La » communauté métropolitaine » prend forme. La nouvelle structure devrait rapprocher Bruxelles de son hinterland brabançon. Un » bidule institutionnel de plus » ? Nos révélations sur un projet à hauts risques pour la Région-Capitale.
Attention, sujet politiquement touchy ! Si les négociateurs de la sixième réforme de l’Etat ont bien prévu, dans l’ » accord papillon » de décembre 2011, la création, par une loi spéciale, d’une » communauté métropolitaine « , très peu de détails ont filtré, depuis lors, sur cette nouvelle structure appelée à rapprocher Bruxelles des communes de son » hinterland » socio-économique.
Les discussions entrent néanmoins dans le vif du sujet. Le comité de pilotage de la réforme institutionnelle, où se retrouvent les huit partis concernés, a connu » un démarrage poussif « , admet un participant, mais les séances de travail se multiplient. Le gouvernement Di Rupo s’est fixé comme objectif de faire voter un premier volet de réformes avant les vacances parlementaires.
Trois dossiers, dont le BHV électoral et le financement de Bruxelles, en font partie. Le second volet – loi de financement, transferts de compétences – doit être adopté d’ici à 2014, terme de la législature. » La communauté métropolitaine fait partie des dossiers qui doivent être votés avant l’été. Elle figure donc dans le plan de travail actuel du comité de pilotage « , nous précise Isabel Casteleyn, du cabinet de Melchior Wathelet (CDH), secrétaire d’État aux Réformes institutionnelles.
Bruxelles étouffe dans ses frontières
La création d’une communauté urbaine vise à répondre à une évidence : la Région-Capitale étouffe dans ses limites administratives. De nombreuses études ont démontré que l’espace urbain bruxellois a une cohérence géographique, humaine et économique qui dépasse largement les 19 communes. Or le gouvernement flamand rejette toute idée de révision des limites territoriales de la Région bruxelloise et tente de réduire la présence francophone en périphérie.
Faute d’élargissement, le concept d’organisation métropolitaine a fait son chemin. La nouvelle structure associera des communes bruxelloises, flamandes et wallonnes. La coordination et l’harmonisation envisagées devraient permettre de désenclaver la capitale et lui donneront peut-être un jour le statut de grande métropole européenne, à la mesure de sa puissance économique et démographique.
A quoi ressemblera la future entité ? Les discussions à ce propos sont toujours en cours, mais les confidences de certains négociateurs au Vif/L’Express permettent déjà de se faire une petite idée de ce que sera cette communauté urbaine, qui englobera des communes et des villes comme Tubize, Nivelles, Villers-la-Ville, Jodoigne, Hélécine, Diest, Londer-zeel, Liedekerke ou Biévène.
Une grosse intercommunale
» A ce stade, on s’oriente vers une structure technique, similaire à celle d’une grosse intercommunale, confie l’un d’eux. Elle sera gérée par les trois Régions et, accessoirement, par le fédéral. Cette plate-forme de coopération interrégionale aura pour territoire la totalité de l’ancien Brabant, Louvain compris. Ne pas inclure cet arrondissement, ce serait exclure de l’hinterland bruxellois une commune comme Tervuren, située aux portes de la capitale. «
Le projet adopté lors des négociations sur la réforme institutionnelle couvre, au total, pas moins de 111 communes, soit 2,5 millions d’habitants. Mais les organes et le budget dont la nouvelle structure serait dotée doivent encore être précisés. En revanche, il est acquis qu’elle exercera des compétences de type régional et, selon la formulation de l’accord institutionnel, » d’importance transrégionale « . Les domaines envisagés – aménagement du territoire, travaux publics, mobilité, environnement, voire emploi – sont actuellement gérés aux niveaux fédéral, régional et communal.
Pour autant, seule la mobilité est, jusqu’ici, réellement mise en exergue. Il est question de créer un cadre pour faciliter le dialogue sur » la sécurité routière et les travaux routiers de, vers et autour de Bruxelles « . Les aménagements prévus pour le ring entourant la capitale sont concernés par l’accord négocié sous la houlette d’Elio Di Rupo et devraient faire l’objet d’une concertation préalable.
Concertation préalable sur le ring
Sur ce plan, il y a urgence ! Le gouvernement flamand projette un doublement de la largeur du tronçon nord du ring – entre l’accès à l’E40 Bruxelles-Ostende, près de Grand-Bigard, et l’accès à l’E40 Bruxelles-Liège, au sud de Zaventem – seule solution, selon lui, pour éviter la congestion automobile. But des travaux : séparer la circulation de transit de la circulation dite locale. La Flandre vient d’annoncer qu’elle compte prendre une décision définitive à la fin du printemps, alors que Bruxelles défend le statu quo (lire l’encadré » Le ring de Bruxelles, dossier brûlant « , page suivante).
Elément essentiel pour contenir la congestion de la capitale, le Réseau express régional bruxellois (RER) ne serait pas, lui, géré au niveau de la communauté métropolitaine. Une structure interne à la SNCB, où siégeraient des représentants des trois Régions et de l’autorité fédérale, serait créée à cet effet. Plus surprenant encore : » L’intégration des activités des sociétés régionales de transports public – Stib, TEC, De Lijn -, qui toutes desservent la Région bruxelloise, n’est pas mentionnée en tant que telle « , constate Marcus Wunderle, chargé de recherche au Crisp et auteur de Quelle communauté urbaine pour Bruxelles ? (Analyses du Crisp en ligne).
Une institution politique de plus ?
En périphérie flamande comme à Bruxelles, beaucoup d’élus se montrent sceptiques à l’égard du projet, encore flou, de métropole bruxelloise. L’argument qui revient le plus souvent est la crainte de voir se superposer, dans un souci de coordination, un niveau de pouvoir supplémentaire, qui rendrait plus compliquée encore la gestion régionale. Autre inquiétude, exprimée ouvertement par le FDF et, plus discrètement, par le PS bruxellois : la communauté métropolitaine servirait de » cheval de Troie » aux partisans d’une cogestion bicommunautaire de Bruxelles (lire » Menace sur Bruxelles « , page 36).
Pour le patron du FDF, Olivier Maingain, qui prône toujours l’élargissement de Bruxelles et la pleine compétence de la Communauté française en périphérie, la communauté métropolitaine est un » leurre « , un » nouveau bidule institutionnel » créé » à la seule satisfaction de mandataires politiques qui y trouveraient quelques avantages personnels « . Le ministre-président flamand Kris Peeters (CD&V), lui, martèle qu’il n’est » pas question, en cas de coopération dans le cadre d’une communauté d’intérêts, de toucher aux frontières et aux compétences propres des pouvoirs concernés « . La création d’une communauté urbaine hérisse, en outre, nombre d’élus du côté d’Overijse, de Beersel ou d’Affligem. Ils y voient une » porte ouverte » à l’élargissement de Bruxelles.
OLIVIER ROGEAU
» Le dossier doit être voté avant l’été «