Depuis qu’Art Brussels y prend ses quartiers en avril, Bruxelles tend à devenir le lieu incontournable de l’art contemporain au printemps… et les événements » off » ont encore accompagné la foire officielle lors de l’édition 2016.
Dans toutes les capitales culturelles, l’aura d’une grande foire se mesure aux événements » off » qui gravitent autour, entend-on fréquemment dans le milieu de l’art. A Bâle, Miami ou Paris, on recense entre dix et vingt manifestations de ce type. A Bruxelles, où Art Brussels existe depuis trente ans (l’édition 2016 s’est déroulée du 22 au 24 avril), cela ne fait pourtant que quelques années que ces circuits bis ont fait leur apparition dans le sillage de la foire officielle. Ce printemps, deux concepts étrangers sont venus se greffer à l’événement principal : » Independent « , la foire d’art contemporain née à New York, a ouvert un espace permanent au 67, rue de la Régence et pris ses quartiers dans le bâtiment Vanderborght le temps de la foire ; les organisateurs y ont invité d’éminentes galeries internationales de différentes générations. Dans un autre registre, la YIA (pour » Young International Art Fair « ) a également inauguré, la semaine dernière, sa première édition bruxelloise au 186, avenue Louise, un immeuble vide promis à la reconversion en appartements de luxe. Béton brut à tous les étages, lumière naturelle et vue sur la ville ; le cadre choisi était plutôt séduisant pour exposer de l’art actuel (la plupart des artistes choisis avaient moins de 40 ans, même si tous ne respectaient pas cette règle).
» Depuis nos débuts, il y a cinq ans, nous avons toujours privilégié des lieux industriels décloisonnés, qui facilitent les contacts, la bonne humeur et la convivialité « , explique Romain Tichit, le fondateur de la YIA à Paris. Travaillant dans la pub, il a commencé par organiser des expositions pour ses copains artistes avant que les choses ne prennent de l’ampleur, jusqu’à l’édition 2015 de la YIA, qui rassemblait 65 galeries originaires de 16 pays différents. Cette année, c’était au tour de Maastricht (au moment de la Tefaf) et de Bruxelles de rejoindre le concept : ici, 35 galeries de 8 nationalités différentes ont participé à l’événement. » Notre prix au mètre carré est nettement moins élevé que celui d’Art Brussels. Même si nous avions un large panel de galeries françaises pour cette première édition, nous ne sommes pas sectaires et avons ouvert les portes de l’événement à tous ceux qui souhaitaient y participer. Des duos de galeries, belge et française, se sont ainsi créés spontanément. » C’était notamment le cas du Belge Pierre Hallet. Invité d’honneur, le plasticien Mathias Kiss a, quant à lui, réalisé in situ une installation à la feuille d’or (Ornementation brutaliste), tandis qu’une section dédiée aux éditions et multiples (oeuvres reproduites en nombre limité) présentait des estampes d’artistes et lithographies d’architectes au rez-de-chaussée du bâtiment.
Véritable fourmilière durant le montage et la durée de la foire, les huit étages de l’immeuble ont résonné sans cesse de coups de marteau… et de coups de coeur ! Parmi ceux-ci, épinglons la jeune galerie dirigée par l’antiquaire Jonathan Kugel, basé à Londres et reconverti dans l’art contemporain depuis trois ans. Il exposait notamment les fascinantes photographies argentiques d’Anthony Valon et les crânes en porcelaine de James B. Webster. Obsédé depuis l’enfance par la civilisation égyptienne et les crânes d’animaux qu’il récoltait à la campagne, cet artiste en a reconstitué huit (dauphin, cigogne, gorille, etc.) en porcelaine de Limoges, émaillée et oxydée, contrastant avec le métal et le ciment des socles sur lesquels ils reposent. En réponse, Kugel montrait également les somptueux clichés du duo de taxidermistes néerlandais Darwin, Sinke & Van Tongeren, sublimant des dépouilles de cygnes et de tigres étrangement apprêtées dans leur bain antioxydant.
Place aux jeunes !
Autre manifestation » off » d’envergure, cette fois créée de toutes pièces par une équipe belge avec, à sa tête, Antonio Nardone et Annuschka Leung, la » OFF Course » en était également à sa 5e édition : » La première année, j’ai réussi à louer la Bourse « , se souvient Antonio Nardone. » L’accueil a été mitigé, très positif du côté du public et des galeries, plutôt hostile en ce qui concerne Art Brussels. L’année suivante, après ce premier succès de masse, la Ville de Bruxelles a récupéré la Bourse pour y organiser d’autres expositions et nous avons dû changer de lieu. « Nardone s’installe alors à Tour & Taxis dans un espace cinq fois plus grand. Le succès est au rendez-vous et, peu à peu, l’équipe décide de s’orienter résolument vers l’art émergent. C’est ainsi que depuis deux ans, la section The Future is Now regroupe des écoles d’art présentant leur sélection d’étudiants fraîchement diplômés.Ce positionnement est unique en son genre : » Il permet aux jeunes artistes de montrer leur travail en dehors des traditionnelles expositions de fin d’année, en bénéficiant de la visibilité et du standing d’une vraie foire « , souligne Nardone.
Devenue » OFF Course Young Contemporary Art Fair « , la manifestation se concentre désormais autour des nouveaux venus et les expose dans un lieu central et pourtant méconnu, le bâtiment Dynastie du Mont des Arts, ancienne entrée du palais des congrès gérée par la Régie des bâtiments. » Aucun autre événement au monde de l’ampleur d’une foire d’art contemporain n’offre cette visibilité et ce tremplin aux jeunes ni aux écoles d’art » assure Nardone. Souvent désarmés face aux galeries, aux foires et aux musées, nombreux sont les jeunes artistes qui décrochent dans les deux ans suivant la fin de leurs études. Ici, outre la dizaine de galeries présentant des artistes de moins de 40 ans, dix écoles d’art belges étaient invitées gratuitement, ainsi que la Rietveld Academy d’Amsterdam : toutes ont répondu positivement ! Enfin, troisième catégorie de cette foire d’un genre nouveau : les lauréats des prix artistiques belges, francophones et néerlandophones, des deux dernières années ont également été conviés à exposer sans aucuns frais au Dynastie : seules les galeries paient leur stand. Le dernier invité ? Academy Now, structure basée à Londres, spécialisée dans le choix d’artistes fraîchement diplômés ensuite promus dans les foires internationales. Toutes ces » forces vives » se sont croisées et mélangées au sein du Dynastie, créant une émulation en tous sens pendant quatre jours ! Là aussi, les coups de coeur étaient au rendez-vous : l’Italien Fabio Romano repéré par Academy Now voici trois ans, la Belge Romina Remmo représentée par la galerie Zedes et les jeunes diplômées Charlotte Gigan (La Cambre), Constance Proux (Le 75) et Amélie Chantrain (Arts2) – pour n’en citer que quelques-uns !
PAR ALIÉNOR DEBROCQ