Ah, les caprices du calendrier ! Cet après-midi du 7 octobre, à Bruxelles, les concepteurs du gouvernement fédéral de centre-droit s’échinaient toujours à finaliser leur alliance. A huis-clos et dans un climat tendu, comme toujours dans les dernières heures avant la délivrance, au moment où les positions se durcissent. Pendant ce temps, à 70 kilomètres de là, les dirigeants wallons et francophones de centre-gauche dévoilaient ce que Mons offrira l’an prochain, forte de son statut de capitale européenne de la Culture 2015. Devant les médias belges et internationaux, en meute, avec 3 000 personnes triées sur le volet et promettant les beaux jours pour toute la Région.
D’un côté donc, des stores baissés. Derrière, Charles Michel, Kris Peeters et Bart De Wever, notamment, entre guerre des nerfs et partie d’échecs. En tendant l’oreille, ils auront entendu des roulements de tambours, dehors : les invectives des uns et des autres pour cause de relèvement de l’âge de la pension inscrit dans la future déclaration de politique générale.
De l’autre côté, une nuée de projecteurs. Sur Elio Di Rupo, Paul Magnette et Joëlle Milquet, entre autres, la mine réjouie. En haussant le son du show, ils auront couvert les voix de ceux qui émettent des réserves, depuis un bon moment, sur le coût réel de Mons 2015, son utilité et ses véritables retombées économiques et financières.
Deux épisodes concomitants, qui résument plutôt bien la réalité belge d’aujourd’hui : le difficile accouchement d’un gouvernement fédéral, la création d’une coalition inédite avec le plus jeune Premier ministre de notre histoire et la présence d’un parti nationaliste, l’indignation collective face à une mesure qui était inscrite dans les astres et la capacité extraordinaire des Wallons à présenter sous le meilleur jour la moindre de leurs initiatives, en dépit d’une situation générale tout de même loin d’être euphorisante.
Deux scénarios qui illustrent les clivages, voire les fractures, du pays aussi : Flamands-francophones, gauche-droite, fédéral-entités fédérées. Assez pour empoisonner tout débat d’idées, même les plus indispensables, et tuer dans l’oeuf toute tentative de réformes, même les plus évidentes. Assez aussi, pour faire perdre leurs nerfs à certains, qui, au moindre tabou effleuré, considèrent comme mensonge, trahison ou contradiction inacceptable un changement d’opinion ou une concession accordée au partenaire. Comme si, décidément, un dirigeant politique devait pour toujours ne faire qu’un et un seul avec des propos tenus précédemment. Comme si rien n’évoluait. Comme si nécessité ne faisait jamais loi. Comme si ce qui était impensable hier ne pouvait jamais apparaître aujourd’hui comme inexorable.
Dans ce contexte-là, multiplier les discours, d’opposition ou d’autocélébration, reste beaucoup plus confortable qu’agir réellement pour tenter de trouver des parades aux crises. Mieux : pour les anticiper.
de Thierry Fiorilli
» Multiplier les discours, d’opposition ou d’autocélébration, reste plus confortable qu’agir pour anticiper les crises »