De l’or, de l’or, de l’or…

Guy Gilsoul Journaliste

Dès leur arrivée au Brésil, les esclaves africaines ont porté des parures dignes des princesses de conte de fées. Mais quel en était le sens ? Qu’en est-il aujourd’hui ?

Une des boissons préférées et peut-être même la plus populaire des Brésiliens est la Caipirinha. On la prépare avec de la Cahaça (ou du rhum blanc), du sucre et du citron vert. Mais qui connaît encore son origine africaine liée aux offrandes réclamées par un Orixa (un esprit), irascible mais protecteur des carrefours et des passages ? C’est aux mêmes sources du continent noir que l’on attribue aujourd’hui l’habitude de pendre des colliers de perles colorées aux rétroviseurs des voitures ? A lui aussi que l’on doit, aux coins des rues, la présence des  » Bahianaises « , des marchandes des rues qui, de cette façon, rendent hommage à leurs dieux ancestraux ? Oui, l’Afrique du Brésil est aujourd’hui omniprésente dans la vie populaire et jusque dans les écoles de samba, donc au c£ur même du carnaval ou encore chez les chanteuses actuelles qui ont gardé, des rituels chantés et dansés des confréries africaines, le sens de l’exubérance des costumes et des bijoux.

L’exposition du Grand Hornu évoque pourtant peu cette approche anthropologique mais propose, en musique, un de ses aspects : les bijoux. Dans les vitrines, tout est d’or ciselé ou filigrané et de coraux incrustés. Mais aussi d’argent, de cuivre, de bois et aussi de perles de verre à leur tour associées à l’un ou l’autre élément naturel. Parmi les bagues, les bracelets et les longs colliers (dont un ensemble est l’£uvre d’artistes actuels), le regard se penche davantage vers les  » breloques « . Ce sont des pectoraux très lourds en deux parties. La première évoque le contour d’un navire ancien aux extrémités duquel, souvent, se sont posés des oiseaux. Dessous, accrochés à cette structure (fermée par une petite serrure), pendent, en or le plus souvent, des fruits, des animaux, des figures humaines, des mains, des pieds, des dents. On songe tout à la fois à nos ex-voto et aux cultes animistes. On ne se trompe pas. Dans ces bijoux se révèle en effet l’histoire d’une rencontre entre deux pensées qui partagent une identique croyance en un seul Dieu tout-puissant. D’un côté, l’Afrique des esprits venu en droite ligne au XVIe siècle des régions Yoruba du Nigeria actuel. De l’autre, l’univers catholique des colonisateurs portugais (et son cortège de saints protecteurs) qui vont tout faire pour imposer leurs valeurs chrétiennes. Comme au Mexique voisin, on assiste alors à un mixage audacieux entre les deux mondes. Ainsi, Jésus-Christ devient Oxala, dieu de la créativité. Le rôle de saint Lazare est tenu par Olorum, un esprit qui lutte contre les maladies. Ogum, l’esprit de la guerre, est associé à saint Antoine et Notre-Dame-du-Rosaire devient Iemanga, la déesse des eaux de mer. En réalité, une douzaine de sous-divinités africaines (les Orixa) sont ainsi vénérées lors de cérémonies, le plus souvent dirigées par une femme (une  » sainte « ) parvenue à la connaissance au fil de sept échelons initiatiques. Elle et son groupe de danseuses, somptueusement vêtues mais aussi lourdement parées de bijoux, rendent ainsi un culte singulier (qui ne peut être confondu avec le vaudou, même si la transe est au programme) appelé le cardomblé. Avant d’être reconnu, en 1984, celui-ci fut combattu tour à tour par le pouvoir catholique et par celui des divers dirigeants du pays. Aujourd’hui, on compte 3 millions de participants à ces rituels et 10 000 lieux de culte répartis dans tout le pays. Désormais, l’Afrique est aussi brésilienne.

Perles de liberté, Grand Hornu Images, 82, rue Sainte-Louise, à Hornu. Jusqu’au 26 février 2012, du mardi au dimanche, de 10 à 18 heures. www.grand-hornu-images.be

GUY GILSOUL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire