Dans le premier ouvrage publié à son initiative pour nourrir le débat dans la société, la Fondation Ceci n’est pas une crise incrimine l’Etat et les partis, impuissants à affronter les mutations vers un nouveau monde.
Portée sur les fonts baptismaux, il y a un an et demi, par l’ancien ministre des Entreprises publiques Jean-Pascal Labille et par le dessinateur de presse Pierre Kroll, la Fondation Ceci n’est pas une crise publie un premier livre (*) qui, à l’image de son titre éponyme, expose les constats à l’origine de la création du cercle de réflexion et développe ses ambitions. » L’enjeu est bien de reconnaître, de comprendre et de faire comprendre aux populations, dont le vertige identitaire est légitime, la mutation sociétale profonde, en proposant des alternatives répondant à leurs doutes et leur permettant de construire elles-mêmes leurs identités, expliquent les auteurs de l’ouvrage collectif. Trop souvent domine encore l’attachement à des catégories de pensée et d’action d’une société que nous quittons. […] C’est donc bien une mutation gigantesque que nous vivons, plutôt qu’une crise. »
L’individu de plus en plus isolé
Le réquisitoire de Ceci n’est pas une crise contre le conservatisme des partis et l’impuissance des pouvoirs publics est étonnamment cinglant quand on le sait partagé par des responsables politiques encore en activité (Louis Michel, Monica Frassoni) ou rangés (Philippe Busquin, Philippe Maystadt). Les partis politiques, dans leurs formes classiques, » ne sont plus adaptés à la société – comment en serait-il autrement, alors que leur fonctionnement n’a globalement pas changé depuis leur création au XIXe siècle ? » ou » ne s’ancrent pas dans les ressentis profonds des sociétés […] et ne parviennent donc pas à mobiliser « . » Les Etats – donc, la politique – et les grandes organisations n’ont plus de réelles capacités d’agir. L’individu est seul face aux marchés. La finance a quitté l’économie et domine tout. »
Pour répondre à ce défi, Ceci n’est pas une crise appelle à refonder la démocratie à partir du projet européen. Ses auteurs proposent » un partage de souveraineté au sein d’une structure supranationale européenne et […] la mise en place d’un fédéralisme à étages multiples « . Chaque échelon auquel seraient associées des compétences spécifiques fonctionnerait selon un mode de démocratie adapté, démocratie directe (par Internet), participative ou représentative classique. » L’alternative à ce fédéralisme à étages multiples est la prolifération de micro-Etats […] incapables d’influencer les logiques du capitalisme mondial « , avertit Ceci n’est pas une crise.
La Fondation, d’utilité publique, ne désespère cependant pas de faire revivre le système politique. Elle en attribue la mission aux intellectuels et à ceux que le sociologue Benoît Scheuer appelle les » renaissants « , » ces individus qui ont la capacité de construire leur vie, d’agir sur leur devenir « . Soutenir ce mouvement, c’est sans doute une des ambitions de Ceci n’est pas une crise. Par la promotion du débat d’idées à travers des conférences ou des publications (le prochain livre annoncé aura l’Afrique pour thème), par la conscientisation des décideurs, y compris à travers du » lobbying d’intérêt général « , la Fondation entend susciter la résistance de » renaissants » de plus en plus nombreux. Car » ce n’est pas le pessimisme lié à la fin du monde qui doit nous guider, mais bien la détermination liée à la fin d’un monde et à l’avènement d’un autre qu’il nous appartient de bâtir »
(*) Ceci n’est pas une crise, ouvrage collectif, Renaissance du livre, 95 p.
Gérald Papy