Bienheureux Jean-Paul II
La béatification de Karol Wojtyla consacre une vie exemplaire. Elle sert aussi une papauté qui cherche à redorer son blason.
S anto subito « (saint tout de suite). Dès les funérailles de Jean-Paul II, en 2005, une foule compacte s’était visiblement mobilisée pour profiter des caméras du monde entier. Requête puissamment organisée qui répondait à une tendance profonde de l’Eglise. Faire de l’homme infatigable qui accomplit plusieurs tours du monde afin d’évangéliser les masses le symbole même de la résistance catholique, voire le signal de la reconquête, était un objectif clairement revendiqué. A la fois débordée par une base acquise à cette cause et soucieuse de ne pas laisser en jachère l’image incarnée par Jean-Paul II, la hiérarchie de l’Eglise a fait montre d’une diligence exceptionnelle pour lancer un processus de béatification, étape préalable à la canonisation (1).
Six ans et un mois après sa mort, Karol Wojtyla sera donc béatifié, ce dimanche 1er mai 2011, entrant ainsi dans le Guinness Book romain, sa fête onomastique étant fixée par son successeur à la date du 22 octobre. Jamais béatification n’aura été aussi rapide ; plus prompte encore que celle de Mère Teresa (six ans et deux mois), ardemment souhaitée par le même Jean-Paul II. Du reste, ce pape avait déjà atteint un record en procédant sous son règne à plus de 1 300 béatifications et à 482 canonisations !
Nul ne doute de la personnalité hors du commun de l’homme Karol, porteur d’une foi immense. Ni du caractère exemplaire de sa vie, sur laquelle, à la recherche de la moindre anecdote susceptible de nuire, le KGB a suffisamment diligenté d’investigations pour que rien de trouble n’ait pu être enfoui. Mais fallait-il pour autant déroger à la règle des cinq ans nécessaires, en droit canon, pour l’introduction de la cause ; et mener un procès en un temps record (ce qui suscite des doutes sur la régularité des procédures) ? Certes, un miracle (condition nécessaire) a été trouvé à travers la guérison de s£ur Marie Simon-Pierre, religieuse française, qui retrouva subitement l’usage de ses mains après des années de maladie de Parkinson.
C’est l’homme qui est béatifié, pas le pape
Il n’empêche, les critiques continuent quant au caractère » forcé » de cette béatification, organisée en haut lieu. A tel point que le préfet de la Congrégation pour la cause des saints, le cardinal Angelo Amato, a cru bon de préciser que » la cause de la béatification n’est pas parvenue à son terme à cause de l’impact que le pontificat a eu sur l’histoire de l’Eglise, mais pour les vertus de foi, d’espérance, de charité, qui ont été celles de la vie de Wojtyla « . C’est l’homme qui est béatifié, pas le pape.
En vérité, l’exaltation de Jean-Paul II est l’£uvre de Benoît XVI, pressé par un sentiment populaire envahissant et mû par d’autres motivations, plus difficiles à démontrer, qui gravitent toutes autour de la notion d’autorité pontificale, laquelle est mise à mal par tant de polémiques ou trop de cas de pédophilie. Il faudra un deuxième miracle pour passer à l’étape de la canonisation. En attendant, Jean-Paul II, le Bienheureux, continue de servir la cause de l’Eglise.
(1) A la différence de la béatification, la canonisation engage l’infaillibilité du pape.
CHRISTIAN MAKARIAN
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