
Attention au sélénium !
En complément ou issu de l’alimentation, le sélénium n’a pas du tout la même valeur : on peut même dire qu’il y a un monde de différence pour la santé.
Les minéraux, à l’instar des vitamines, sont présents dans divers aliments dont nous avons besoin pour vivre en bonne santé. Les oligoéléments en constituent un sous-groupe : le calcium, le potassium, le sodium et le magnésium sont quelques exemples de minéraux alors que le chrome, l’iode, le zinc et le sélénium sont pour leur part des oligoéléments.
Le sélénium est un oligoélément dont l’adulte a besoin à raison d’environ 70 microgrammes par jour. On le trouve dans de nombreux aliments : poisson, viande, noix, produits complets, farine et légumes. Les carences en sélénium sont très rares chez nous. Pourtant, il est souvent ajouté aux complexes de vitamines et de minéraux et se vend aussi séparément comme complément alimentaire. Il s’agit même d’un des compléments les plus populaires pour prévenir le cancer.
Un cas spécial
Les vitamines et oligoéléments, dont le sélénium, sont souvent des antioxydants qui neutralisent les radicaux libres, ces substances qui provoquent des dégâts dans notre organisme (les radicaux libres résultent notamment du tabagisme ou d’une exposition exagérée au soleil). Il n’a cependant jamais été prouvé que ces antioxydants protègent du cancer et en excès même néfastes. Le sélénium s’avère un cas spécial.
Quelques grandes études ont démontré jadis que le sélénium diminue le risque de cancer de la prostate et de la vessie. C’est ainsi qu’il a été considéré comme un remède anticancer et est devenu un complément alimentaire populaire pour la prévention de la maladie. Jusqu’en 2009, il a même été recommandé par des médecins à des hommes atteints du cancer de la prostate pour empêcher la progression de la tumeur. Une étude de contrôle avec placebo avait en effet révélé que le risque de cancer de la prostate avait diminué de 63% (Nutritional Prevention of Cancer, 1994). Cette étude, réitérée en 2009 (SELECT 2009), n’a cependant pas confirmé ce résultat positif. Au contraire : les hommes qui prenaient des suppléments de sélénium affichaient un risque un peu plus élevé de cancer de la prostate ! Les experts ont alors décidé de ne plus recommander le sélénium.
Les oligoéléments, comme le sélénium, se comportent d’une manière différente selon que vous les ingurgitez dans un comprimé ou par le biais de l’alimentation.
Ces résultats contradictoires ont trouvé leur explication dans le mode d’administration du sélénium. Dans les années 90, c’est la levure séléniée qui était utilisée en guise de supplément ; plus tard, on a adopté une forme plus pure de sélénium, à savoir la sélénométhionine. La levure s’avérait en effet toxique à long terme. Les compléments actuels ne contiennent que de la sélénométhionine, dont les effets ne sont manifestement pas comparables à la fameuse levure, voire au sélénium présent dans l’alimentation.
Cancer de la vessie
Un constat similaire a été établi pour le sélénium et le cancer de la vessie : on a constaté que les personnes affichant une concentration élevée de sélénium dans le sang courent moins de risque de contracter un cancer de la vessie. Certains en ont donc conclu que des suppléments de sélénium diminuent le risque de cancer de la vessie. Or c’est plus complexe, semble-t-il. Les personnes qui prennent des suppléments de sélénium développent un cancer de la vessie un peu plus souvent que ceux qui n’en prennent pas. Les suppléments de sélénium ont été examinés à la loupe dans de nombreuses études scientifiques. La conclusion est unanime : inutile d’en prendre car ils n’apportent aucun bienfait et auraient même un effet négatif.
En Belgique, Maria Goossens, médecin et chercheuse au Centre de santé Sciensano, a consacré son doctorat au sélénium et au cancer de la vessie. Elle a vérifié s’il existait une différence entre l’absorption de sélénium via les légumes et la prise de suppléments. Son étude montre que les personnes présentant un taux élevé de sélénium suite à la prise de compléments de sélénium courent un risque plus élevé de développer un cancer de la vessie, ce qui n’est pas le cas des personnes qui ne prennent pas ces suppléments. Si en revanche, vous affichez un taux élevé de sélénium parce que vous mangez beaucoup de légumes, le risque de développer un cancer de la vessie diminue.
Les comprimés ne compensent pas
Les oligoéléments, comme le sélénium, se comportent d’une manière différente selon que vous les ingurgitez dans un comprimé ou par le biais de l’alimentation. Ce n’est pas totalement illogique. Ces substances ont des effets très puissants, qui peuvent se comporter de manière contradictoire. Via l’alimentation, il n’y aura jamais de surdosage, mais avec les compléments, il convient de se montrer prudent. L’idée qu’on peut compenser des habitudes alimentaires peu saines en prenant des compléments ne tient pas la route.
Avaler des compléments au hasard n’est pas une bonne idée. On a démontré des effets néfastes, surtout en cas de surdosage. La recherche nous apprend que des habitudes alimentaires saines améliorent la qualité et l’espérance de vie, ce qui n’est pas le cas des suppléments. Demandez toujours l’avis de votre médecin ou pharmacien : les compléments ne sont destinés qu’à certains groupes à risque ou en cas de carence prouvée.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici