Chatter à l’abri de sa carte d’identité
Encore en panne d’application, la carte d’identité électronique se propose de protéger les enfants lors de leurs bavardages en ligne. Si l’intention est louable, la sécurité n’est pas totale
Informations : les enfants qui ont eu 12 ans en 2005 et qui ont déjà reçu une carte d’identité électronique peuvent commander un lecteur de cartes gratuit via ce site http://readers. eid. belgium. be
Sur 10 parents d’enfants âgés de 6 à 15 ans, 7 ne laissent pas leur progéniture surfer librement sur le Net. Ils estiment que la navigation peut être dangereuse. Même si ce constat est celui d’une étude réalisée en France, il doit probablement refléter l’état d’esprit des parents en Belgique. L’inquiétude semble d’ailleurs répandue, puisque le Parlement européen a récemment demandé à l’Union européenne de prendre des mesures pour protéger les enfants des dangers de l’Internet, en prônant, par exemple, la création d’un domaine sécurisé contrôlé par une autorité indépendante.
En la matière, la Belgique a pris une longueur d’avance. Depuis la mi-septembre, les 12 – 15 ans peuvent chatter sur certains sites en utilisant l’authentification de leur carte d’identité électronique. Une fois connecté au site de chat, le jeune entre sa carte dans un lecteur relié à son ordinateur. En fonction de l’âge indiqué dans la puce de la carte d’identité, il sera alors dirigé automatiquement vers la salle de dialogue appropriée à sa tranche d’âge. Voilà pour le principe. En pratique, selon le secrétaire d’Etat à l’informatisation, Peter Vanvelthoven (SPA), ce procédé devrait sécuriser complètement les forums de discussions sur lesquels se retrouvent les ados. D’après ses chiffres, sur la période 2003-2004, 54 dossiers concernant des pédophiles qui auraient tenté d’entrer en contact avec des enfants depuis le Net auraient été transmis à la cellule traite des êtres humains de la police fédérale pour une enquête plus approfondie. Avec l’utilisation de la carte d’identité électronique, il est, pour l’instant, impossible à un adulte de se faire passer pour un enfant. Pour Peter Vanvelthoven, » la carte d’identité est donc un instrument efficace pour prévenir les abus « .
Et MSN Messenger ?
L’instrument présente cependant de sérieuses limites. La première a trait à la tranche d’âge des enfants concernés. L’application est actuellement possible pour les mineurs de 12 à 15 ans. Comme la carte d’identité officielle ne concerne que les enfants à partir de 12 ans, comment le secrétaire d’Etat à l’informatisation compte-t-il protéger les plus jeunes, surfeurs assidus eux aussi ?
Le deuxième problème porte sur l’adhésion des fournisseurs de services aux standards introduits par la carte d’identité électronique. Pour que le système de reconnaissance automatique de l’âge fonctionne, il faut, en effet, que les responsables des salons de discussions programment leur site Internet en conséquence. Pour l’instant, seuls les sites de Kreynet, Place. to. be, Belgacom/Skynet et Telenet/Chat. be proposent cette fonctionnalité. Si de nombreux enfants trouvent probablement leur bonheur sur ces différentes adresses, la grande majorité, voire la totalité, utilise les messageries instantanées – MSN Messenger de Microsoft, dans la plupart des cas. Même si Bill Gates a montré un certain enthousiasme lors de sa dernière visite à Bruxelles pour la carte d’identité électronique belge, son application pour sécuriser l’utilisation de MSN Messenger n’est pas encore à l’ordre du jour chez le géant de l’informatique. Quand bien même elle le deviendrait un jour, on pourrait alors commencer à se poser de sérieuses questions sur les risques de dérives initiées par cette obligation de transmettre des données personnelles vers une société commerciale.
Entre la sécurité et le respect des libertés individuelles (notamment, la recherche d’information de manière anonyme sur le Net, dans le cas qui nous occupe), il faudra prendre le temps de trouver un juste équilibre. En attendant, le meilleur moyen de protéger les plus jeunes sur Internet consiste à bien les former à l’utilisation des différents outils. Et surtout les accompagner lors de leurs premières incursions. Ils apprendront alors les ficelles pour ne pas trop se dévoiler en ligne.
Vincent Genot
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici