CHRISTIAN SIBILDE, ARCHITECTE ASSOCIÉ CHEZ DDS & PARTNERS :  » ON ASSISTE À UN RETOUR AUX VILLES « 

Ces dernières années, les grands projets d’aménagement urbain se multiplient dans les principales villes wallonnes. Pourquoi ?

L’urbanisme sauvage a longtemps dicté le développement des villes en Belgique. La population a progressivement déserté les centres urbains au profit des périphéries. Un jour, quelqu’un m’a dit :  » Bruxelles est la seule grande ville d’Europe dont les faubourgs sont au centre.  » On peut dire la même chose pour la plupart des villes wallonnes. Elles ont réagi en adoptant une logique monumentaliste. C’est l’exemple de la nouvelle gare, symbole du renouveau d’un quartier. Il est vrai que cela étonne, car on n’a plus l’habitude des grands travaux. Leur soi-disant démesure peut choquer l’opinion publique. Mais quand on construisait le palais de justice de Bruxelles, les mots étaient nettement moins fleuris que par rapport à la gare de Mons ou de Liège.

La ruée vers les fonds européens Feder a accéléré la course aux grands projets. Leur émergence conjointe est-elle cohérente à l’échelle régionale ?

Je constate une addition d’attitudes qui vont en effet de l’intérêt local à, tout de même, des volontés régionales visant à essayer de donner une cohérence. Je dis bien  » essaient « . Les fonds Feder ont directement été perçus comme une manne céleste. Les autorités locales s’y sont engouffrées, à bon escient. Mais tout cela s’est fait sans coordination. Chaque ville, quelle que soit sa taille, a présenté des dossiers en rêvant de renouveau. Au final, la cohérence s’est donc faite par défaut, en fonction des projets retenus.

Mais sans résoudre le problème pour autant.

Non, parce qu’il y en a un autre : celui de la cohérence de l’urbanisme. Certains plans à partir desquels nous travaillons datent des années 1960 ou 1970. Même les plus récents ne répondent pas aux impératifs actuels. En conséquence, l’instrument qui devrait donner la garantie de la cohérence, on ne l’a pas. Quant aux grandes orientations chargées de définir le cadre, elles sont avant tout politiques et changent d’un gouvernement à l’autre.

Cela ne va pas mieux aujourd’hui ?

Si, parce que malgré tout, quelque chose nous pousse à la cohérence, du moins sur le plan du logement. Il y a d’abord des faits inéluctables. Ce sont les problèmes de mobilité, d’énergie, de réchauffement climatique. Mais on constate un autre phénomène, dicté par le marché : c’est le retour aux villes, qui n’existait pas il y a quatre ans. Il est inutile, aujourd’hui, de rêver encore à l’émergence de grands projets immobiliers extra-muros.

Entretien : Ch. L.

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