Au-delà des clichés

Dans le sillage de son double sacre parisien (Grand Palais et Musée Rodin), Robert Mapplethorpe – enfant terrible de la photographie – profite d’un troisième éclairage, à Bruxelles. Plus sage. Pour ceux qui l’auraient ignoré durant l’été, cet accrochage peut honorablement faire office de rattrapage.

L’exposition composée par la Collection Charles Riva réunit vingt tirages. Une sélection peu copieuse mais qui révèle efficacement différentes facettes du personnage. Mieux ! L’assemblage permet de porter un regard critique sur l’oeuvre de Robert Mapplethorpe (1946-1989) au-delà des clichés, de la censure et des images sulfureuses à l’origine de sa notoriété.

La seule photo couleur exposée est un portrait de Patti Smith. Son amour de jeunesse. Sa muse. Sa complice. Tignasse rebelle et visage androgyne, la chanteuse pose à côté de deux têtes de cheval. Référence évidente à son premier album, Horses. Une autre femme semble inséparable du photographe : Lisa Lyon. L’archétype d’une femme atypique. On rencontre sa plastique parfaite dans un cliché hyper soigné réalisé pour le Vogue italien. Mais les tirages suivants dévoilent toute sa singularité : Lisa Lyon était l’une des premières culturistes américaines. Plus loin, elle est présentée assise à même le sol carrelé d’un vestiaire. Une composition très  » années 1980  » au charme certain. Comme nulle autre, Lisa Lyon se prêta aux jeux scénographiques de l’artiste. Au fil des années, une vraie connivence s’était installée : leur quête de perfection esthétique – photographique pour l’un, physique pour l’autre – les avait sans aucun doute rapprochés.

Images érotiques et culture classique

Autre facette du photographe : sa fascination pour la culture homosexuelle et ses pratiques sadomasochistes. Cette production – souvent étiquetée  » fonds de commerce  » de Mapplethorpe – lui apporte ses premiers succès. Chez Charles Riva, pas de salles interdites aux mineurs (comme ce fut récemment le cas au Grand Palais) mais une poignée d’oeuvres qui insistent, non sans humour, sur le caractère un brin caricatural de ces poilus encagoulés ou habillés de leur  » panoplie  » de cuir.

La dernière salle, plus intime, réunit encore quelques Polaroïds. Ceux-ci traduisent tout l’amour que l’homme portait à la  » grande sculpture  » et à ses références classiques. Un éphèbe nu pose dans des décors tirés du répertoire architectural antique. On sent l’artiste tiraillé entre deux extrémités : la dimension classique et les sujets excentriques… Un grand écart résumé dans son  » autoportrait « . Un diptyque. Deux photographies presque identiques dévoilent le bras et la main de Mapplethorpe dans la même position. Malgré la ressemblance, ces deux clichés symbolisent le jour et la nuit. Sur le premier, conventionnel : chemise rayée (qui évoque la sortie des bureaux) et montre de collection au poignet. Le second exprime son côté  » obscur  » : bracelet-manchette et mitaine de cuir ne laissent planer aucun doute sur la teneur dépravée de ses soirées agitées. Deux visages d’un même artiste, génie  » underground  » foudroyé beaucoup trop tôt par la maladie.

Mapplethorpe. Photographs and Polaroids, Charles Riva Collection, 21, rue de la Concorde, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 28 février 2015. www.charlesrivacollection.com

Gwennaëlle Gribaumont

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