De plus en plus présente à ses côtés, l’épouse du ministre français de l’Economie fuit pourtant les médias. Parcours d’une ex-prof iconoclaste.
Elle s’appelle Brigitte, mais sa famille dit Bibi. Lui, c’est Manu. Et Bibi n’est pas toujours d’accord avec Manu. Il y a quelques mois, dans une interview au Wall Street Journal, le ministre français de l’Economie évoque son ancien métier de banquier d’affaires chez Rotschild & Cie : » D’une certaine manière, on est comme une prostituée. Le boulot, c’est de séduire. » Son épouse n’a pas aimé du tout : » Ce n’est pas très aimable « , lui fait-elle remarquer à l’occasion d’un dîner avec des amis. » Tu as raison, ce n’est pas très aimable pour les banquiers « , reconnaît Manu. » Non. Ce n’est pas très aimable pour les prostituées « , tranche Bibi.
Elle est comme ça, Brigitte Macron. Nature. Sans faux-semblant. » Une femme vraiment chouette, qui ne se prend pas la tête. Quelqu’un qui a l’appétit de la vie – pas le genre à chipoter dans son assiette « , confirme l’un de ses proches. Un dîner avec François Hollande ? Elle se moque gentiment du président français, qui, dit-on, estime beaucoup cette quinquagénaire dont tout l’entourage loue la culture et la finesse d’esprit. La politique, ce n’est pas son monde : Brigitte Macron s’en tient loin, même si elle participe parfois à des réunions au ministère de l’Economie. Pour elle, les lignes de fracture sont simples : il y a ceux qui apprécient son mari et ceux qui lui sont hostiles. Bibi aime ceux qui aiment Manu, et elle déteste les autres.
Cadette d’une famille de six enfants, Brigitte Macron a toujours bénéficié d’un traitement de faveur : d’elle – la petite dernière née vingt ans après l’aînée de la fratrie -, son père, Jean Trogneux, a toléré ce qu’il n’a jamais accepté chez les autres. Les premiers sont des enfants de la guerre, qui ont connu les privations et le manque de tout, strictement élevés dans une famille bourgeoise de la province française ; Brigitte vient à la fin des années 1950, à l’heure de la prospérité retrouvée, de la folie yéyé et des premières surprises-parties. Dans sa chambre, elle accroche des posters de Clint Eastwood et des Rolling Stones. Elle a le droit de sortir, de porter des jeans. Blonde aux yeux bleus, elle adore danser, s’amuser.
Enseignante dans le privé, à Amiens puis à Paris
A Amiens, la chocolaterie Trogneux est une institution depuis sa création, en 1872. Cinq générations se sont succédé, monsieur à l’atelier, son épouse à la caisse ; on raconte même qu’une Mme Trogneux a refusé de servir Rommel pendant l’Occupation ! Longtemps, toute la famille a vécu dans l’immeuble de la rue Delambre, au-dessus de la boutique. La semaine au magasin, les week-ends au Touquet, la station balnéaire chic du Pas-de-Calais, où la villa des Trogneux est assez grande pour accueillir la famille qui s’agrandit petit à petit… Brigitte fait ses études à Lille, puis à Strasbourg. Elle veut partager sa passion des lettres. Elle sera professeur de français.
Elle enseigne à la Providence, à Amiens, puis, à partir de 2007, à Frank-lin, dans le XVIe arrondissement de Paris. » C’était une prof exceptionnelle, souligne Laurent Poupart, l’actuel directeur. Une femme d’une culture inouïe, joyeuse, enthousiaste, dynamique, attachée à obtenir de chaque élève le meilleur de lui-même. Un tourbillon ! Jamais blasée, jamais dans la routine. Quel bonheur d’avoir travaillé avec elle ! » Un enthousiasme partagé par ceux qui ont suivi les cours de » BAM « , comme ils appelaient entre eux Brigitte Auzière-Macron : » Une façon vivante de nous parler de Flaubert « , dit l’un. » Toujours de bonne humeur, attentive, à l’écoute « , dit une autre. » Elle a soutenu mon choix d’une filière littéraire quand tout le monde me poussait à faire des maths « , témoigne un troisième.
Ses élèves, toutes ces années, Brigitte Macron les a choyés, protégés. En septembre 2014, alors qu’Emmanuel Macron est ministre depuis quelques semaines, elle met en garde sa classe de première contre d’éventuelles sollicitations de la presse, tout à son engouement pour le nouvel homme fort du ministère français de l’Economie. Quelques jours après la rentrée, le magazine Closer affiche une photo des Macron enlacés en couverture : » En couple avec son ex-prof. » Brigitte se précipite chez le kiosquier le plus proche de Franklin pour lui demander de dissimuler l’hebdomadaire : elle n’a aucune envie que ses classes la regardent à travers ce prisme-là. Non, elle n’est pas cette prof indigne qui aurait séduit son élève !
Emmanuel Macron et Brigitte Trogneux se croisent pendant le cours de théâtre qu’elle donne à la Providence, à Amiens. Il est en première, elle est enseignante. Ensemble, ils mettent en scène un texte du dramaturge italien Eduardo De Filippo – » Ecrire avec lui, c’était extraordinaire, raconte- t-elle, plus de vingt ans plus tard, à un ami qui l’interroge sur leur rencontre. J’avais l’impression de travailler avec Mozart… » Ils se plaisent. Mais dans cette ville de province, où tout se sait, où tout se voit, il n’est pas simple pour une femme mariée, mère de trois enfants, d’aimer un homme de vingt ans plus jeune qu’elle. Alors qu’il envisage une carrière d’écrivain, elle insiste pour qu’il apprenne un métier, » sinon tu auras l’air d’un gigolo « , explique-t-elle en substance. Par respect pour ses parents, issus d’un monde où le divorce est une hérésie et la peur du qu’en-dira-t-on une religion, elle attend leur décès avant d’acter officiellement sa séparation. Brigitte Trogneux épouse Emmanuel Macron en 2007 au Touquet, dans cette villa de bord de mer héritée de son père.
Les proches du couple ont tous les mêmes mots : » Brigitte et Manu, c’est une incroyable histoire d’amour. Deux intellos passionnés qui se sont reconnus, qui se sont trouvés, et qui ne se sont plus quittés. » » Lorsque vous la rencontrez, vous voyez, bien sûr, qu’elle est plus âgée que lui. Mais, au fur et à mesure, raconte quelqu’un qui dîne régulièrement avec eux, vous l’oubliez complètement. Vous regardez un homme et une femme qui s’aiment, qui ont des gestes tendres l’un envers l’autre, vous écoutez une histoire qui s’est installée dans la durée, et vous vous dites que c’est formidable d’être aussi amoureux après tant de temps. »
Il la tient loin de la lumière crue des médias, il la protège des photos volées qui montrent un couple sans en dire l’essentiel. Emmanuel Macron peut ainsi couper un moment tous les contacts avec Paris Match, coupable d’avoir publié contre son gré des images de vacances à la montagne. Il la défend de la curiosité, de la malveillance, des gens prompts à juger. Elle s’expose un peu plus pourtant, depuis qu’elle est apparue à son bras pour le dîner d’Etat à l’Elysée en l’honneur du roi d’Espagne, en juin dernier. Elle a d’ailleurs cessé d’enseigner en septembre pour lui consacrer tout son temps, soucieuse de lui offrir des instants de répit dans ce monde de brutes. » Je ne veux pas qu’il perde sa joie de vivre « , confie-t-elle à un proche en décembre 2014.
Grand-mère pour la septième fois
Brigitte Macron accompagne désormais son mari régulièrement, presque aussi star que lui lorsqu’ils arrivent ensemble à la cérémonie de remise de décoration de l’ancien Premier ministre français Michel Rocard, le 9 octobre, main dans la main, elle, tout en noir, ceinture-chaîne dorée, lunettes fumées sur le nez. Le 30 septembre, au dîner de gala des 10 ans de Force Femmes, une association qui aide à la réinsertion des femmes de plus de 45 ans, Brigitte Macron écoute son époux ministre rendre hommage devant l’assemblée à » celle qui a la patience depuis vingt ans de partager ma vie « . » Peu de femmes ont autant d’énergie et de courage que les femmes de plus de 45 ans « , souligne-t-il ce soir-là. Depuis l’été dernier, Bibi est grand-mère pour la septième fois. Mais c’est souvent Manu qui repousse un rendez-vous : » Non, pas ce week-end, on a les petits. »
Par Elise Karlin