Ce que l’hypnose aide à guérir

Technique fascinante, parfois diabolisée, l’hypnose est désormais employée à tous les étages, pour soulager la douleur, alléger les anesthésies, réduire le stress… Tour d’horizon.

Tous les praticiens le disent : l’hypnose est une communication thérapeutique. La technique leur permet d’abord d’instaurer en toute circonstance un autre type de rapport entre eux et leurs patients : ils choisissent mieux les mots et modulent leur voix. Ainsi, les professionnels formés ne disent pas  » Attention, je vais piquer  » ou  » Ne vous inquiétez pas, cela ne va pas faire mal « , toutes ces expressions prises au premier degré par les patients. Mais ils préviennent d’un  » Ça va faire frais « , en enchaînant tout de suite par un  » Pensez à un endroit que vous aimez « .  » Ils ont appris à parler, à utiliser un vocabulaire apaisant pour créer un rapport de confiance, bénéfique pour tout le monde « , témoigne Estelle Petit, dentiste à Liège. L’hypnose clinique peut être employée comme soin de support en fonction du champ de compétences du soignant. Enfin, à un degré supérieur, c’est une relation particulière qui se crée entre le praticien et le patient, qui peut devenir un instrument thérapeutique.

Chirurgie et autres interventions

Depuis sa première ablation d’une petite tumeur au genou pratiquée sous hypnosédation en 1992 au CHU de Liège, le Pr Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste, a procédé à près de 9 000 interventions – dont 18 seulement avec anesthésie générale. Aujourd’hui, environ un tiers de la cinquantaine d’anesthésistes de l’établissement liégeois sont formés à la technique et la proposent à tous leurs patients. Bien d’autres opérations chirurgicales peuvent être effectuées avec l’aide de l’hypnose. Lifting, ablation de varices ou d’un adénome du sein, thyroïdectomie sont autant d’interventions qui peuvent aujourd’hui s’effectuer sans anesthésie générale.  » Deux conditions doivent impérativement être réunies pour réaliser une opération sous hypnose : que médecins et patient soient d’accord et qu’une anesthésie locale soit réalisable « , explique le Pr Faymonville.

Cette technique d’hypnosédation – qui consiste à associer l’hypnose et de très faibles doses d’antidouleur -, a séduit les blocs opératoires un peu partout en Belgique et dans le monde.  » Aux Cliniques universitaires Saint-Luc, l’objectif est de pratiquer l’hypnose dans le plus grand nombre de services. Nous sommes passés d’une pratique marginale personnelle à une pratique plus collective, plus structurée. Ainsi, du personnel est formé en oncologie, cardiologie, gynéco-obstétrique, gastro-entérologie, pneumologie, ophtalmologie, dentisterie… « , énumère le Pr Fabienne Roelants, anesthésiste formée à l’hypnose dans cet établissement, où un tiers des opérations de la thyroïde, par exemple, sont pratiquées sous cette technique. Pendant que les chirurgiens prodiguent leurs soins, le Pr Fabienne Roelants est très proche de sa patiente, lui parle très près de l’oreille. Elle lui propose de fermer les yeux et de se laisser guider. Ailleurs. Déconnectée du présent. De laisser venir un souvenir agréable.  » Vous êtes dans cette forêt dont vous me parliez lors de la consultation. Respirez l’odeur des feuilles, des arbres. Observez les détails, les formes. Ecoutez les bruits. Entendez ce morceau de bâton qui craque. Un sentiment de joie vous emplit.  » Le débit est lent, la voix feutrée. La patiente sait ce qui se passe autour d’elle, mais n’y prête pas attention. Son esprit est fixé sur cette balade en forêt qu’elle a choisi de revivre. La patiente, passionnée de chasse, a tué deux cerfs durant son intervention.

Outre que l’hypnose crée un lien direct entre le praticien et son malade, elle permet une réadaptation immédiate. Quand le patient sort de l’hypnose, il est comme avant l’intervention, contrairement à une anesthésie générale. Cette dernière induit un état de fatigue qui peut durer un bon mois.  » Dans un contexte d’économies et de lutte contre le gaspillage, l’hypnose permet aussi de diminuer les doses de médicaments, et le patient quitte plus tôt l’hôpital. Bref, elle se révèle peu coûteuse « , pointe le Pr Faymonville.  » En termes d’occupation de salle d’op’, il n’y a aucune différence « , ajoute le Pr Fabienne Roelants.

Où s’arrêtera l’apport de l’hypnose en chirurgie ? Clairement, les limites sont celles de l’anesthésie : quand elle est générale, comme pour une simple appendicite ou une opération cardiaque complexe, l’hypnose n’a plus sa place. Elle reste un complément à une anesthésie locale, pour la chirurgie dite  » de surface « , soit les actes chirurgicaux qui ne touchent pas les organes  » profonds « .

Cancérologie

Dans ce cadre-ci, l’hypnose est utilisée comme support de soin, c’est-à-dire en accompagnement d’un traitement. Et surtout, elle place le patient au centre de ses soins : il participe activement à son traitement. Le malade atteint d’un cancer peut en bénéficier à plusieurs stades de la maladie, lors des examens diagnostiques, comme la mammographie ou les biopsies, en préparation d’une opération, pendant la phase chirurgicale ou après, pendant la chimiothérapie ou la radiothérapie.  » Elle traite efficacement les angoisses ou les phobies pouvant limiter l’accès aux soins ou retarder la prise en charge thérapeutique : la peur des seringues, la difficulté à dormir à l’hôpital ou l’impossibilité d’avaler les gélules, etc. « , détaille David Ogez, psycho-oncologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc. L’hypnose aide aussi à soulager les effets secondaires des traitements, tels que les nausées, les vomissements, les bouffées de chaleur…  » C’est une aide, pas un substitut au traitement médical. L’hypnose ne promet pas la guérison « , insiste Marie-Elisabeth Faymonville. Elle est également proposée après le traitement.  » J’accompagne aussi les patients en rémission. Leur plus grande crainte est le retour du cancer. Ils peinent à gérer cette incertitude qui entraîne des émotions négatives. En gros, il s’agit de faire le deuil de la maladie et de réinvestir leur milieu de vie « , argumente David Ogez. Enfin, l’hypnose aurait un effet positif sur l’immunité.

Douleurs aiguës

L’hypnose a trouvé sa place dans les services de grands brûlés, en pédiatrie et, plus rarement, dans les services d’urgence. Elle est alors utilisée pour diminuer l’anxiété et la sensation de douleur lors de soins entraînant des douleurs aiguës, en favorisant leur acceptation.

Douleurs chroniques

Céphalées, lombalgies, fibromyalgie, arthrose… Autant de douleurs que l’arsenal de la médecine classique peine à vaincre. Aujourd’hui, au centre de la douleur du CHU de Liège, le Pr Marie-Elisabeth Faymonville fait appel à l’hypnose pour les soigner. Après des examens classiques pour poser un diagnostic sûr, sa consultation commence par une conversation au cours de laquelle elle explique l’hypnose. Le protocole s’établit ensuite sur deux ans, à raison de huit séances de deux heures. Le patient apprend à mettre en oeuvre lui-même l’hypnose au cours de séances répétées auprès d’un soignant.  » L’objectif, précise le médecin anesthésiste, est qu’il arrive à reproduire ces exercices chez lui quand il sent qu’il a mal. Et que ce ne soit plus la douleur qui contrôle sa vie.  » La douleur ne disparaît pas toujours, mais la plupart arrivent à gérer ou à réduire leurs souffrances, voire leurs doses de médicaments.  » Les douleurs sont ainsi plus espacées dans le temps « , précise le Pr Faymonville.

Maternité

L’hypnose a fait son entrée dans les services d’obstétrique, de l’hôpital Erasme à Bruxelles, au CHR de la Citadelle, à Liège, en passant par les Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles, Au sein de ces dernières, par exemple, six de ses sages-femmes coachent, dès le septième mois de grossesse, les futurs parents qui le souhaitent en combinant hypnose et préparation prénatale classique. Notamment les mères qui refusent la péridurale ou auxquelles elle est médicalement déconseillée.  » Certaines femmes vivent mal l’hypermédicalisation qui les stresse et induit des doutes quant à leurs compétences à être mère : l’hypnose est un outil pour les remettre en confiance dans leur corps conçu pour enfanter depuis la nuit des temps « , résume Sabine Peckel, sage-femme. La technique les aide ainsi à lutter contre l’anxiété et, le moment venu, contre la douleur des contractions.  » Nous la proposons également pour la réalisation d’un soin douloureux, comme le placement d’une péridurale.  » En aucun cas, l’hypnose ne supprime complètement la douleur (d’environ 50 % selon le Pr Fabienne Roelants), mais elle aide à s’en détacher, et à la survoler sans aucune perte de conscience.

L’hypnose est aussi proposée aux femmes infertiles suivant un protocole de fécondation in vitro, principalement lors de gestes tels que les ponctions d’ovocytes et les réimplantations d’embryons.

Soins dentaires

L’hypnose s’est aussi fait une place dans les cabinets dentaires et dans les services de dentisterie et de stomatologie des hôpitaux, à l’image du CHU Brugmann, à Bruxelles. En dentisterie, elle peut remplir plusieurs tâches : renforcer une anesthésie locale ou la remplacer pour les personnes souffrant d’allergies aux produits anesthésiants. Elle peut aussi détendre le patient, soulager l’anxiété d’un patient phobique, pour qui le stress amplifie la sensation douloureuse. Enfin, un accompagnement hypnotique peut aider à réduire la prise de médicament après les interventions. Elle aide aussi à récupérer plus facilement après une intervention : les saignements sont moindres et la cicatrisation est plus rapide.  » L’hypnose s’étend aussi hors du fauteuil de dentiste, ajoute Estelle Petit. Dès son arrivée, le patient peut être mis dans des conditions favorables pour atténuer son anxiété. Les assistants dentaires peuvent aussi être formés à la communication hypnotique, car un travail dès la prise de rendez-vous est bénéfique. Pour certains patients très anxieux, il est même possible de réaliser une séance d’hypnose préliminaire.  » Le bénéfice vaut également pour le soignant : le confort du praticien est augmenté lorsqu’il soigne un patient sous hypnose, qui présente par exemple une meilleure ouverture buccale.

Addictions, phobies, troubles du comportement alimentaire…

 » L’hypnose est un état propice pour mobiliser des ressources qu’on ne mobilise pas habituellement « , indique Paul-Henri Mambourg, psychiatre hypnothérapeute, par ailleurs président de l’Institut Milton Erickson, à Liège.  » En état hypnotique, les sensations et les émotions se mettent en lien différemment. Progressivement, on accède à une autre perception de soi et du problème. Le travail de l’hypnothérapeute est d’aider le patient à vivre ce processus-là et de provoquer un changement spontané.  »

En clair, au cours d’une séance, l’hypnothérapeute guide le patient vers un état de conscience modifiée et de relaxation profonde propre à le faire communiquer avec la partie subconsciente de son cerveau. En s’adressant à cette partie du cerveau, il installe progressivement, avec le plein accord du patient, de nouveaux automatismes.

Les profils des patients sont variés : personnes dépressives, artistes sujets au trac, hommes d’affaires angoissés par la performance, fumeurs voulant arrêter. Des enfants, aussi, en proie à une timidité maladive, à une phobie scolaire, à des terreurs nocturnes, à des difficultés de concentration… Point commun à tous : un mal-être.

L’hypnose est une thérapie brève, à l’inverse de la psychanalyse, qui exige plusieurs années de traitement.  » Là, on est centré sur une solution et des résultats concrets « , poursuit Paul-Henri Mambourg. Dans le cadre d’addiction au tabac ou à l’alcool, cette thérapie vise à défaire les liens physiques et psychologiques noués entre le patient et le produit addictif. Elle aiderait à renforcer la décision du sevrage. Elle peut également aider les personnes boulimiques ou anorexiques.  » On ne maigrit pas par hypnose, mais on peut changer le rapport à un aliment. En état d’hypnose, on peut changer la perception que la personne a de certains aliments, développer une attirance pour les fruits et légumes ou encore transformer sa vision d’un moment de convivialité.  »

Contre-indications

Si le patient présente des troubles psychiatriques anciens, mieux vaut qu’il soit suivi auparavant par un psychothérapeute. Par ailleurs, le patient doit être motivé, avoir confiance et collaborer.

Par Soraya Ghali

Les limites de l’hypnose en chirurgie sont celles de l’anesthésie : quand l’intervention nécessite une anesthésie générale, comme pour une simple appendicite, l’hypnose n’a plus sa place

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