araméen, dans des jarres enfouies dans une grotte au bord de la mer Morte. Ou encore ce fragment du Coran calligraphié au XIe siècle dans le nord de l’Afrique.

Lieux sacrés. Museum aan de stroom (MAS). Hanzestedenplaats 1. Jusqu’au 18 janvier 2015. www.mas.be

Livres sacrés. Bibliothèque patrimoniale Henri Conscience. Korte Nieuwstraat. Jusqu’au 21 décembre. www.consciencebibliotheek.be

Par Guy Gilsoul

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