» Ça passe ou ça casse « 

Le FDF est presque mort, vive le… ? Son président maintient le suspense sur la nouvelle appellation. Mais il promet une mue radicale du parti et annonce un premier engagement solennel : ne jamais gouverner avec la N-VA, cette  » extrême droite populiste « .

Le Vif/L’Express : Un futur FDF sans référence aux  » francophones « , c’est comme une N-VA qui ne se dirait plus  » vlaamse  » : le monde à l’envers ?

Olivier Maingain : Le FDF n’a jamais été porteur d’une démarche nationaliste ni de propos d’exclusion dans ses discours. Le terme  » francophones  » exprimait une forme de résistance aux excès d’un nationalisme flamand de plus en plus virulent.

Afficher explicitement un combat  » francophone  » n’est-il plus porteur ni audible ?

Non, mais nous n’avons plus besoin de le dire pour être cru. Nous sommes crédibles sur notre vigilance francophone, et personne ne peut le nier : nous sommes le parti le plus lucide quant à l’évolution institutionnelle de la Belgique. Que n’avons-nous dit que cette sixième réforme de l’Etat serait profondément déséquilibrée ! Ses promoteurs sont d’ailleurs tous aux abris… Dès lors que nous avons pu retrouver notre pleine autonomie, nous devons montrer notre capacité à être un parti généraliste qui s’exprime sur l’ensemble des enjeux de société. Ce changement de nom et de sigle exprimera nos choix idéologiques de manière plus transparente encore. Il ne faut pas non plus se le cacher : le divorce belge est en train de se confirmer sous la poussée nationaliste. Nous décidons de ne pas être dans le camp de ceux qui se lamentent, mais dans le camp de ceux qui se projettent dans vingt ou trente ans.

La mue promet d’être radicale ?

Ah oui ! Si l’on veut montrer toute l’amplitude de notre discours politique, il ne faut pas tenter de sauver une partie du sigle. Si on me suit, ce sera très novateur et surprenant…

C’est une sacrée prise de risque : le FDF est à un tournant de son histoire ?

Certainement, ça passe ou ça casse. C’est un changement, non pas de nature, mais de style. Bien sûr, je connais l’attachement affectif des militants à leur parti et à son sigle. Mais un parti, ce n’est pas cultiver la nostalgie, c’est savoir anticiper. Et remettre en cause la politique, c’est aussi se remettre en cause soi-même. C’est ce qu’avaient fait les fondateurs du FDF, en renversant l’échiquier politique et ses partis traditionnels déjà épuisés. Il faut libérer la créativité dans ce pays, et on ne la libère pas sans prise de risque. Toute l’histoire de notre parti est tellement éloignée des piliers traditionnels du monde socialiste, social-chrétien et libéral, de ce côté vermoulu des institutions du passé.

L’ex-futur FDF, parti anti-establishment ?

Non, nous ne sommes pas dans une logique de parti contestataire, populiste, racoleur. Mais nous exprimons un ras-le-bol citoyen : quand donc va-t-on dépoussiérer le système politique belge englué dans des petits jeux d’intérêt partisans ? Il faut cesser d’imaginer les pouvoirs comme un gâteau à se partager entre partis, ce qui est leur premier réflexe. Mon propre parti, aussi, a d’ailleurs cette tentation.

Que peut encore produire un parti de  » novateur, créatif et inattendu « , comme vous l’ambitionnez ?

Ce qui lasse les citoyens, c’est le non-respect systématique des promesses par certains partis. Nos engagements sont peut-être moins séduisants mais ils sont moins mensongers et ne varient pas en fonction des intérêts partisans : voilà notre marque de fabrique. Pas de scission de BHV sans élargissement de Bruxelles ? Nous, nous n’avons pas varié sur cette revendication. Avant les dernières élections, j’ai eu l’honnêteté de me prononcer pour un report de l’âge de la retraite assorti de mesures d’accompagnement. Je n’ai pas triché devant les électeurs.

L’honnêteté ne commanderait- elle pas de dire que le FDF a surtout son avenir derrière lui ?

Toutes les générations passent le témoin et s’éteignent. Mais je note un nouvel engouement : il serait regrettable de ne pas le confirmer sur le long terme.

Cet engouement pour le FDF tarde à se manifester en Wallonie…

L’implantation reste faible. D’où ce premier grand défi : décrocher de premiers élus aux prochaines élections communales en 2018, notamment dans les grandes villes wallonnes, pour que des leaders d’opinion se dégagent. Des personnalités intéressantes sont aux portes du parti : le changement de nom et la manière d’expliquer nos engagements pourraient convaincre certains de franchir le pas. J’ai toujours dit qu’il faudrait dix ans pour que le parti s’implante en Wallonie. Je ne suis pas inquiet.

Paradoxe : plus aucun parti ne se revendiquera  » francophone « , alors qu’en Flandre, du CD&V à l’Open VLD en passant par la N-VA, ils ont intégré l’étiquette  » vlaamse  » dans leur appellation…

Révélateur, en effet : au nord du pays, les esprits se replient sur une dimension nationaliste, qu’elle soit de plus en plus nauséabonde chez certains partis, ou médiocre chez d’autres. Côté francophone, on affiche en revanche une dimension plus ouverte, plus internationale. Le nationalisme flamand est en train de donner des oeillères à la Flandre. Cette chape de plomb enferme son dynamisme. Ce qui me fait dire que la dynamique de renouveau de ce pays se situe davantage au sud qu’au nord.

 » Xénophobe « , à la limite  » extrême droite  » : la N-VA en prend pour son grade côté francophone mais reste fréquentable. Lui pardonne- t-on ce qu’on n’a jamais toléré du Vlaams Blok/Belang ?

a La N-VA n’est pas le Vlaams Belang. Le Belang relève de l’extrême droite fasciste, alors que la N-VA, du moins certains de ses leaders, cousine avec une extrême droite populiste mais qui n’est pas nostalgique du nazisme. Il y a dans le disque dur de la N-VA cette allégeance à l’histoire noire du mouvement flamand, à ce vieux fond ambigu sur le plan des valeurs démocratiques, qui toujours exige plus d’homogénéité linguistique et culturelle de la Flandre. J’ose espérer que certains finiront par se détacher de ce vieux fantasme nationaliste dont on ne peut accepter qu’il perdure dans des choix politiques actuels. Ce qui me déplaît profondément dans la démarche d’un Bart De Wever ou d’un Theo Francken, c’est qu’elle part d’une méfiance généralisée à l’égard de toutes les catégories de la population d’origine étrangère. Ce discours plaît d’ailleurs à une partie de l’opinion publique francophone.

Faut-il pour cela que les partis francophones en arrivent à appliquer un cordon sanitaire autour de la N-VA, à l’instar de celui imposé au Vlaams Belang ?

Un cordon sanitaire autour de la N-VA ? Le MR l’a rompu. Quand j’entends le Premier ministre Charles Michel dire qu’il n’a rien à reprocher sur le plan démocratique à la N-VA et que je relis ses déclarations juste avant les élections… Un homme politique qui est à ce point girouette me laisse pantois. A terme, la N-VA va se fissurer, on sent poindre en son sein des réticences quant à son évolution. Soit le choix de cette majorité actuelle (NDLR : N-VA – MR – CD&V – Open VLD) ne durera que le temps d’une législature et n’aura été qu’un mauvais rêve. Soit le MR persistera dans cette logique infernale, parce qu’intenable sur le plan institutionnel, d’être le seul partenaire francophone d’une coalition avec des partis flamands.

Puisque le futur FDF, dites-vous, sera le parti des engagements clairs et tenus : gouverner un jour avec la N-VA, c’est non à jamais ?

Pour moi, c’est clair. Ni au fédéral ni à Bruxelles. C’est aussi une question de choix de société.

Entretien : Pierre Havaux

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire