Cinq pistes pour transmettre vos biens immobiliers

1. Donation avec réserve d’usufruit

Comme le souligne le notaire Neyrinck, l’un des freins à la donation immobilière entre vifs réside dans le fait que le propriétaire a encore l’usage du bien et ne veut pas – ou ne peut pas – s’en séparer. Soit qu’il l’habite, soit qu’il en tire un revenu locatif dont il estime avoir besoin, par exemple.  » Si le propriétaire souhaite malgré tout laisser son ou ses immeubles entre les mains de ses héritiers plutôt que de voir son patrimoine dispersé après sa mort, je lui suggère d’effectuer une donation avec réserve d’usufruit « , recommande Olivier Neyrinck.

Seule la nue-propriété est alors cédée au(x) donataire(s). Le donateur devient usufruitier et peut continuer à habiter l’immeuble ou le louer à son profit jusqu’à son décès. A ce moment, l’usufruit s’éteint automatiquement et les héritiers acquièrent la pleine propriété des biens reçus en donation, sans frais supplémentaires : ceux-ci ne font en effet plus partie de la succession. C’est un excellent moyen de transmettre à ses enfants ou ses petits-enfants la maison familiale en réduisant la facture fiscale.

Certes, à Bruxelles et en Wallonie, les droits de donation sont encore sensiblement équivalents aux droits de succession (voir tableau 4). Mais, on l’a vu, ce n’est plus le cas en Flandre et ce ne le sera bientôt plus à Bruxelles. Si votre domicile est une villa valant 600 000 euros, située en périphérie bruxelloise flamande, disons à Rhode-Saint-Genèse, et que vous en cédez la nue-propriété à vos deux enfants, ils devront acquitter chacun 27 000 euros de droits de donation contre 33 000 euros de droits de succession s’ils en héritent après votre décès. Soit une différence totale de 12 000 euros.

Si votre maison ou votre patrimoine immobilier vaut 1 million, la différence totale grimpera à 48 000 euros. Et si les bénéficiaires sont des parents plus éloignés, elle peut aller dans notre exemple jusqu’à 380 000 euros. Rien n’empêche par ailleurs le donateur de payer lui-même les droits de donation pour en soulager ses héritiers (sans oublier les frais liés à l’acte). Après son décès, il sera trop tard : ses liquidités feront partie de la succession et seront taxées à ce titre.

Alternative à l’usufruit suggérée par le notaire : la donation  » avec charges « . L’acte peut en effet prévoir que le bénéficiaire verse une rente au donateur pour compenser la perte du loyer ou lui permettre de se reloger.

2. Donation par tranches

La donation entre vifs offre un autre avantage financier important, que l’on oublie souvent. Même si ses taux de croissance se sont calmés ces dernières années, l’immobilier en Belgique a tendance à s’apprécier fortement au fil du temps. Les droits de succession étant calculés sur la valeur du bien au moment du décès, plus on anticipe la transmission, moins cette valeur sera élevée. Si votre maison vaut aujourd’hui 300 000 euros, elle en vaudra peut-être le double le jour de votre mort. Mieux vaut donc vous y prendre le plus tôt possible si vous êtes décidé à laisser vos biens à vos héritiers. A fortiori si vous voulez choisir ce que vous souhaitez donner à qui.

Du coup, si vous êtes encore en bonne santé, vous pourriez en profiter pour effectuer la donation en plusieurs tranches. Les droits d’enregistrement étant en effet progressifs, les tranches successives pourront ainsi n’être taxées qu’aux taux les plus faibles.

Prenons l’exemple d’un couple de Bruxellois partageant entre leurs deux enfants un immeuble d’une valeur de 1 million d’euros en se réservant l’usufruit. Selon les calculs du notaire Neyrinck, si la donation s’effectue en une fois, les donataires devront payer 103 000 euros de droits auxquels il faut ajouter 2 700 euros de frais liés à l’acte (voir tableau 3). Si la donation a lieu en deux tranches de 500 000 euros chacune, les droits n’atteindront plus que 62 000 euros et les frais totaux pour les deux actes 4 870 euros. L’économie totale atteindra donc plus de 38 840 euros.

Et si le patrimoine immobilier est important, rien n’empêche d’en saucissonner la donation en plus de deux fois, pour réduire encore plus la facture fiscale. Seule condition : il doit s’écouler au moins trois ans entre chaque acte, sous peine de voir le fisc additionner les montants pour calculer les droits. C’est ce qu’il appelle la  » réserve de progressivité « . Encore une fois, l’économie réalisée sera d’autant plus importante que le lien de parenté est éloigné entre donateur et donataire(s).

3. Donation avec clause de retour

C’est une technique plus fastidieuse mais qui a fait ses preuves, même si les notaires la manient avec prudence pour éviter de provoquer le fisc. Le principe est simple. Au lieu de donner à votre enfant un immeuble, vous lui donnez de l’argent. Puisqu’il s’agit d’un bien meuble, les droits de donation sont nettement plus faibles (voir tableau 1). Avec ces espèces, le bénéficiaire vous achète votre maison (avec ou sans réserve d’usufruit). Malgré la nécessité de passer deux fois chez le notaire et les frais occasionnés, l’économie peut-être d’autant plus substantielle que les droits d’enregistrement liés à l’achat immobilier sont réduits entre parents dans certains cas de figure (voir point n°5).

L’opération peut s’arrêter là, mais si le patrimoine immobilier à transmettre est important, rien ne vous empêche, quelques mois plus tard, de lui refaire à nouveau don de l’argent qui lui permettra de vous acheter un second bien. Et ainsi de suite, autant de fois que nécessaire. Il importe cependant de veiller à tout faire dans les règles et de passer réellement les actes pour ne pas être soupçonné de dissimulation. Faites-vous conseiller par un professionnel : notaire, avocat, fiscaliste… ou les trois à la fois.

Tant qu’à donner de l’argent, vous pourriez aussi choisir de vendre votre maison pour en octroyer le fruit à vos enfants. Mais dans ce cas, elle quittera le giron familial.

4. Création d’une société patrimoniale

Vu leur progressivité, plus votre patrimoine immobilier est important, plus la note sera lourde pour vos héritiers lorsqu’ils devront acquitter les droits de succession. Et si vous ne vous y êtes pas pris assez jeune pour vous lancer dans une opération par tranches ou si votre santé décline, une donation pure et simple coûtera cher aux bénéficiaires. La solution réside peut-être dans la création d’une société de patrimoine dans laquelle sont logés les biens immobiliers. Les actions de cette société seront considérées comme des biens mobiliers et leur donation pourra dès lors être taxée aux taux les plus bas.

Me Neyrinck recommande cependant la prudence. Si cette formule peut sembler avantageuse à première vue, elle risque d’entraîner à terme différents types de complications fiscales. Les loyers engendrés par les immeubles seront par exemple taxés en tant que revenus de la société. Si ses dirigeants habitent l’un des immeubles, ils seront considérés par le fisc comme bénéficiaires d’un avantage de toute nature. Et si la société revend ultérieure un bien, elle devra payer des impôts sur la plus-value réalisée.

 » Cette solution peut cependant s’avérer intéressante lorsqu’il s’agit d’immeubles commerciaux  » dont les loyers doivent de toute façon être déclarés au fisc, précise le notaire. A manier avec prudence, donc.

5. Achat en indivision

Une dernière piste consiste à envisager la succession dès l’achat d’un bien immobilier comme une seconde résidence ou une maison de rapport, en laissant vos enfants acheter une part à vos côtés – par exemple, 1 %. Ils en deviennent ainsi copropriétaires et, au titre de ce que l’on appelle la  » cession de droits indivis « , ils pourront ultérieurement racheter votre part en s’acquittant d’un droit de partage de 1 % au lieu du droit d’enregistrement de 10 % en Flandre et 12,5 % à Bruxelles et en Wallonie. Rien ne vous empêche de leur donner l’argent nécessaire pour conclure l’opération, en vous acquittant des droits de donation déjà évoqués. Au total, tout le monde y gagne.

En revanche, ne songez pas à appliquer cette formule à un bien immobilier déjà en votre possession. Vous pourriez en effet être tenté de vendre à votre héritier 1 % de votre maison de vacances en Ardennes, pour qu’il puisse vous racheter le reste après donation bancaire en bénéficiant de la différence entre droit de partage et d’enregistrement. Le fisc ne l’entendra pas de cette oreille : pour que cela fonctionne, il faut être devenu propriétaire indivis au moment de l’acquisition et non à la suite d’une vente, d’une donation ou d’un apport en société.

Vous pourriez également, dès l’acquisition, faire don à vos enfants de la nue-propriété de l’immeuble et en conserver l’usufruit. Attention, cependant : le fisc se montre moins coulant en la matière ces dernières années. Si vous avez financé toute l’opération, il pourrait considérer après votre décès qu’elle visait à éluder les droits de succession et les réclamer.  » Il importe donc que chacun paie sa quote-part dès le début « , recommande le notaire. Quitte à ce que celle des enfants soit financée, une fois encore, par une donation en espèces dûment enregistrée.

Ph. B.

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