Au coeur du labo

Silvia Spadotto est responsable d’un des départements de L’Immagine Ritrovata, le laboratoire de Bologne qui emploie 80 personnes. Elle explique le processus et les techniques de restauration.

1. Examen des copies

 » On examine les copies reçues, plan par plan, parfois image par image (24 par seconde) pour déterminer si le film est bien dans son intégralité. Parfois, le négatif de départ a été à tel point remonté, pour des raisons de censure ou de director’s cut, que certaines images sont perdues. On fait alors des appels par la Fiaf (Fédération internationale d’archives du film). Par exemple, pour compléter des films muets italiens d’avant-guerre, on a cherché du côté du Brésil et de l’Argentine, où avaient immigré des communautés italiennes qui allaient beaucoup au cinéma. Un véritable travail de police avant de réparer les ruptures et déchirures, avec notre propre colle, à base de nitrate, une recette trouvée dans un ancien manuel de photochimie.  »

2. Scannage

 » On dispose de deux scans dont l’un utilise un liquide qui va remplir les rayures et jusqu’à un certain point, recouvrir les moisissures de l’émulsion du film, ce liquide ayant le même type de réflexion lumineuse que la pellicule. On passe donc d’un support physique à des fichiers numériques. Moins un opérateur va intervenir numériquement sur l’image originale, moins il y a aura de possibilités d’erreur : dans l’option d’être davantage philologique. On peut faire du 4K (standard actuel de la HD cinéma) et on se met au 6K.  »

3. Restauration digitale

 » On utilise la combinaison de trois logiciels pour nettoyer numériquement la pellicule : il faut ce mix-là pour ne pas produire une sorte d’artefact. On stabilise le pompage lumineux – le passage dans le scan peut augmenter l’instabilité du film – et puis on intervient sur les déchirures, la poussière, les taches. Un film des années 1920 ne peut pas avoir la même allure qu’un film des années 1980. Un film destiné aux archives n’a pas les mêmes nécessités qu’un film destiné à la télévision, qui doit être plus  » glam  » qu’un muet. On arrive à gérer huit projets à la fois, l’un d’entre eux est La fureur de vaincre de Bruce Lee, de 1972.  »

4. Etalonnage

 » Quand l’image revient du scan, elle est plate, sans contrastes, la plus neutre mais aussi avec le plus d’information possible. On a alors la possibilité de travailler toute la personnalité de l’image à l’étalonnage : équilibrer les contrastes, corriger la sur ou sous-exposition, donner une tonalité cohérente à l’ensemble. Quand on le peut, on travaille avec le directeur photo du film original, qui donne son avis artistique.  »

5. Photochimie

 » On est l’un des seuls labos en Europe à pouvoir gérer tout le processus photochimique : tirer des copies, imprimer des positifs, repartir du scan pour produire un négatif. Il faut savoir que la pellicule est garantie 120 ans alors qu’on ne connaît pas la durée de vie d’un support numérique. On travaille avec une chimiste qui s’intéresse aux problèmes physiques et chimiques de la pellicule, d’où ces essais dans des récipients. Les pellicules trop sèches doivent être réhydratées, sinon elles seront impossibles à dérouler et donc à numériser, perdues pour le futur. D’autres au contraire, doivent être séchées, par exemple avec du dioxyde de silicium, que l’on trouve dans les petites boules entourant les appareils photo neufs : elles absorbent l’humidité de la pellicule.  »

Ph. C.

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