Arrêté en pleine course
(1) Selon la reconstitution détaillée opérée par la très sérieuse organisation californienne Failure Analysis Associates.
Vivre à toute allure, mourir jeune, faire un beau cadavre. » Les tee-shirts arborant cette fulgurante maxime ont fleuri jadis sur plus d’une poitrine de rocker, signe parmi d’autres d’une fascination non seulement pour la vitesse et le risque mais aussi pour la fatale rencontre entre la jeunesse, la beauté et la mort, telle que la cristallisa le terme brutal de la trajectoire de James Dean. Paradoxalement, l’acteur ne roulait qu’à un peu plus de 80 kilomètres-heure (1), et donc sans excès de vitesse, quand survint l’accident fatal du 30 septembre 1955. Mais Dean conduisait son bolide – une Porsche Spyder – vers Salinas pour y disputer une course automobile, et il s’était déjà signalé par des déclarations comme » Rêve comme si tu vivais éternellement, vis comme si tu allais mourir aujourd’hui « , justifiant d’avance l’équation jeunesse – vitesse – mort précoce qui allait nourrir son mythe…
Le comédien n’avait que 24 ans au moment de son décès, et un seul des trois films où il tenait la vedette, A l’Est d’Eden d’Elia Kazan, était déjà sur les écrans. Sorties posthumes, La Fureur de vivre et Géant devaient inscrire durablement le jeune acteur disparu dans un imaginaire collectif marqué par sa mort comme il l’avait été par son look, son attitude rebelle et son talent qui, jamais, ne se développerait dans l’âge mûr. Toute une jeunesse en mal de reconnaissance et d’expression libérée pouvait se reconnaître dans les personnages révoltés, incompris, romantiques et confrontés à l’absence de communication qu’il incarnait avec une rare intensité. Marlon Brando et Montgomery Clift participèrent eux aussi à cette émergence d’une génération du mal de vivre, crainte de ses aînés. Mais la mort prématurée de James Dean fit de lui une icône, une image arrêtée en pleine course, un mythe.
Eternels regrets
Artiste intense, celui qui avait vécu son enfance dans une ferme de l’Indiana l’avait été dès ses débuts sur scène à New York, signant dans une pièce de Gide ( L’Immoraliste) une performance électrisante que célébra la critique, attirant ainsi l’intérêt de Hollywood. Une fois installé à Los Angeles, il lui fallut pourtant se contenter de petits rôles durant trois années avant de recevoir sa chance grâce à Elia Kazan. Avec le recul, ses trois interprétations majeures, toutes reprises récemment dans des coffrets DVD remarquablement réalisés, signalent un acteur non seulement doté d’un évident naturel, mais développant aussi une précision technique d’emblée impressionnante. Le mythe, toujours présent et sans nul doute appelé à de nouveaux développements, se double d’une réelle densité artistique, ouvrant sur les regrets d’un itinéraire bien trop bref au regard des promesses affichées. A 80 ans (!), Paul Newman, autre acteur fou de vitesse et autre symbole passé d’une génération rebelle, participe encore aujourd’hui à des courses automobiles. On imagine le tandem qu’il pourrait faire avec celui qui était son cadet de six ans, si ce dernier avait vécu. On peut rêver aussi à ces rôles que James Dean aurait tenus dans quelques films phares où brillèrent à sa place un Brando, un Newman, un Redford. Mais la réalité nous ramène à quelques heures seulement de pellicule imprimée, à une Porsche fracassée, au symbole médiatique le plus célébré avec une certaine Marilyn Monroe…
Correspondance particulière
Louis Danvers
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