BART MADDENS :  » Encore moins acceptable que la note Vande Lanotte « 

Bart Maddens, politologue à la Katholieke Universiteit Leuven, proche des nationalistes flamands, exprime de grosses réserves quant au contenu de la note Di Rupo.

Le Vif/L’Express : Estimez-vous qu’Elio Di Rupo a produit un document à la hauteur de la crise que traverse la Belgique depuis plus d’un an ?

Bart Maddens : Il s’agit sans aucun doute d’une note intéressante. C’est clairement le travail d’un formateur qui ambitionne de devenir Premier ministre et qui jette des ponts vers les autres partis. C’était un peu la crainte du côté flamand : osera-t-il faire mal à son propre parti ? A la lecture du texte, on voit qu’il a osé.

Que pensez-vous de la proposition du formateur de créer une circonscription fédérale ?

Cela reviendrait à créer un super- BHV. Avec cette circonscription, les figures de proue de la politique francophone pourraient faire campagne partout en Flandre. Or, si on veut scinder Bruxelles-Hal-Vilvorde, c’est précisément pour empêcher les francophones de la périphérie de voter pour des listes bruxelloises et pour empêcher les leaders des partis francophones de faire campagne dans le Brabant flamand. Une circonscription fédérale entraînerait une sorte de politisation des francophones de Flandre, ce qu’on veut justement éviter en scindant BHV. Tous les endroits de Flandre où vivent relativement beaucoup de francophones – la côte, Renaix, Gand, Anvers, les communes proches de la frontière française – deviendront des réservoirs de voix stratégiques pour le PS, le MR, le CDH et Ecolo. Je n’ai aucun problème avec la présence de ces francophones, mais ça en devient un s’ils se constituent en une sorte de communauté politique. D’ailleurs, Vande Lanotte n’avait pas repris cette idée dans sa note. C’est la raison pour laquelle, selon un point de vue proflamand, la note Di Rupo me paraît encore moins acceptable que la note Vande Lanotte.

Les transferts de compétences du fédéral vers les Régions et les Communautés dépassent les 17 milliards d’euros. C’est gigantesque, non ?

Di Rupo a procédé de la même manière que Vande Lanotte et De Wever. Il a identifié toute une série de compétences pouvant être transférées. C’était déjà la logique à l’£uvre lors de la phase de préformation, au mois d’août dernier, quand les partis autour de la table se sont accordés sur un  » périmètre « . Alors, oui, la liste est très longue, mais elle comprend très peu de vrais leviers. On ne touche pas à la sécurité sociale, par exemple.

Elio Di Rupo propose d’organiser toutes les élections – européennes, fédérales, régionales – le même jour, une fois tous les cinq ans. Votre avis ?

Je pense que cela nuit à l’autonomie des entités fédérées. De facto, la formation du gouvernement wallon et du gouvernement flamand sera dépendante du choix de la coalition au fédéral. On l’a bien vu en 1999, quand les élections européennes, fédérales et régionales ont coïncidé. Des majorités arc-en-ciel ont été mises en place en Wallonie et en Flandre, suivant en cela l’exemple du fédéral.

C’est l’intellectuel proflamand qui parle, là.

Oui, mais je trouve que l’idée est aussi critiquable d’un point de vue démocratique. La plupart des parlements, en Europe, sont élus tous les quatre ans. Aux Etats-Unis, le Congrès est partiellement renouvelé tous les deux ans. En Allemagne, il n’y a pas une année sans une élection dans l’un ou l’autre Land. Imaginons que, pour une raison quelconque, cette grande journée d’élections produise un résultat inattendu. Il faudrait attendre cinq ans pour que le pays change d’orientation politique. Je trouve ça beaucoup. C’est une mesure antidémocratique. Elle induit l’idée que les politiciens veulent rester cinq ans en place, sans jamais être dérangés par l’électeur.

Le volet socio-économique de la note Di Rupo peut-il convaincre la droite flamande ?

La note est très concrète concernant la façon de lever de nouvelles recettes, elle est beaucoup plus vague sur la manière de réduire les dépenses. Or, pour la N-VA et l’Open VLD, ce sera difficile de monter dans un gouvernement qui augmente les impôts. En tout cas, vu le contenu de cette note, la N-VA aura intérêt à exiger la présence des libéraux à ses côtés. Car, si elle y va sans eux, elle court le risque de se faire attaquer sur sa droite. l

ENTRETIEN : FRANÇOIS BRABANT

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