Collectionner, l’attitude belge

Guy Gilsoul Journaliste

Dix-huit collectionneurs belges d’art contemporain révèlent une part de leur patrimoine au Tripostal, à Lille. Impressionnant.

Ils habitent dans la région de Courtrai, à Waregem, Meulebeke, Pittem ou encore, Roulers, Tiegem ou Ingelmunster et ne cachent pas leur passion pour l’art contemporain. Les galeries internationales les courtisent et eux courent les foires et les salons, les galeries et les musées en quête de ce qui les étonnera, ravira ou subjuguera. Ils parlent peu mais connaissent tout. Les oeuvres qu’ils achèteront à l’intuition témoigneront de leur envie de vivre leur époque dans ce qu’elle a de plus pointu. Leur qualité : ne pas hésiter. Les exégèses et les arguments d’autorité (le C.-V. élogieux, par exemple) pèsent moins sur eux que l’acuité d’un regard et pour tout dire, d’une culture de l’art qui se transmet ici de génération en génération.

Aujourd’hui, le Tripostal, après avoir invité la collection Pinault, la Saatchi Gallery ou encore le marchand d’art parisien Emmanuel Perrotin, leur rend hommage en révélant quelque 140 oeuvres acquises auprès de 80 artistes du monde entier. Le choix fut difficile. En effet, ce ne sont pas moins de 4 000 pièces que la commissaire, Caroline David, découvrit en se rendant chez ces collectionneurs. Sa sélection, très personnelle, dégagea peu à peu des constantes et des thématiques privilégiées. La première s’aventure dans l’univers féminin fantasmé, rebelle, souffrant ou souriant, formaté ou en marge. Autour d’une immense araignée de Louise Bourgeois, on passe des silences de soie de Lili Dujourie aux murmures identitaires de Francesca Woodman, des parts d’ombres et de violences d’Annette Messager aux dérisions critiques de Sylvie Fleury ou à l’expressionnisme empathique de Berlinde de Bruyckere. Une féminité à double visage aussi puisqu’elle est questionnée par des hommes comme Sergey Bratkov, Mimmo Rotella ou encore Andres Serrano.

Le deuxième thème renvoie à l’usage assez fréquent du miroir dans les arts depuis les années 1970. De Dan Graham à Olafur Eliasson et de Pistoletto à Ann Veronica Janssens. La troisième section pointe l’Amérique comme première puissance mondiale et, dès lors, gendarme contesté de l’ordre planétaire. On y retrouve des pièces très vite datées et d’autres dont la violence n’a d’égal que le rire ravageur. On pense par exemple aux pièces de Paul McCarthy. Enfin, un espace a été réservé aux seuls artistes belges. La singularité de leur univers rappelle alors que si notre pays est une terre de collectionneurs, elle est aussi un territoire de créateurs aussi indépendants que le furent Jérôme Bosch ou Ensor en leur temps. Ainsi les peintres Thierry De Cordier, Michael Borremans ou encore Luc Tuymans. Ainsi les rêves de Panamarenko, le théâtre de Jan Fabre ou encore la photographie de Dirk Braeckman.

Passions secrètes, au Tripostal, à Lille. Jusqu’au 4 janvier 2015. www.lille3000.com

Guy Gilsoul

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