Le célèbre violoncelliste se mesure, à Bruxelles, au splendide poème symphonique Don Quichotte de Richard Strauss. Une promesse : nous en faire voir de toutes les couleurs !
Violoncelliste israélien d’origine lettone, Mischa Maisky, 67 ans, excelle comme soliste dans le grand répertoire (Bach, Haydn, Schumann) et en musique de chambre en s’entourant de partenaires hors norme ( » Qui se ressemble… « ) : le violoniste Gidon Kremer et la pianiste Martha Argerich. Cette fois-ci, il propose que nous nous élevions le coeur et l’esprit en l’écoutant dans ce poème où il est accompagné par l’Orchestre national de Belgique sous la baguette d’Andrey Boreyko.
Le Vif/L’Express : Que ressentez-vous en jouant Don Quichotte de Richard Strauss ?
Mischa Maisky : Ce poème pour violoncelle, alto et grand orchestre est l’un de mes morceaux préférés. Je n’ai pas souvent l’occasion de le jouer car l’oeuvre, très difficile pour l’orchestre, est rarement programmée. Le violoncelle incarne Don Quichotte, l’alto est Sancho Pansa. Les instruments de l’orchestre deviennent des protagonistes, » décrivent » toutes les aventures du chevalier, le combat contre les moulins à vent, par exemple, et interprètent ses rêves. C’est très important d’avoir des rêves. J’ai eu la chance de pouvoir interpréter ce poème avec la Philharmonie de Berlin, dirigée par la grand chef indien Zubin Mehta. Je me réjouis de le rejouer sous la direction d’Andrey Boreyko.
Vous souvenez-vous du moment où vous avez décidé d’être violoncelliste ?
Oui, très bien. Mon père était un gros fumeur. Pour l’imiter, j’ai commencé à fumer la cigarette à l’âge de 5 ans et demi. Quand j’avais 8 ans, j’ai trouvé un havane et je l’ai fumé en avalant la fumée, ce qui m’a rendu très malade. J’ai failli mourir. Une fois remis sur pied, j’ai annoncé que je voulais devenir violoncelliste. Mon frère jouait du violon, ma soeur du piano. Je voulais changer d’instrument en me disant qu’on pourrait former un trio en famille. Et je n’ai plus jamais touché à la cigarette ! (rires)
Vous avez été formé par le grand Rostropovitch. Quel souvenir en gardez-vous ?
Rostropovitch était mon mentor pendant quatre ans, au Conservatoire de Moscou. Quand il donnait cours, les classes étaient archipleines, tout le monde voulait l’écouter. Il expliquait tout par images, en jouant du piano. Il était mon professeur mais aussi mon père. Le mien est décédé très tôt. Rostropovitch l’a remplacé. Je me considère comme le violoncelliste le plus chanceux, car je suis le seul à avoir étudié avec les deux plus grands maîtres, Rostro et Gregor Piatigorsky.
Vous jouez sur un instrument exceptionnel, un Montagnana du XVIIIe siècle qui vous a été offert, dit-on, par un riche Américain…
C’était un monsieur de 94 ans, violoncelliste amateur. Un jour, j’ai joué pour lui, il avait des larmes aux yeux et m’a dit : » Maintenant, je peux mourir « . Mais il ne pouvait pas me léguer son violoncelle car sa femme s’y opposait. L’instrument a été acquis, pour un prix symbolique, par une fondation culturelle américano-israélienne. J’ai pu en profiter tout de suite, mais j’ai tenu à le rembourser, ce qui m’a pris des années.
Vous dites souvent que vous aimeriez vivre jusqu’à 120 ans…
En hébreu, on dit » joyeux anniversaire jusqu’à 120 ans « . Il faut vivre très longtemps mais mourir jeune. Aujourd’hui, je me sens plus jeune qu’à l’âge de 20 ans, grâce à la musique et à ma famille.
Le vendredi 16 octobre, à 20 heures, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. www.bozar.be
Entretien : Barbara Witkowska