Ce 11 novembre, les flamingants indépendantistes passent à l’offensive. Cibles désignées : les monuments de la Grande Guerre, symboles d’un centenaire outrageusement belgicain à leurs yeux.
Liège, Mons, Louvain, Nieuport, Ypres : le centenaire de la Grande Guerre, c’est du belge. Un vrai chemin de croix pour les flamingants. Les plus pointus d’entre eux en attrapent la nausée. Ils n’en peuvent plus de ces commémorations officielles à la seule gloire du patriotisme national, de ces grands-messes trustées par les » nationalistes belges » (sic). Sans qu’il y ait jamais un mot, un regard ou une pensée pour cet autre combat, flamand celui-là, dont la Première Guerre mondiale a été le véritable berceau. Premier temps fort de la riposte : ce 11 novembre, jour de l’Armistice. En Flandre, les monuments aux morts ou dédiés à la Première Guerre mondiale seront à la merci de panneaux arborant le symbolique coquelicot frappé du lion flamand et accompagné de ce slogan : » 1914-1918 : van zelfbestuur naar onafhankelijkheid » ( » de l’autonomie à l’indépendance « ).
La piqûre de rappel ambitionne de rafraîchir les mémoires défaillantes : c’est aussi dans la boue des tranchées de l’Yser que l’émancipation flamande s’est conquise de haute lutte. Et le combat se poursuit en vue de l’aboutissement suprême : l’indépendance de la Flandre. Grand ordonnateur de l’opération, le Vlaamse Volksbeweging (VVB) a balisé dans le détail le scénario : le placardage s’accompagnera du déploiement du lion flamand et d’une bafouille au mégaphone.
Le coup d’éclat pourrait n’être qu’un pétard mouillé. Le VVB, combien de divisions ? Pas loin des 5 000 membres sur papier, mais une capacité de mobilisation qui reste un mystère. D’ici au jour J, il bat le rappel des troupes : il a besoin de bras pour aller apposer les quelque 600 panneaux commandés pour la cause. Mais il ne désespère pas d’obtenir de la part d’autorités communales, sinon une franche collaboration, du moins l’autorisation de se manifester. Avec ce que la Flandre recense de mandataires locaux N-VA – 50 bourgmestres, 270 échevins -, le défi ne paraît plus insurmontable.
Atteinte à l’intégrité de monuments commémoratifs, perturbation de cérémonies patriotiques : avec un peu de visibilité médiatique, la portée de la protestation ne serait pas sans conséquences juridiques, symboliques, politiques. Question pas du tout subsidiaire : que fera la police ? Son devoir, sur instructions données par un maïeur nationaliste flamand de réprimer des trublions nationalistes flamands ? Un peu de grabuge ici et là, une plainte, une interpellation : l’affaire pourrait classiquement s’emballer et remonter vers les instances politiques responsables de l’ordre public. A l’échelon régional, Liesbeth Homans, ministre flamande des Affaires intérieures, N-VA. Au niveau fédéral, Jan Jambon, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, aussi N-VA. Des manifestants aux dirigeants, les nationalistes flamands des deux côtés de la barrière. Avec en embuscade une opposition politique, francophone surtout (PS – CDH – Ecolo – PTB), déjà chauffée à blanc. Un rien suffirait à allumer le feu communautaire. Après la foire d’empoigne autour de la collaboration flamande en 1940-1945, une poussée d’adrénaline autour d’une réhabilitation du combat flamingant en 1914-1918 ?
On n’en est pas là. Mais voilà la N-VA au pouvoir fédéral confrontée à sa première contestation flamingante d’envergure du centenaire de la Grande Guerre. Alors que jusqu’ici Geert Bourgeois, nouveau ministre-président et père porteur des commémorations en Flandre, éludait la dimension politico-historique pour se focaliser sur les retombées commerciales et touristiques. Bart De Wever dira encore qu’il s’agit d’une affaire d’un autre siècle. Mais cette fois, c’est le Mouvement flamand qui l’aura cherché.
Pierre Havaux