CE  » REBELLE  » CHER AUX JAPONAIS

ATokyo, dans le quartier d’Ogikubo, des fans ont l’habitude de se réunir trois ou quatre fois par an (notamment en octobre, au moment du choix du Prix Nobel de littérature) pour discuter de son £uvre dans un ancien bar jazz. Pourquoi ce lieu ? Car tel fut l’univers de Murakami, qui géra longtemps durant son propre bar jazz, le Peter Cat, avant de se lancer dans l’écriture au sortir d’un match de base-ball.

Il suffit de regarder les chiffres des ventes des trois premiers volumes de 1Q84 pour saisir l’ampleur du phénomène. Tous ont dépassé le million d’exemplaires, et le quatrième, en préparation, devrait connaître le même sort. Pourquoi un tel succès ?  » Son talent unique, note Mitsuyoshi Numano, professeur à la prestigieuse université de Tokyo, naît de l’excellence du cocktail narrativité riche, spiritualité particulière et style élégant.  »

Le Pr Numano souligne que l’écrivain sait  » traduire l’ambiance de son époque. Dans Après le tremblement de terre, écrit à la suite du séisme de Kobe en 1995, il décrit parfaitement les sentiments des Japonais, tout en les réconfortant « .  » Il apporte des réponses aux questions que se posent ses contemporains, estime de son côté l’écrivain et psychiatre Nadaynada. Il fait le travail que beaucoup attendent des journalistes.  »  » Quand je lis Murakami, reconnaît l’une de ses aficionados, Yasunori Otaka, c’est comme une cure. Je retrouve une certaine tranquillité.  »

De là à en faire un écrivain engagé, il n’y a qu’un pas que personne n’ose pourtant franchir.  » Contrairement au Prix Nobel Kenzaburo Oe, il ne s’investit pas publiquement, explique Numano. Il a une attitude critique, mais elle reste dans sa logique d’écrivain.  »  » L’important, c’est la métaphore, ajoute Natsumi Shingaki, rédactrice indépendante. Il fait passer ses messages en jouant du réel et de l’irréel.  » Comme cette image de l’£uf contre le mur – l’individu contre le système – pour critiquer l’attaque lancée par Tel-Aviv sur la bande de Gaza dont il usa à Jérusalem, en 2009.

Un style à part, des positions affirmées de manière originale, une distance revendiquée avec le monde littéraire de l’archipelà De quoi séduire ses lecteurs nippons, qui le qualifient tout à la fois de  » rebelle « , d' » apatride  » et de  » porte-parole « à

PHILIPPE MESMER, À TOKYO

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