L’élection du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat controversé s’accompagne d’une répression féroce de l’opposition et de violences croissantes. Sans perspective d’issue politique.
A chaque fois que le Burundi chauffe, les mises en garde se multiplient sur l' » imminence » d’un génocide. Elles s’appuient sur les massacres ethniques qui ont fait plus de 200 000 morts entre 1993 et 2006. Or, l’instabilité consécutive à la réélection du Hutu Pierre Nkurunziza, le 21 juillet, est d’abord de nature politique, pas ethnique. Tout a commencé en avril avec l’annonce du chef de l’Etat de sa candidature pour un troisième mandat, alors que la Constitution n’en autorise que deux. L’ancien maquisard a prétexté que son premier mandat avait été obtenu au suffrage indirect et non dans les urnes. A l’évidence, il s’inscrivait en faux contre l’esprit des accords d’Arusha, ce socle de la paix au Burundi signé en 2000 sous l’égide de Nelson Mandela.
Mise sous pression, la Cour constitutionnelle a validé cette candidature, ce qui a enflammé le débat. On a même eu droit à un nouveau coup d’Etat. Parti en Tanzanie pour un sommet consacré à la crise dans son pays, Nkurunziza s’est fait destituer le 13 juin par le général Godefroid Niyombare, Hutu comme le président, et en disgrâce depuis qu’il lui avait conseillé de passer la main. Le putsch est vite retombé comme un mauvais soufflé. Le président est revenu en hélicoptère dans son fief de Ngozi d’où un convoi l’a acheminé vers la capitale. Le flottement aura duré 48 heures.
Aujourd’hui, la peur a gagné les esprits. Plus de 500 personnes ont perdu la vie depuis avril, mitraillées dans des cafés ou abattues en pleine rue. Adolphe Nshimirimana, ancien patron des services de renseignement et proche du président, a été tué dans un attentat, preuve de l’antagonisme croissant entre adversaires irréductibles. Trois camps militaires ont été attaqués le 11 décembre, suivis de rafles meurtrières dans des quartiers d’opposition. L’escalade verbale n’a plus de limites non plus : le président du Sénat burundais a parlé de » pulvériser » les ennemis, et a même utilisé le verbe » travailler « , de sinistre mémoire au Rwanda voisin. Lequel ne se gêne pas pour faire la leçon, alors que Kagame, qui a éliminé toute l’opposition, a lui-même la voie royale pour rester à la tête du Rwanda… jusqu’en 2034.
Les bailleurs de fonds réussiront-ils à ramener Nkurunziza à la raison ? » En dix ans de pouvoir, il n’est pas parvenu à sortir le pays des ornières de la pauvreté et de la corruption « , accusent ses détracteurs. Malgré son histoire tourmentée, le pays reste le premier bénéficiaire de la coopération belge après la RDC. Le parti au pouvoir n’en a cure : il préfère accuser la Belgique de complicités avec les » terroristes « , à savoir les opposants au troisième mandat, et a même demandé le remplacement de l’ambassadeur Marc Gedopt.
François Janne d’Othée