Cinéma Piaf ou la ferveur
« C’est dans les rôles où l’on est physiquement transformé qu’on montre le plus de soi ! » Marion Cotillard n’est pas venue par hasard au métier d’actrice. Fille de comédiens, elle a pris très vite, depuis les coulisses des théâtres où ceux-ci jouaient, le goût d’entrer elle-même dans la lumière et de vivre » toutes ces vies en accéléré » que propose la fiction théâtrale ou cinématographique.
César du second rôle 2004 pour son interprétation de la vengeresse Tina Lombardi dans Un long dimanche de fiançailles, le film de Jean-Pierre Jeunet, elle s’est inscrite en tête de ces quelques jeunes comédiennes capables de se réinventer dans chaque personnage ou presque. Seule Ludivine Sagnier présente aujourd’hui d’aussi grandes aptitudes pour la composition, un art qu’ignorent trop d’interprètes promenant de film en film une version d’elles-mêmes qui leur tient lieu d’unique image de marque, certes confortable mais en même temps tristement limitée.
Avec le rôle d’Edith Piaf, Marion Cotillard a relevé le plus grand défi lancé ces dernières années à une actrice française. Car c’est une icône culturelle et populaire que le film d’Olivier Dahan entreprend d’évoquer, dans un portrait en mouvement qui ne pouvait tenir que par la grâce d’une incarnation de tout premier plan. Pour le réalisateur, choisir Marion était » une évidence « . Pour la principale intéressée, une fois la surprise initiale passée, il y eut le plaisir de » se plonger dans l’envie qu’avait Olivier de brosser le portrait d’une femme extrême, jusqu’au-boutiste, dans son art comme dans sa vie « .
Identification d’une femme
Olivier Dahan a écrit d’une traite fiévreuse le scénario, et a cherché à l’intuition la justesse et une certaine vérité, » loin de toute idéalisation « . Le jeune cinéaste exalté ne fait pas mystère de l’identification qu’il a ressentie vis-à-vis d’Edith Piaf, et des échos » quasi autobiographiques » renvoyés par le film. Le réalisateur des peu marquants Petit Poucet et Rivières pourpres 2 alterne l’incandescent et le laborieux dans sa mise en scène, mais son film littéralement habité ne manquera pas de toucher. Grâce, surtout, à l’extraordinaire interprétation de Marion Cotillard.
» Ce qui m’apparaissait le plus complexe, au départ, commente cette dernière, c’était de devoir interpréter cette femme jusque dans sa quarantaine – moi qui n’ai que 30 ans – et son déclin physique qui lui faisait paraître 70 ans alors qu’elle n’en avait que 45, mais, au bout du compte, le plus difficile fut de maîtriser les play-back. » Ayant pris ses marques, » et surtout du plaisir « , à l’intérieur des contraintes imposées par l’âge, Marion Cotillard eut fort à faire pour restituer non seulement la gestuelle scénique de Piaf, mais aussi et surtout l’expressivité particulière que possédait la chanteuse en récital. » Un play-back raté fait sortir les spectateurs du film, et tout est perdu ! » s’exclame celle dont le travail harassant de répétitions aura porté ses fruits, offrant aux séquences chantées une force, une crédibilité des plus impressionnantes.
» Avoir joué Piaf m’a aidé à mieux accepter la personne que je suis moi-même, conclut la comédienne, à mieux comprendre cet amour qui monte en moi, de plus en plus fort. Cela m’énerve d’ailleurs d’encore parler parfois avec la voix de Piaf, d’avoir sa gestuelle, par habitude de quatre mois de mimétisme intense. Ce n’est pas le genre de rôle dont on sort facilement. Mais cela passera, et je ne veux en aucun cas vivre une vie comme la sienne. Mais il me restera quelque chose d’important, et une passion renforcée pour la voie que j’ai choisie, et qui m’offre ce bonheur palpable, immense, qui me prend sur le plateau, devant les caméras… »
Louis Danvers
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